Chapitre 18 : Assignés à résidence

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Lorsque j'arrive en bas, j'avais vu juste : une odeur de poulet basquaise embaume la cuisine et Jordan et Matthew sont en train de déguster leur assiette.

            — Tu en as mis du temps, s'exclame Jordan à mon arrivée.

            — J'étais avec Alexia et Lou ! Et vous, vous ne m'attendez même pas pour dîner ? fais-je semblant d'être vexée.

            — Vu le temps que vous passez au téléphone, vous les filles, je préférais manger chaud personnellement, me répond Jordan qui a, comme à son habitude, les yeux plus gros que le ventre si bien qu'il lui faudrait presque une deuxième assiette.

Matthew lui, ne parle pas, il est concentré sur son téléphone. Sans un bruit, je me sers donc une part de ce qu'il reste dans les casseroles gardées sur le feu pour que je puisse manger chaud et m'assoit à côté de Jordan, en diagonale de Matthew, autour de cette table en bois noir.

            — C'est encore Andrew ? demande Jordan à son frère qui ne lâche pas son cellulaire des yeux.

            — Oui, des problèmes au boulot. Ça devient vraiment compliqué de tout gérer à distance... souffle-t-il.

            — D'ailleurs, comment fais-tu pour gérer Clayton Corporation si tu es ici depuis six mois ? questionné-je ce dernier.

C'est vrai que je ne suis plus jamais retournée à Clayton Corporation depuis le jour où Daphné a failli me tuer, et, sachant très bien que c'était un sujet sensible pour moi, Alexia ne me parlait plus jamais de son travail là-bas, si bien que je ne sais absolument pas comment ils s'organisent depuis le départ de Clayton et Jordan pour la Belgique.

            — Je gère d'ici le plus gros. Pour les rendez-vous j'envoie Andrew à qui j'ai offert une super promotion pour le remercier et quand c'était vraiment nécessaire c'était Jordan qui s'y rendait pour moi, en plus de ses visites quotidiennes une fois par moi.

Alexia ne m'a même pas dit pour Andrew, il faut que je les félicite la prochaine fois que je lui, songé-je.

Néanmoins, je comprends désormais mieux pourquoi Jordan me prévoyait toujours un unique rendez-vous par mois qu'il fixait à l'avance, et si je n'étais pas disponible il me disait toujours qu'il ne pouvait pas le repousser. En fait, il passait déjà tout son temps ici tandis que j'espérais désespérément avoir des nouvelles de Matthew.

Cependant, je me pose quand même une question concernant Jordan :

            — Et vous n'aviez pas peur qu'il s'en prenne à Jordan ? les questionné-je en référence à leur père.

            — Disons que Jordan a toujours eu une meilleure relation avec papa que moi. Nous étions d'accord sur le fait qu'il ne lui aurait jamais fait de mal.

Matthew ne m'a jamais beaucoup parlé de son père, et le moins que j'en ai entendu ce n'était jamais en bien. Pourtant j'ai la sensation que Jordan n'est pas totalement du même point de vue que Matthew le concernant.

            — Et pourquoi ?

Oui, peut-être que cette question peut paraitre indiscrète. Mais maintenant qu'ils m'ont fait venir dans cette maison, presque de force, j'estime avoir le droit à quelques informations.

            — Je pense que c'était naturel, avoue Jordan. Matthew a toujours été plus proche de maman et moi de papa. Puis papa était beaucoup plus dur avec Matthew qu'avec moi que ce soit pour l'école, son avenir. Moi il me laissait un peu faire ma vie, mais pas avec Matthew. Je pense qu'il voulait le meilleur pour lui mais s'y prenait mal, en fait.

            — Non, il ne me m'aimait juste pas, déclare Matthew d'un air froid, presque détaché.

À cet instant, j'ai beaucoup de peine pour lui. Il semble avoir réellement été blessé de l'attitude de son père. Ce n'est pas qu'il ne l'aime pas, je le ressens bien, c'est qu'il le déteste de ne pas l'avoir aimé comme il l'aurait voulu. Cela va bien au-delà de ce braquage, il lui en veut pour l'enfance qu'il lui a donné.

            — Arrête, ne dis pas ça ! souffle Jordan à son frère tandis que ce dernier repousse son assiette, cette discussion lui ayant coupé l'appétit.

            — De toute façon, la question n'a plus besoin de se poser car personne ne passera la frontière tant qu'il n'aura pas été retrouvé, nous ordonne-t-il.

            — Quoi ? Même moi ?! geint Jordan qui pensait échapper à cette mesure.

            — Euh, mon patron va peut-être accepter que je sois en arrêt maladie une semaine, mais il ne va pas l'accepter pendant un mois. Quoi qu'il arrive, le week-end prochain je rentre, déclaré-je sûre de moi.

C'est la vérité. Je ne peux vraiment pas perdre mon emploi. Sans ce dernier, je ne sais même pas comment je pourrais payer mon loyer.

            — Tu vois, tu n'aurais pas quitté Clayton Corporation tu n'aurais pas eu ce problème, me sermonne Matthew.

Il rigole j'espère ? Se souvient-il qui est-ce que je ne me sentais plus capable de croiser chaque jour ?

            — Tu m'excuseras mais il y avait une certaine personne pour laquelle je ne me sentais plus capable de travailler. Grand, brun, les yeux verts, une fâcheuse tendance à mentir et un grand fervent de lettres, je ne sais pas si tu le connais... lui réponds-je cynique.

Jordan, à côté de moi pouffe de rire. Il devrait bien s'entendre avec Alexia lui, je suis sûre qu'elle serait dans le même état que lui face à ma réplique.

Mais, Matthew n'est absolument pas dans une phase de bonne humeur — c'est même plutôt l'inverse — et hausse le ton :

            — Faites ce que vous voulez, vous me faites chier. Vous savez comme moi que vous ne partirez pas, sinon vous allez finir comme cette pauvre femme, gronde-t-il excédé.

C'est ainsi qu'il part s'enfermer dans son bureau tandis que Jordan et moi restons à table avec nos assiettes presque vides, songeurs. Au fond, je pense que nous savons tous les deux qu'il a raison, c'est devenu beaucoup trop dangereux pour nous de passer la frontière. Nous allons rester, nous n'avons pas le choix. Mais, je me demande bien combien de temps nous allons devoir vivre tous les trois, ensemble.

Mon détestable ex-patron (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant