Chapitre 6

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- Alors, au programme d'aujourd'hui : ce matin, je t'emmène avec moi, parce qu'on a une tonne de boulot, et que je n'ai pas le temps de jouer au guide. Si j'arrive à me libérer, cet après-midi on va voir les labos, ça te va ? demanda Kat.

- Pas de problème, je suis curieux de savoir ce qu'ils font là-bas.

- A vrai dire, on risque de ne pas voir grand-chose, parce que Karl le biologiste en chef est un peu parano et qu'il est sûr d'être au seuil d'une grande découverte. Du coup, à mon avis, tu verras seulement les installations matérielles, pas de dissections ou autres trucs gores.

- OK, à vrai dire tant mieux, je n'ai jamais vraiment apprécié la SVT et les dissections...

Kat rit.

- Dans ce cas, ça devrait quand même aller dans notre local ! Là-bas, les seules dissections pratiquées sont celles des fils électriques !

Nael sourit et suivit son amie.

Toute la matinée, il resta avec Kat et ses collègues, les écoutant raconter foule de petites anecdotes de la vie courante du camp. Certaines le firent rire, d'autres le rendirent perplexes concernant certains membres de l'expédition : étaient-ils vraiment ce qu'ils laissaient paraître ? Par exemple le cuisinier, Jack, faisait-il vraiment du lard aux haricots seulement parce qu'en cachette il mangeait le reste des victuailles ? Et Nick, le jeune aide à la laverie, était-il vraiment une fille déguisée pour échapper à son père autoritaire ? Il se demandait si certaines n'étaient pas juste des rumeurs inventé pour tromper l'ennui auquel avec le temps l'on croit dur comme du fer...

Toujours est-il qu'une histoire lui fit vraiment froid dans le dos, d'autant plus qu'il avait la preuve qu'elle était vraie : le récit de la mort de Janissa et de David par les tigres de sang. D'après Kat avec la confirmation vigoureuse de Stan et d'Andrew, ces deux-là étaient amants, et se retrouvaient dès que possible à l'extérieur du camp pour des moments intimes qu'ils croyaient ignorés de tous. Mais un soir, on ne les avait pas vus au repas. Inquiets, quelques volontaires avaient proposés de partir à leur recherche. Quelques heures après, le spectacle qu'ils avaient découvert était difficile à soutenir. Leurs corps nus étaient étendus sur le sol, méconnaissables tellement l'on les avait lacéré de coups de griffes. Ils étaient à moitié mangés, et certains de leurs membres étaient tordus dans des positions grotesques. Nageant dans une mare de sang, ils avaient été très durs à transporter.

Et lorsque Nael, dégouté par la description, demanda pourquoi ils avaient la certitude que les tigres de sang étaient responsables, Andrew s'écria :

- Mais enfin c'est logique ! Ces fauves nous tournent autour jours et nuits, n'attendant qu'une occasion pour nous sauter à la gorge ! Les équipes de traqueurs ne les attrapent pas, mais les excitent suffisamment pour qu'ils soient agressifs envers nous.

- Les hommes commencent à avoir peur, et à juste titre, soupira Kat. Comme je te l'ai déjà dit, on est à la limite d'une mutinerie chez les traqueurs...Heureusement, ils n'osent pas se rebeller, ils ont bien trop peur de leur chef.

- Oui, mais pour combien de temps ?

- Vous croyez qu'il vaut mieux stopper l'expédition et rentrer bredouille ? demanda Nael.

- Je pense surtout, lui répondit Kat, qu'il faut vraiment que nous aboutissions à quelque chose. Cela devient urgent.

De cette conversation, Nael avait compris deux choses : la première, c'est que l'atmosphère actuelle était tendue, et que l'ambiance n'était pas à la réjouissance, mais à la peur et à la méfiance. Et la seconde découlait de la première : la peur de l'inconnu avait conduit à une accusation directe et sans preuve de meurtre. Les tigres de sang pouvaient être totalement inoffensifs, tant que l'homme ne les connaissait pas, il les qualifierait d'ennemis, et ce ne serait pas la première fois qu'il agirait ainsi.

***

Nael n'aimait pas les hôpitaux. L'ambiance aseptisée, les murs blancs sans personnalité, l'impression que tout est clair et parfait lui avait toujours donné envie de tout casser, pour enfin mettre un peu de vie et de chaos dans cet univers uniforme. Mais il n'avait jamais pensé qu'un laboratoire sous une tente le mettrait dans le même état. Où qu'il pose le regard, des instruments aux noms compliqués étaient alignés, étiquetés selon des critères de tailles, d'utilisation, et même de couleurs.

Mal à l'aise, Nael ne savait pas où regarder. Il décida donc de fixer le scientifique posté devant lui. Karl Tryland était un homme de carrure moyenne, aux cheveux noirs comme du charbon et aux petites lunettes cerclées de fer très cliché. En revanche, il n'était pas vêtu d'une longue blouse blanche de chimiste mais d'un simple pull-over d'une couleur fade et d'un jean. Il n'avait pas l'air particulièrement accueillant, mais comme le jeune homme était le petit nouveau, cela semblait plutôt normal.

Après les présentations faites par Kat, le biologiste les laissa en s'excusant du bout des lèvres : il était en train de réaliser une expérience très importante, dont il ne pouvait pas parler, et s'éloigna donc précipitamment, en leur recommandant de ne toucher à rien, et de demander à sa collègue s'ils avaient besoin de renseignements. Surpris par le manque de politesse du scientifique, Nael fit quelques pas dans la pièce, demanda quelques explications à la femme qui les regardait d'un air hautain, visiblement pas très heureuse que l'on lui ai assigné le rôle de guide touristique. Lorsqu'elle lui répondit avec un mépris qu'elle n'arrivait plus à dissimuler, Nael explosa. Il ne se sentait déjà pas à l'aise, si en plus on lui faisait si clairement comprendre qu'il était en trop, on n'avait pas besoin de sa présence plus longtemps. Il sortit en trombe de la tente, sous les protestations de Kat. En passant près d'une rangée de microscopes bien alignés, il ne résista pas au plaisir d'en pousser un brusquement du coude. Le fracas de sa chute fut presque couvert par les hurlements de la scientifique, et Nael ne put s'empêcher de penser comme un gamin que c'était bien fait pour elle. Il n'en entendit pas plus car le temps qu'elle comprenne qu'il n'avait absolument pas l'intention de s'excuser, il était déjà loin.

Je sais que je ne suis pas très loquace sur moi-même, mais cela ne m'empêche pas d'apprécier les commentaires. N'hésitez pas à poser des questions ou à me donner des conseils, à vrai dire je n'attend que ça... merci beaucoup à celles qui prennent le temps de lire cette drôle d'histoire! À chaque fois ça me fait chaud au cœur...Au fait j'adore ce chapitre, j'espère qu'il vous a plu!

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