Chapitre 38 : Une chute qui risque d'être mortelle

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Aujourd'hui, je pensais me réveiller dans les bras chauds et musclés de Matthew, mon corps nu contre le sien. Pourtant, quand je tâte le lit à côté de moi il n'y a personne, que la tiédeur du drap laissant penser que Matthew y était encore il y a quelques minutes. En fait, ce sont des éclats de voix qui me réveillent, des éclats de voix venant du rez-de-chaussée. Des cernes recouvrant presque mon visage, je repousse le drap à contrecœur, et part à la recherche de ma culotte et mon pyjama que j'enfile à la suite, attrape mon téléphone et rejoins les garçons en bas. Car même si je pensais que Matthew aurait mis du sien après notre discussion d'hier, il faut croire que les voix colériques que je perçois en bas me disent le contraire. Et qui d'autres que deux frères têtus et très rancuniers pour faire un tel brouhaha matinal ?

            — Arrête de fuir, Jordan ! hurle Matthew contre son frère lorsque je passe le pas de la cuisine.

Sa voix est encore endormie, mais la haine se perçoit malgré tout dans son timbre.

            — Fou-moi la paix, lui répond le plus jeune lorsque j'arrive dans la cuisine en se détachant de l'emprise de son frère qui l'avait attrapé par le bras.

Matthew souffle et sert les poings, montrant qu'il tente de se contenir, en vain.

            — Je peux savoir ce qu'il se passe ici ? crié-je en me mêlant à la conversation en les regardant tour à tour.

            — Il se passe qu'il ne comprend rien, lâche Jordan, épuisé de sa confrontation avec son ainé.

            — Donc je n'ai pas le droit de comprendre pourquoi tu as fait ça ? l'interroge Matthew.

            — Je ne te dois rien, je ne vois pas pourquoi je devrais t'expliquer pourquoi j'ai aidé notre père ! s'époustoufle Jordan, résigné à garder le silence.

Matthew voit rouge, et moi aussi. Jordan, lui, tourne les talons et tente de quitter la pièce quand je le rattrape par le bras et lui fait face :

            — Et moi ? Tu ne crois pas que tu me dois des explications ? Tu ne penses pas que moi aussi j'ai souffert de cette situation ? De perdre Matthew ? Après avoir failli mourir ?

            — Elyssa... tente de me couper Jordan.

Mais je l'arrête, je suis furieuse qu'il n'ait même pas imaginé un seul instant que moi aussi, j'attendais de lui des explications.

            — Je pense que tu ne sais même pas tout ce que j'ai enduré par ta faute ! Alors bordel, explique-toi ! Tu me dois bien ça ! lui hurlé-je tout à coup bien réveillée, ne pouvant m'empêcher de penser à mon bébé qui aurait peut-être été dans mes bras sans ses conneries.

Voyant que je pers pied, Matthew passe un bras autour de ma taille pour me contenir mais je le repousse. Cela l'énerve d'ailleurs encore plus contre son frère.

            — Tu comptes la faire pleurer longtemps avant de nous expliquer ce qu'il s'est passé ? Et moi, tu crois que je ne suis pas mort d'inquiétude de savoir que mon frère peut finir en prison à cause de ses conneries. Tu crois que personne ici n'a besoin de savoir par quel moyen tu t'es retrouvé à le faire évader ?

Je ne mettais même pas rendue compte que plusieurs larmes s'étaient écrasées sur mes joues, trop concentrée sur cette discussion pour constater mon visage humide. Je les essuie rapidement avant de me diriger vers l'îlot central, d'y poser mon téléphone afin de me placer entre les garçons, chez qui la tension monte chaque instant. Pourtant, elle retombe d'un coup quand Jordan prend enfin une grande inspiration, et nous raconte tout :

            — Tout ce que je voulais c'était retrouver mon père. Il m'envoyait des lettres à chaque anniversaire, à noël. Et puis un jour à la fête des pères, entre deux désintox', je me suis rendu compte que j'en avais marre de jouer à l'autruche avec lui, alors je suis allé le voir. Et puis après c'est allé tellement vite, c'était si simple avec lui. Je retrouvais le père que j'avais connu et c'est comme s'il ne nous avaient jamais fait tout ce mal. Alors quand il m'a demandé cette voiture en prétextant que c'était pour un de ses amis qu'il voulait aider, me promettant qu'il allait ensuite me rembourser, je n'ai même pas réfléchi un seul instant que ce si simple geste envers lui pouvait me causer du tort ou vous causer du tort. Pour moi c'était un geste anodin, un service que je lui rendais...

Là, je retrouve le Jordan que j'ai toujours connu : bienveillant, altruiste, le cœur sur la main et un brin naïf. Si mon regard s'attendrit aussitôt vers lui, même si je regrette qu'il ne nous ait pas tout de suite raconté ça, ce n'est pas le cas du regard de Matthew qui est toujours furieux. Jordan doit le remarquer car il fond en larme.

            — Je suis désolé Matt et je suis désolé Elyssa. Je sais que j'ai merdé et je sais que vous avez le droit de m'en vouloir. Mais je ne veux pas vous perdre... sanglote-t-il le visage entre les mains sur l'îlot central de la cuisine.

Matthew s'apprête à ouvrir la bouche, un regard beaucoup plus tendre posé sur son cadet, mais il n'en a pas le temps que Jordan reprend :

            — Putain, moi je ne voulais qu'aider papa. Je suis vraiment un abruti ... s'énerve-t-il contre lui-même en chassant d'un bras tout ce qui se trouve sur l'îlot, emporté par sa colère.

Cependant, il ne l'a pas remarqué avant de balayer son bras sur le bois mais mon téléphone aussi s'y trouvait. Je fais un geste vers ce dernier pour tenter de l'empêcher de tomber, mais le geste de Jordan est beaucoup trop vif, trop violent, pour que j'y parvienne.

Trop tard ...

Mon téléphone s'écrase avec fracas contre le marbre au sol.

Je reste pétrifiée. Qu'il soit cassé m'est égal, ce n'est pas ça le problème. C'est ce qui est à l'intérieur qu'il ne doit pas voir. Pourquoi diable n'ai-je pas enlevée cette photo après qu'elle soit tombée dans le restaurant il y a quelques semaines ? Fermant les yeux, je prie pour que ma coque ne se soit pas enlevée du téléphone.

Je suis presque rassurée quand Jordan se rend compte qu'il n'a pas fait valser que des assiettes et des couverts mais également mon cellulaire et déclare :

            — Oh, Elyssa, je suis désolé. Encore. Promis je vais t'en racheter un. Un mieux même. Et ...

Sa voix s'arrête nette. Ses yeux deviennent ronds comme deux billes. Et même si je ne peux pas le voir car je me trouve de l'autre côté de l'îlot, je comprends que ma coque s'est bien enlevée de mon téléphone. Mon souffle se coupe, mon cœur s'accélère, et je suis incapable de bouger, comme tétanisée.

            — Qu'est-ce que c'est ça ? me questionne Jordan en se tournant également vers Matthew, pensant qu'il pourra lui apporter des réponses.

Ce dernier m'adresse un regard inquiet, ne comprenant pas pourquoi je ne bouge pas. Pourtant, il s'approche de son frère, machinalement, comme s'il sentait qu'il devait voir ce que ce dernier tenait dans ses mains. Comme s'il sentait que quelque chose clochait.

Faites que ce ne soit pas ça. Pitié, faites que ce ne soit pas ça.

Quand Matthew arrive à côté de son frère, je vois son visage passer par une multitude d'émotion. Pourtant une partie de moi croit toujours que ce n'est pas ça qu'ils ont vu, mais autre chose. Quoi ? Je ne sais pas. Mais autre chose, par pitié, il faut que ce soit autre chose.

Mais cet espoir est réduit à néant quand Matthew s'abaisse et se redresse en tenant la photo de l'échographie en l'agitant en l'air. Les yeux de Jordan restent choqués tandis que ceux de Matthew virent au rouge quand, d'une voix brisée, il me demande :

            — Elyssa, ne me dis pas que ...

Mon détestable ex-patron (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant