Chapitre 27 : Une chambre particulière

1.2K 74 4
                                    

Lorsque j'entre dans cette pièce, elle dénote avec le reste de la maison. Les murs sont tapissés d'une couleur à la mode il y a au moins dix ans, les oreillers ainsi que les draps sont jaunis par l'âge, le sol est en bois marrons tandis que le reste de la maison est soit en marbre soit en parquet clair. En fait, c'est comme si cette pièce n'avait jamais été rénovée, et cela depuis des années. Je me demande bien à qui appartient cette chambre, et pourquoi elle est dans cet état par rapport au reste de la maison.

Un regard par-dessus mon épaule me permet de constater que personne n'est derrière moi. Je perçois encore les respirations saccadées de Matthew dans la salle de sport. J'entre. Mon cœur bat plus vite et mes mains deviennent moites. Je sais que je ne devrais pas être ici, pourtant, ma curiosité me pousse à faire ces quelques pas supplémentaires dans la pièce, me dirigeant vers le bureau en bois entouré de photos. À pas de loup, je m'approche et prend la première photo dans mes mains et comprends immédiatement où je suis. Cette photo est encadrée et représente une dame brune aux yeux bleu dans une robe blanche de mariée avec un homme blond aux yeux verts. Ce dernier est d'ailleurs le portrait craché de Matthew, en omettant la couleur de cheveux, évidemment. C'est la photo de mariage de ses parents, et donc, je suppose, la chambre de sa mère. Je comprends mieux pourquoi il arborait un regard si triste en passant devant cette pièce et pourquoi cette dernière ressemble à un vrai sanctuaire : il ne l'a pas refaite depuis qu'elle est partie vivre dans cet Éhpad. Il l'a laissé, comme elle était. Il y a également une photo de Jordan petit, il doit avoir cinq ans environ, dans les bras de son père et une des deux garçons qui font désormais une partie intégrante de ma vie : Matthew et Jordan. Les deux rient aux éclats sur ce cliché. Ils respirent l'insouciance, le bonheur. Ils sont loin d'imaginer tout ce qu'ils vont vivre ensuite. Rien que Matthew, je l'ai rarement vu avec ce sourire aux lèvres. Et ces petites fossettes, je ne savais même pas qu'il en avait.

            — Qu'est-ce que tu fais, Elyssa ? me gronde une voix que je ne connais que trop bien.

Je sursaute, me retourne abruptement et découvre Matthew appuyé sur le battant de la porte. Mon visage vire au cramoisis, coupable.

            — Bah... Euh... La porte était ouverte... J'ai fait tomber mon téléphone... Et puis, je suis rentrée... Désolée, je sais que je n'aurais pas dû... bafouillé-je sans savoir comment me justifier en fixant le sol pour éviter de croiser son regard.

            — Ce n'est rien. Ne t'inquiète pas, me rassure-t-il en posant un regard bienveillant sur moi.

Quoi ? Je m'attendais à tout sauf à ce qu'il réagisse comme ça. Je m'attendais au moins à ce qu'il me crie dessus. Je le regarde ébahie.

            — Tu ne m'en veux pas d'être rentrée ?

            — Disons que si ça avait été n'importe qui, je lui en aurais voulu. Mais c'est toi, me sourit-il.

Mon cœur s'affole. BOUM BOUM BOUM. Que veut-il dire par cette phrase ? Est-ce la signification que je pense ?

Je m'apprête à lui poser la question quand il me coupe :

            — Nous étions vraiment heureux à cette époque. Ignorant, mais heureux, déclare-t-il tristement en observant la photo d'eux deux que je tiens encore entre mes mains.

Puis il se met à observer la pièce, comme s'il n'y était jamais venu, avant de reporter son attention sur toutes les photos qui s'y trouvent et de retourner celle de ses deux parents, souriant à leur mariage.

            — Désolé, je ne peux pas, s'excuse-t-il en la retournant.

            — Ne t'inquiète pas, ce n'est rien, le rassuré-je en utilisant les mêmes termes qu'il a employé quelques minutes plus tôt avec moi.

            — C'est juste que... Les voir heureux, après tout ce qu'il nous a fait, et continue de nous faire subir... Et puis, je me remémore tellement de souvenir ici, quand tout allait bien, quand nous venions diner chaque dimanche ici chez ma mère avec mon frère.

            — C'est toi qui l'as construite cette maison ? l'interrogé-je en me rapprochant de lui.

            — Oui. C'est la première de ma carrière et elle était pour elle. C'était mon objectif. Ce que je ne pensais pas c'est qu'elle tomberait malade et ne pourrait presque pas en profiter.

Son regard s'assombrit de nouveau avant de reprendre.

            — Rien que la salle de sport, j'ai eu beaucoup de mal à la refaire après son départ. C'est elle qui en voulait absolument une. D'ailleurs, elle était un peu comme toi, elle adorait courir. J'ai refait toute la maison quand je suis arrivé ici il y a six mois, mais cette pièce je n'ai jamais pu y toucher. Pour être honnête je n'y suis plus jamais allée depuis son départ.

Je comprends mieux pourquoi il semble redécouvrir la pièce du regard. Il n'y est plus jamais venu.

Mais, ce qui m'étonne le plus à cet instant est qu'en regardant cette photo avec son frère, une larme s'échappe de ses paupières.

            — Matthew, je suis désolée d'être entrée ici, je ne voulais pas te faire pleurer, culpabilisé-je.

Matthew ne pleure pas. Jamais. Il n'enlève jamais cette carapace qu'il s'est créé, celle de l'homme fort et imperturbable qui surmonte tous les obstacles.

Mais il ne répond rien et fond en larmes, s'écroulant sur le lit de sa mère avec cette photo entre ses mains.

            — C'est juste que c'est tellement dur depuis qu'elle est malade... Nous étions tellement insouciants à cette époque. Nous étions tous les jours épanouis...

Sans réfléchir, je m'assieds à côté de lui et le prends dans mes bras. Mon geste le fait sursauter, hésitant une seconde avant d'accepter mon étreinte et de me serrer fort dans ses bras. C'est le premier vrai contact physique que j'ai avec lui depuis que je suis ici. Et, pour dire vrai, je ne pensais pas qu'il y en aurait un seul. Mais le voir pleurer, indirectement par ma faute en plus, c'est trop. J'ai aimé cet homme et je l'aime toujours, je ne peux pas le voir dans cet état et ne rien faire, c'est trop pour moi. Je ne pense même pas à ces fourmillements que je ressens au creux de mon abdomen ni à l'odeur de son shampoing à l'amande qui emplis mes narines, sa tête étant nichée dans mon cou. La seule chose à laquelle je pense à cet instant est d'être là pour lui.

Néanmoins, brusquement, il s'éloigne, reprenant ses esprits. Il se lève, se dirige vers la porte et m'invite à faire de même. Déconcertée, je le regarde faire avant qu'il ne me déclare :

            — Ce n'est pas contre toi, je préfère juste qu'on oublie ce moment, si tu le veux bien.

Je hoche de la tête, pourtant au fond de moi je regrette qu'il m'ait dit ça. J'aimais le fait qu'il ait craqué avec moi, j'aimais le fait qu'il se sente si bien avec moi qu'il se sente en sécurité pour dévoiler ses émotions. Or là, il fait machine arrière et même si j'aurais préféré le contraire, ça me fait un pincement au cœur.

Mon détestable ex-patron (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant