Chapitre 40 : Mauvaise rencontre

1.1K 63 3
                                    

Mes pas martèlent le béton chaud et humide de la Belgique. À chaque foulée, à chaque kilomètre parcours, j'espère que l'effort va me permettre d'oublier ma discussion avec Matthew et surtout cette phrase : « j'aurai vraiment aimé avoir cet enfant avec toi, Elyssa »

Je ne sais même pas ce que j'en pense. Je ne sais pas si ça me rend heureuse qu'il se projette aussi loin avec moi ou si ça me fait carrément flipper. Matthew a toujours eu horreur des enfants, c'est bien pour ça que j'ai eu peur quand je l'ai su. Et puis, je ne me voyais pas non plus devenir mère avant d'apprendre que j'étais déjà enceinte. Mais maintenant que tout est différent et que j'ai le choix : est-ce que j'ai envie d'avoir des enfants si tôt ? Avec Matthew ? Notre relation n'est-elle pas encore trop fragile ?

Mon cerveau s'embrume. C'est pour ça que j'avais besoin de partir courir seule au départ, pour le sortir de mes pensées, lui et son frère, même si je n'ai aucune rancune envers l'un ou l'autre. Je remercie d'ailleurs Matthew de m'avoir laissé partir, contrairement à la dernière fois où il s'y était formellement opposé. Cela fait des semaines que nous vivons les uns sur les autres, au fond je pense que chacun commence à avoir besoin d'un peu d'espace.

J'ai déjà couru beaucoup plus longtemps que d'habitude, et je crois m'être enfoncée un peu trop dans les bois quand j'arrive finalement vers une nouvelle route bétonnée que je n'ai jamais empruntée. Je suppose être à une autre sortie du bois, et suppose que la longue route bétonnée mène donc, de nombreux kilomètres plus loin, à la villa des Clayton.

Mes poumons commencent à manquer d'air et le temps orageux me fait plus souffrir que prévu. Si ça continue, je vais finir par rentrer à pied.

Tellement dans mes pensées, je ne fais pas attention et cours sur la route si bien qu'une camionnette noire manque de me renverser et me frôle. Plus de peur que de mal, je m'élance désormais sur le trottoir où plusieurs allées donnent sur de splendides demeures enfoncées dans les bois, à tel point que je ne discerne que leurs toits. Même si, je pense qu'en cette saison, personne n'habite ce genre de maison, les milliardaires devant se trouver dans leurs villas à la mer. Ma solitude couplée à la forêt environnante me ferait presque peur, ressemblant fâcheusement au début de film d'horreur. Et pour être tout à fait honnête, je n'abuse pas car aucune voiture n'est garée aux emplacements prévus pour ces énormes manoirs, seule une camionnette noire — sûrement celle qui a failli me renverser d'ailleurs —s'y trouve. C'est sûrement la seule personne au monde qui souhaite passer son été ici plutôt qu'à la mer, enfin je veux dire la seule personne au monde autre que ceux qui fuient un meurtrier bien évidemment.

Commençant à reconnaître la route par laquelle nous étions arrivés lors de mon premier jour dans cette villa, je monte le son de mes écouteurs pour m'encourager à finir cet entraînement sans m'arrêter.

J'accélère le pas, reprenant tant bien que mal ma respiration, quand tout à coup, à peine ai-je dépassé la camionnette, que des bras m'encerclent la taille et que je me retrouve plaqué contre un torse

— Lâche moi, Matthew, me débats-je, un poil énervé qu'il ne m'ait pas fait confiance et m'ait rejoint.

Cependant, quand je tente de retirer ses bras de ma taille, je me rends compte que des bras sont beaucoup plus poilus et noirs que Matthew ne l'est. Mais surtout, ses mains sont vieillies par l'âge.

Ce n'est pas Matthew.

Mon cœur s'affole, je tente de prendre mon téléphone dans ma poche pour appeler de l'aide mais l'inconnu m'en empêche et l'écrase de son pied. Je crie au secours mais l'homme me tire en arrière. Je tente de résister, mais il est beaucoup plus fort que moi. Sans le moindre effort il me soulève et ouvre la porte de cette fameuse camionnette avant de me jeter dedans après avoir ligoté mes mains. Je me débats, je crie, je hurle à m'en arracher les poumons, mon cœur battant si fort que lui-même doit l'entendre. Mais rien n'y fait, personne ne vient m'aider. Prenant un bout de scotch, il vient le coller sur la bouche pour faire taire les hurlements. Dos à lui, me maintenant fermement par le bras, je suis incapable de voir son visage. Démunis de parole et de mes mains, je tente de lui donner des coups de pieds que ce soit dans ses genoux, ses bras, mais aussi ses bijoux de famille. Mais il les esquive à chaque fois, resserrant sa prise autour de moi au passage.

Il faut que je sorte d'ici ! Qu'est-ce qu'il va m'arriver sinon ? Je ne veux pas que mon cadavre finisse dans une benne à ordure !

Je tente alors le tout pour le tout et lance ma tête en avant pour cogner la sienne. Cette fois-ci je le touche, je l'entends grogner de douleur. Mais il ne lâche pas son emprise sur moi, loin de là. Me poussant à l'arrière du véhicule, il attache mes mains déjà ligotée à une sorte d'anneau fixé au mur avant de m'assoir, ou plutôt de me jeter au sol pour que je m'assoie. Sa rage me glace le sang.

Malgré le scotch sur la bouche, je tente de pousser des cris pour que l'on m'entende, mais cela le rend hors de lui. Dans la pénombre de la camionnette qui n'est éclairée que par le faible faisceau de lumière provenant du dehors et passant à travers la porte, je le vois, de dos et cagoulé, prendre un produit à l'avant du camion. J'entends des gouttes tomber tandis que je tente encore de crier et de me détacher. Je redouble d'énergie pour tenter de m'enfuir, l'adrénaline me permettant de puiser dans mes dernières ressources. Mais, mes efforts sont réduits à néant quand mon agresseur empoigne mon visage de sa main rugueuse pour y coller un mouchoir recouvrant mon nez et ma bouche. Comprenant bien son utilité, je tente de retenir ma respiration le plus longtemps possible, mais je suis essoufflée et bientôt incapable de continuer, tandis que son produit est toujours collé à mes narines. Lorsque je l'inhale finalement, c'est bien ce que je pensais, et ma tête se fait soudain plus lourde comme le reste de mon corps. Je deviens faible, incapable d'émettre le moindre de son et de faire le moindre geste. Il tient toujours fermement mon visage dans sa main, pour éviter que je ne m'effondre, puis il me lâche brusquement et je m'effondre sur une sorte de matelas prévu à cet effet.

À croire que tout était prémédité ...

Mon détestable ex-patron (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant