Chapitre 10

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Pour ceux qui aime l'action... La voilà! J'étais toute fébrile en écrivant cette partie, parce qu'elle introduit enfin le vrai début de l'histoire... Bonne lecture!

 Yann était tapi dans l'ombre. La peau foncée à la suie, il se fondait presque totalement dans la végétation environnante. Un bruissement à sa gauche lui fit tourner les yeux sans qu'aucun autre muscle ne bouge.

 Il réprima un soupire d'agacement : l'un de ses homme en avait manifestement eu marre de rester sans bouger, et il remuait le plus discrètement possible, c'est-à-dire pas beaucoup. Un de ses camarades dû le mettre en garde contre la sanction qu'il allait de toute façon avoir car il arrêta net ses gesticulations. Yann se promit de découvrir qui était cet imbécile et de le virer proprement des traques.

 Ces volontaires qu'il avait dû engager sur le tas étaient décidément des incapables. Rien ne valait ses hommes, surentraînés et attentifs à ses ordres. Malheureusement, contrairement à lui, ils n'étaient pas increvables, et les uns après les autres, ils lui avaient demandé des congés. Il avait alors été obligé d'engager des petits gars aux compétences approximatives, des tireurs particulièrement précis mais sans aucun sens de la discrétion, des pisteurs efficaces incapables de toucher une vache dans un couloir...pas vraiment de perles rares.

 Mais il devait s'en contenter pour quelques semaines. Et ils étaient tout de même comme tous les hommes : cupides et avides de gloire. Des promesses de meilleurs paies, d'un meilleur poste, et il les avait dans sa poche et à sa botte. Faciles à manipuler, et pour l'instant, c'était l'essentiel.

 Il soupira intérieurement pour la seconde fois, et fit le vide dans ses pensées : hors de question de se laisser distraire lors d'un raid. Pour l'instant, lui et une poignée d'hommes étaient embusqués près d'une clairière où ils avaient repéré des traces du passage d'un animal particulier, avec une façon de bondir surnaturelle.

Pour Yann, la question ne se posait pas : des Arcadiens passaient régulièrement par là. Il avait immédiatement ordonné à trois de ses hommes de se dissimuler aux abords de la petite clairière. Et de là, avait commencé l'attente. Le traqueur attendait patiemment, anticipant le moment bref et fulgurant où la bête serait prise de cours. Au court des mois précédents, il avait appris à comprendre les réflexes et les habitudes de sa proie. Il savait qu'il n'aurait que très peu de temps avant qu'elle ne reprenne ses esprits. Il fallait que cela suffise pour la blesser d'une balle dans la patte arrière, ce qui la ralentirait suffisamment pour que ses gars aient le temps de jeter un filet d'acier sur elle pour l'entraver et enfin réussir à la capturer.

Ce plan reposait sur le fait que les petits jeunes fassent exactement ce qu'il leur avait dit, sur leurs réflexes et leur rapidité. Et vu le comportement de ses recrues, il commençait à douter de la réussite de ce raid.

 Il se ressaisit : ce n'était pas le moment de douter. Ils allaient réussir. Et il empocherait enfin la récompense pour son dur travail. Avec, il avait prévu de se payer un tour du monde, des bagnoles et des filles. Il prendrait des vacances bien méritées pendant disons, un an, et puis il retournerait sur le terrain, parce que sans l'excitation des traques, sa vie n'aurait aucune saveur. Ces rêveries occupaient ainsi une partie secondaire de son esprit, pour ne pas se déconcentrer de son objectif.

Tout à coup, tous ses sens sont en éveil. Des bruits de pas, légers et rapides sur l'humus de la forêt. Il sait reconnaître ces indices infimes d'une présence : sa proie se rapproche enfin de la gueule du loup. Les pas s'arrêtent un instant. La créature n'est pas dans son champ visuel, mais il sent qu'elle est méfiante. Les hommes ne sont pas dans le sens du vent, elle ne peut pas les sentir, mais Yann sait depuis longtemps qu'elle a des sens bien plus sensibles que les autres animaux, et que même sans aucunes odeurs corporelles, elle se débrouillerait pour les détecter. Les pas reprennent, plus lents. Imperceptiblement, Yann cramponne un peu mieux la crosse de son fusil de chasse. Il assure les appuis de ses pieds tourne la tête pour être parfaitement bien positionné pour viser. Puis il se statufie définitivement. Juste à temps : le mi-tigre apparaît.

 Il se dresse, majestueux. Sa fourrure écarlate striée de longues trainées noires luit dans la lumière qui filtre entre les branches des grands arbres. Il est plus grand, et plus élancé que son cousin le tigre du Bengale, et en apparence, rien ne le différencie de celui-ci. Sa tête fine a un port noble et ses grands yeux surlignés de noir brillent magnifiquement. Ce sont ces yeux qui troublent les traqueurs qui les aperçoivent : ils ne sont communs à aucune espèce connue, ils défient toute logique, ils flashent dans le pelage rouge feu, ils sont violets. D'un violet profond et lumineux qui ébranlent les cœurs les plus endurcis. Yann attends un quart de seconde. Puis, vif comme l'éclair il lève son fusil, vise en moins de temps qu'il ne faut pour le dire et appuie sur la détente. Un feulement échappe à la bête, elle se tord, et démarre comme une flèche vers l'embuscade des jeunes traqueurs.

 Un instant. Yann est sûr de leur victoire. Mais. Les jeunots sont pris de court devant la flèche rouge qui leur fonce dessus. L'un lâche un hoquet. L'autre lâche le filet. Quand le premier se ressaisit et lance son bout du piège, il comprend qu'il l'a raté. Le filet d'acier se prend dans l'Arcadien, sans pour autant paraître gêner sa course. En une seconde, lui et le filet sont hors de vue. La scène n'a pas duré plus de deux secondes.

***

Yann avait tout vu, tout enregistré. Pourtant l'information peinait à remonter vers son cerveau. Il s'est enfui...Une rage folle monta en lui.

- IL S'EST ENFUI !!!!!!

Les yeux fous, le colosse se redressa. Les deux jeunes, encore sonnés par ce face à face intense, ne comprirent pas assez vite le danger. Un claque retentissante les assomma d'un seul coup. Le premier fut projeté contre un arbre et rebondit contre l'écorce élastique, le second se retrouva les quatre fers en l'air, poussé par la force du choc. Yann, se dressant devant eux éructa :

- INCAPABLES !!! Il était là, à votre portée, et vous avez réussi à le louper ! A quoi vous servez si vous n'êtes même pas fichu de lancer un filet ?

 - Désolé, chef, mais il allait bien trop vite, on n'aurait jamais réussi à le capturer ! bredouilla l'un des jeunes apprentis traqueurs, terrorisé par la silhouette gonflée de muscles qui le dominait et lui cachait la lumière.

Yann se détourna avec humeur. Ils ne méritaient même pas qu'il les corrige. Ces petits mollusques étaient déjà suffisamment effrayés pour essayer de recommencer à tout faire capoter. Il retraversa la clairière jusqu'à son fusil qu'il avait abandonné par terre. Il se penchait pour le ramasser lorsqu'il s'arrêta net dans son mouvement. Il fixa la tâche sombre sur le sol. Du sang.

 « Je l'ai touché... Il est blessé !»

Il reprit espoir : s'il perdait du sang, il serait simple à traquer, comme un véritable Petit Poucet sanglant ! Il empoigna la crosse de son arme, se redressa et s'adressa aux deux crevettes qui se relevaient laborieusement :

- Allez les lavettes ! Montrez ce que vous avez dans le ventre si vous ne voulez pas être virés !

Wild CreatureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant