Chapitre 35 : Lilya

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Il fait beau ce matin, nous sommes au mois de mars et les champs sont en fleurs. J'adore cette période malgré les pluies et les orages qui se sont manifestés ces derniers jours. Après tout, nous sommes en Bretagne et la grisaille fait partie du décor, qu'on le veuille ou non.

Je me suis réveillée très tôt ce matin, vers six heures, comme depuis maintenant deux ans. La première chose que je fais est de me préparer un café bien corsé avant de me faire une tartine de beurre salé et de confiture.

Mes rendez-vous s'enchaînent jusqu'à dix heures, plus ou moins. À ce moment-là, après avoir terminé ma dernière livraison, je m'assois à la terrasse du café en compagnie du chef cuisinier, monsieur Laurent Dafont. C'est un jeune homme grand, aux yeux d'un vert sublime et au sourire ravageur, mais doté d'une ambition sans limites.

- Alors, Lili, que nous proposes-tu de beau pour l'été ? demande-t-il.

- Eh bien, je fais pousser des melons, on verra si ça tient, répondis-je.

- Des melons de Bretagne ? Ce serait une première, commente-t-il.

- Moi, je dis pourquoi pas.

- Et sinon, j'attends toujours que tu acceptes mon invitation au dîner. Je cuisinerai ton plat préféré.

- Si tu me dis lequel, je te promets d'accepter.

- Des lasagnes.

- Non, raté, répliquai-je.

- Pourtant, tu étais subjugué par mes lasagnes l'autre jour.

- La prochaine fois, continue à persévérer.

- Pourquoi, je le ferai sans problème.

- Il faut que j'y aille, merci pour le café.

Je me lève, prête à repartir, mais en me retournant, je heurte quelqu'un. Un parfum gravé comme du marbre dans ma mémoire olfactive me submerge les narines.

- Sacha ? murmuré-je.

- Lili.

Sa voix me fige sur place. Lui ici ? Pourquoi ? Lentement, je lève le regard vers lui, redoutant ce moment où nos yeux vont se croiser après trois putains d'années.

- Salut, dis-je froidement.

- Salut, répond-il d'une voix presque douce.

- Lili ? Vous connaissez ce monsieur ?

- Vaguement, réponds-je avec indifférence. Excusez-moi, mais j'ai une journée chargée.

Je l'esquive et m'éloigne, mais c'est mal le connaître. Sacha me suit d'un pas déterminé avant de m'attraper par le haut du bras.

- Accorde-moi un moment, s'il te plaît.

- Je travaille, je n'ai pas le temps, répliquais-je sèchement.

- Dix minutes, s'il te plaît.

- Après, tu disparaîs. J'étais claire lorsque j'ai dit un jour adieu ! ajoutais-je entre les dents.

- Tu me détestes ?

- C'est un mot faible, crois-moi.

Il relâche sa prise et recule d'un pas, l'air horrifié par ma réponse.

- Je comprends. Tu veux bien me suivre à l'intérieur ? Nous serons plus à l'aise.

- Tout va bien, Lili ? demande Laurent, qui nous observe jusqu'à présent depuis la terrasse.

- Oui, Laurent, merci. Allons-y, lui dis-je en le dépassant.

Mon irritation bouillonne sous ma peau, prête à éclater à tout moment. Je m'assois, la posture raide, mes mains crispées sur le rebord du comptoir. En face de moi, Sacha semble mal à l'aise, hésitant, son regard évitant soigneusement le mien.

Tu diras ouiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant