Chapitre 29

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« Décidemment, ces deux-là ne me font pas vraiment confiance... En même temps, je n'ai rien fait qui les convainque que je suis de leur côté. »

D'une certaine manière, il les comprenait. Une question lui vint à l'esprit.

- Monsieur...euh Shorvel... ou je dois vous appeler chef ?

Le vieil homme eu un mouvement d'impatience.

- Ok on s'en fiche. Donc, je voulais vous demander... Pourquoi vous cachez-vous ? Vous pourriez vous battre contre les... hommes kakis, il réprima un sourire à cette appellation, ou alors leur apparaître dans votre forme humaine et leur dire de partir ?

- Nael, intervint Anatyia, à ton avis, toi qui les connais bien, est-ce que tu crois qu'ils nous écouteraient gentiment et repartiraient tranquillement ?

Il essaya d'imaginer Yann en face de Shorvel, en train de sourire et de fumer le calumet de la paix. La question n'attendait pas de réponse. Le traqueur se contenterait de balayer d'une main négligente (et d'une mitrailleuse) l'obstacle qui se dresserait devant lui.

- D'accord c'était une mauvaise idée. Mais alors, pourquoi ne partez-vous pas ? Ils ne trouveront plus rien et ils finiront bien par abandonner ! Ou au moins rester dans votre camp sans sortir sous la forme de tigre !

Cette fois, c'est Shorvel qui lui répondit.

- C'était bien notre intention. Ces hommes sont dangereux, et menacent tout le Peuple. En tant que Chef et Guide, mon souhait le plus cher est que tous soient en paix et en sécurité. Malheureusement, c'est impossible pour l'instant.

 - Mais il doit bien y avoir une solution, s'exclama Nael. Se cacher n'est pas une solution à long terme, si vous voulez échapper à Yann, il vous faut soit le fuir, soit l'affronter ! Si l'affronter est du suicide, alors vous devez partir !

Un long silence suivit ses paroles. Alors qu'il se demandait avec anxiété ce qu'il avait bien put dire, et s'il n'était pas aller trop loin, il remarqua un échange silencieux entre le vieux stylis et la jeune femme aux cheveux argentés. Il lui sembla presque voir la demande muette dans les yeux d'Anatyia, et la réponse de son chef. Le plus terrifiant étant que le vieillard étant aveugle, normalement la communication par regard n'était pas possible ! Cela mit Nael si mal à l'aise qu'il préféra penser qu'il avait rêvé.

Finalement, Anatyia brisa le silence.

- Il y a une solution, en effet. Nous l'envisageons depuis que l'expédition a envahi nos territoires.

Nael se sentit envahit de sentiments contradictoires. Pourquoi avait-il l'impression qu'elle venait de demandé à Shorvel la permission de lui parler de cette fameuse solution ?

- Le Peuple, reprit Anatyia, est arrivé sur ces terres il y a bien longtemps. Le père de mon père est né ici, mais son père se rappelait du temps où nous n'habitions pas cette forêt. A l'époque de notre installation, le Chef du Peuple s'appelait Ishaï. On le surnommait le Passeur, car c'est lui qui avait décidé de partir de notre ancienne terre pour venir ici, et qui avait guidé le Peuple tout au long de ce périple, emmenant ceux qui avaient acceptés de le suivre avec lui.

- Pourquoi ton peuple est-il parti ?

- Parce que les terres anciennes étaient devenues... dangereuses pour nous. Lorsqu'Ishaï et les Stylis qui l'avaient suivis décidèrent de s'installer dans cette forêt, il fut admis qu'un jour, le Peuple devrait retourner chez lui, lorsque les terres anciennes redeviendraient sûres pour les Stylis. Alors, Ishaï le Passeur cacha le moyen du retour quelque part dans la forêt, dans une cachette connue de lui seul, pour que le Peuple ne puisse prendre le chemin du retour que lorsque le temps serait venu, lorsque le Peuple serait plus en danger ici que dans son ancien foyer.

- Et... où est-il cet ancien foyer comme tu dis ?

Anatyia hésita un moment, puis baissa le regard.

- Nul ne le sait. Le secret s'est perdu dans la mémoire des anciens, et même les ayutoons, les unes après les autres, ont perdus ces fragments de notre histoire. Seul reste le souvenir persistant que nous venons d'ailleurs.

Elle releva la tête, et Nael fut une fois de plus bouleversé par ses pupilles violettes.

- Et que le temps est venu pour nous de repartir vers les terres anciennes. 

L'information traversa le cerveau du jeune homme, et il se força à y réfléchir plus tard. Cela faisait trop d'informations d'un coup.

Pourtant la jeune femme continuait à le fixer, attendant sa réaction. Il se força donc à réagir calmement et dit :

- Oh... Et pour cela, vous avez besoin de quelque chose que votre Grand Passeur a caché et dont personne ne connait la cachette, c'est ça ? Eh bien, c'est un peu mal parti, non ?

Anatyia détourna doucement le visage et fixa un point au loin. Elle semblait presque déçue de sa réaction. Shorvel dut sentir qu'elle ne répondrait pas car il enchaîna :

- Nous ne savons pas où exactement Ishaï l'a caché, mais il nous a laissé un moyen de le trouver.

- Ah oui ? Comment ?

- Avant de mourir, il a transmis à son successeur ce message : « Dans les derniers temps, lorsque le chaos menacera la paix du Peuple, un nouveau Passeur apparaîtra. Il devra montrer le chemin jusqu'à la terre de nos ancêtres à ceux qui le suivront. Mais sans l'ayutoon, son entreprise sera vaine. Elle seule pourra retrouver le diazolg, à l'aide du collier de nuit. »

- Euuuuh... Puis-je vous demander ce qu'est le dias... diazu... Enfin bref le machin qu' « elle seule pourra retrouver » ?

- Le diazolg, lui répondit Anatyia de sa belle voix claire, est une pierre, que l'on pourrait qualifier de précieuse. C'est le moyen pour nous de rentrer, et ce que je cherche depuis longtemps. Et, ajouta-t-elle pour couper court à sa prochaine question, voici le collier de la nuit.

Elle tira sur un lacet de cuir attaché autour de son cou, que le jeune homme n'avait pas remarqué jusqu'à présent. Il était certain qu'elle ne le portait pas les jours précédents où ils se retrouvaient à la clairière. C'était un petit pendentif tout simple, une espèce de pierre d'un noir d'ébène parcouru à la lumière de reflets multicolores, taillé grossièrement en forme de larme.

- C'est l'un des attributs de l'ayutoon. Il signifie que la nuit accepte de me prêter ses pouvoirs et de m'être favorable.

- Pourtant tu agis le jour, non ? La première fois que je t'ai vue, c'était...

- Le soir. La nuit est favorable aux Stylis, car sous forme vuktil nous voyons dans le noir à la manière des félins. Ce jour-là, tu sais, tu m'as sauvé la vie. Je venais juste de partir à la recherche du diazolg. Je ne me suis pas assez méfiée et je suis tombée dans un piège de ton fameux Yann. J'ai failli me faire capturer, et je leur ai échappé de justesse. Mais ils m'ont blessé avec l'un de ces bâtons bruyants, et si tu n'avais pas soigné ma blessure, je serais morte d'avoir perdu trop de sang.

Cela ressemblait fort à des remerciements, pourtant Nael eu beau attendre, elle ne prononça pas les mots qu'il attendait. Et sous le regard lourd du jeune homme, la belle Stylis détourna la tête vivement dans un mouvement fier et presque boudeur. 

Et de cinq! Plus qu'un!

Wild CreatureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant