Chapitre 13

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Pendant une demi-seconde, elle resta figée, le regard plongé dans celui de Nael. Soudain elle émit un grondement sourd, et le repoussa brutalement du plat des mains. Le choc fut tel qu'il tomba à la renverse et se retrouva allongé dans l'herbe, les quatre fers en l'air, ébahi. Sans perdre des yeux la jeune fille qui essayait péniblement de se lever, il se redressa lentement et lui fit face, le regard rivé dans le sien. Muet de stupeur, il l'observa sans un mot tandis qu'elle poussait sur ses jambes pour se mettre accroupie, le dos courbé, sa jambe gauche tendue sur le côté, légèrement derrière elle. Elle chercha son équilibre, posa ses mains aux longs doigts fins devant elle, entre ses cuisses, dans une attitude de prédateur effrayé, prêt à bondir donc dangereux. Tout cela, il ne fit que le noter distraitement, tant il était fasciné par les yeux de l'inconnue.

Ils paraissaient immenses dans son petit visage, ainsi étirés en amandes, bordés de ses longs cils noirs. Détail irrésistible, ils étaient légèrement relevés vers les tempes, comme deux papillons prêts à s'envoler. Une lueur sauvage brillait dans ces pupilles. Mais le plus extraordinaire était leur couleur. Chatoyantes, ses prunelles semblaient animées d'une vie propre, accrochant la lumière et brillant comme deux joyaux. Ils étaient magnifiques. Ils étaient violets. D'un violet doux, presque rose, aux reflets mouvants, semé de paillettes d'or qui intensifiaient le mystère de ce regard. Jamais Nael n'avait vu une telle couleur. « Incroyable... » était la seule pensée qui lui venait à l'esprit.

En face de lui, la jeune fille recula, et montrant les dents, elle émit un feulement presque animal. Elle lui faisait plus que jamais penser à un animal pris au piège, dangereux car effrayé. Instinctivement, le jeune homme fit la seule chose appropriée qui lui venait à l'esprit : il s'accroupit à son tour, et tendit la main vers elle en lui murmurant des mots d'apaisement. Exactement comme si c'était un animal sauvage. Sans un instant la quitter des yeux.

La jeune femme, surprise, eu un léger mouvement de recul, puis considéra longuement la main tendue. Puis plongea de nouveau son regard dans celui de Nael. Elle semblait à l'affut, extrêmement méfiante elle le dévisageait, comme si le moindre geste brusque la ferait détaler. Ils se dévisagèrent ainsi longuement, sans bouger, le silence seulement rompu par les phrases chuchotées du jeune homme. Soudain, dans les arbres, un oiseau lança une longue trille aiguë. Surprise, la jeune fille sursauta, jeta un coup d'œil derrière elle, et se mit debout d'un coup, prête à partir. Nael s'écria :

- Attends !

Mais lui lançant un regard furieux avec, semblait-il tout de même, une pointe de regret, elle lui tourna le dos pour se mettre à courir vers le couvert des arbres, ses longs cheveux blancs flottant derrière elle comme s'ils étaient vivants. Se levant pour la poursuivre, il se rendit compte que quelque chose clochait. Il en eu la confirmation quand quelques mètres avant les premiers arbres, elle trébucha, se releva maladroitement, et essaya de se remettre à courir sans succès. Elle se mit alors à se trainer en boitant très fortement de la jambe gauche. Et pour cause ! Portant le regard vers le haut de sa cuisse, il s'aperçu qu'elle était en sang, qui dégoulinait tout le long de sa jambe pour tacher l'herbe à ses pieds. « Oh non...Pas du sang ! » Comment n'avait-il pas pût le voir avant ! Mais lorsqu'il l'avait trouvée, elle était recroquevillée sur sa gauche, sa blessure contre l'herbe, et quand elle s'était relevée, elle avait gardé sa jambe gauche dans l'ombre, derrière elle.

- Attends ! répéta-t-il. Laisse-moi t'aider !

Elle ne lui répondit pas et continua sa marche laborieuse, courbé comme sous le prix d'un extrême effort. Et soudain, elle vacilla, tangua un moment, puis s'effondra lentement, ses jambes ne la tenant plus. Nael couru vers elle. Elle s'était de nouveau évanouie, le visage plus pâle encore qu'avant.

La prenant dans ses bras avec précaution, Nael la ramena au centre de la clairière où la lumière était la plus vive, et la déposa doucement dans l'herbe, en veillant à ne pas laisser son regard se concentrer sur la blessure sanguinolente. Faute de mieux, il lui glissa son sac sous la nuque en guise d'oreiller, et enlevant son T-shirt, il partit le mouiller dans la rivière pour nettoyer la plaie béante. Inquiet, il commença par essuyer le sang qui coulait sur la peau en louchant pour éviter que la couleur écarlate ne se fixe pas sur sa rétine, puis petit à petit, se rapprocha de la blessure. Apparemment, elle saignait depuis un moment, car par endroit le sang coagulé collait à la peau. Mais heureusement, elle ne semblait pas si grave qu'il ne le pensait: sa cuisse était transpercé de part en part, comme si elle s'était empalée sur une branche pointue, ou avait reçu un projectile suffisamment tranchant pour percer la peau puis en ressortir. Lorsqu'il appliqua son chiffon de fortune sur la plaie, la jeune femme grogna, et tenta faiblement de se débattre.

- Chut, lui chuchota-t-il. Ne craint rien, je veux seulement t'aider...

D'un mouvement doux, il lui prit la main et la serra, pour lui faire comprendre qu'il ne lui voulait aucun mal. Car comme il était certain qu'elle n'appartenait pas à l'expédition, il était plus que probable qu'elle ne parle pas sa langue. Peut-être y avait-il une tribu d'indigènes dans les parages...

Elle s'immobilisa sous la pression. Puis, lentement, elle ouvrit les yeux et le regarda. Une fois encore, il fut frappé par son étrange regard, si intense. Elle respirait difficilement, les lèvres entrouvertes, et semblait faire des efforts pour ne pas reperdre conscience. Elle l'observa tandis qu'il s'efforçait de retenir l'hémorragie. Finalement, se rappelant des stages de secourisme que sa mère l'avait obligé à suivre, il se décida à faire un garrot. Il courut rincer le T-shirt imbibé de sang tout en lançant de fréquents coups d'œil vers sa patiente, de peur qu'elle ne retombe dans les pommes ou pire, ne se sauve. Mais il se rassura, si la première hypothèse était plausible, la seconde, en revanche, était irréalisable, la pauvre étant trop faible pour se redresser sur les coudes, elle aurait bien été incapable de faire trois pas ! Revenant rapidement vers elle, il lui ceintura le haut de la cuisse et prévint :

- Attention, ça va faire mal, mais ne t'inquiète pas, c'est pour ton bien, d'accord ?

Il n'attendait pas vraiment de réponse. Aussi fut-il surpris de l'entendre murmurer d'une voix rauque :

- Backa...N'Quisang tula vriss.

- Eh bien... je vais prendre ça pour un oui alors. Ne crie pas.

Et il serra de toutes ses forces. Elle se tendit, luttant contre la douleur, et attrapa l'épaule du jeune homme. Troublé par ce contact, il lui adressa un petit sourire d'encouragement. Elle lui répondit d'un faible sourire en respirant profondément. Il l'aida à se relever pour qu'elle puisse s'assoir, et récupérant son sac, fouilla dedans pour trouver ce qu'il cherchait : une petite trousse de secours. Par geste, il lui fit comprendre d'avaler des antidouleurs. Dans un premier temps, elle refusa énergiquement, comme si elle avait peur qu'il ne lui tende un piège. Comprenant ses appréhensions, il vit qu'il n'avait pas le choix : pour lui montrer que c'était sans danger, il en avala un devant elle avec un grand sourire, tout en sentant une légère pointe d'anxiété l'envahir.... « J'espère quand même que ça n'a pas de conséquences sur les biens portants... Ce serait idiot ! »

Toujours méfiante, mais moins contre, elle prit les comprimés dans sa paume, les considéra un instant d'un air suspect, les renifla, puis comme se décidant soudain, les envoya au fond de sa gorge. Elle faillit s'étouffer, mais Nael lui donna de l'eau et la quinte de toux cessa, la laissant enfin respirer librement. Ils restèrent longtemps ainsi, l'un à côté de l'autre, sans bouger, sans même se regarder, écoutant la respiration profonde de l'autre.

Si vous pouvez me dire quel est mon modèle pour l'image en média, je vous dédicace le prochain chapitre que je sort! Un petit indice: c'est un personnage Disney... Et seule la couleur des cheveux est d'origine!

Wild CreatureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant