Chapitre 20 : Une phrase de trop

1.4K 79 6
                                    

Finalité de la journée ? J'ai réussi à sauver mon honneur et gagner une partie contre les dizaines que nous avons faites. Matthew a encore essayé de me déstabiliser sous l'œil amusé de Jordan mais cette fois-ci je ne me suis pas laissé faire.

Il était vingt heures lorsque je suis descendue rejoindre les garçons après avoir pris rapidement une douche et enfilé un short et un débardeur propre. Néanmoins, il faut avouer que les quelques vêtements que Jordan m'a pris ce soir-là dans la précipitation commencent à faire léger si cette situation doit se poursuivre. En effet, j'alterne entre deux débardeurs, deux robes, quelques shorts et t-shirts ainsi qu'une tenue de sport.

Désormais assis tous les trois autour de cette même table en bois laqué qui nous réunit tous les jours, nous permettant de déguster ce soir des pâtes carbonara ce soir dont j'ai supposé que Matthew en fût à l'origine, étant un des seuls, voir le seul repas qu'il sait faire. Cependant, malgré mes quelques progrès sur la Switch cette après-midi, les garçons ne manquent pas de me charrier dès mon arrivée :

            — En tout cas, heureusement que tu n'avais pas pour ambition de te lancer dans une carrière dans les jeux vidéo, tu aurais fait faillite, se moque Jordan qui, à ma décharge, n'a pas fait beaucoup d'effort pour que je m'améliore.

Je pense d'ailleurs que sans Matthew je calerais encore au démarrage.

            — Je ne pouvais pas être belle, intelligente et championne de Mario Kart, il fallait bien m'attribuer quelques défauts, me défends-je en riant avec Jordan.

            — Tant de perfection en une personne c'était peut-être déjà trop effectivement, lâche Matthew avec un sourire dans ma direction.

Je manque de m'étouffer avec ma tagliatelle. Entre ses différents rapprochements avec moi dans l'après-midi et cette phrase désormais, je ne comprends plus ses intentions. Au début j'avais l'impression qu'il essayait de se faire pardonner pour m'avoir quitté dans ces circonstances et que d'une certaine façon il m'aimait encore. Puis il a repris cette attitude joueur avec moi, comme si je n'étais qu'un jeu, un amusement quand il s'ennuyait. Que cherche-t-il réellement avec moi ?

            — C'est ta lourdeur qui est de trop surtout, je pense, je rembarré-je avec le même sourire qu'il a arboré quelques secondes auparavant.

Jordan, pouffe alors de rire face à la tête décomposée de Matthew et rajoute :

            — Au moins, même si elle ne sait pas jouer, elle a de l'humour, accompagne-t-il sa phrase d'une tape sur l'épaule de son frère qui fait la moue.

            — En plus, vous êtes vraiment durs ! Je n'ai jamais été riche moi, je n'avais pas la capacité d'avoir ce genre de cadeau à noël, me défends-je de nouveau pour justifier mon niveau désastreux.

Avec Jason, nos parents n'ont jamais eu beaucoup d'argent. On ne vivait pas dans la pauvreté, certes, mais nos parents n'étaient pas non plus en mesure de nous payer à chacun des cadeaux de noël à plusieurs centaines d'euros. Et, en réalité, je pense que cela nous était égal. Nous n'avons jamais eu cet attrait pour la richesse. Notre seul but, et surtout après la mort de nos parents, était de retrouver la joie et de réussir à vivre convenablement, sans avoir à redouter les fins de mois.

            — Tu sais, contrairement à ce que tu pourrais penser, nous non plus n'avions pas les moyens d'avoir ce genre de cadeau, me contredis Matthew, presque énervé.

            — Oh, Matthew, tu ne vas pas pourrir cette fin de journée en lui parlant de ça ! râle Jordan en roulant des yeux.

            — Et pourquoi pas ? Elle semble penser qu'on a eu une enfance en or. Alors que pas du tout ! s'emporte Matthew.

            — Quoi ? Mais pas du tout ! Je sais que vous aussi vous avez galéré ! Mais d'après vos dires vous avez appris à jouer tôt aux jeux vidéo, c'est tout ! Je ne pensais pas qu'il y avait quelque chose de mal dans ce que j'ai dit ! me justifié-je face à Jordan et Matthew, dont ce dernier reprend cette attitude froide, comme chaque fois que quelque chose le touche.

            — Il n'y avait rien de mal, ne t'inquiète pas Elyssa, me rassure Jordan en prenant ma main qui est posée sur la table.

            — Je ne te comprends pas Jordan ! Tu n'en as pas marre que tout le monde pense qu'on a tout eu par facilité ? Qu'on ne s'est pas battu pour arriver où nous en sommes aujourd'hui ?

            — Peut-être, mais Elyssa y est pour rien ! s'énerve à son tour Jordan.

            — Non, ce n'est pas de sa faute et je suis désolée pour Elyssa que ça tombe maintenant mais j'en ai plus que ras le bol que personne ne sache à quel point on a vécu dans la pauvreté, à quel point on avait parfois du mal à faire trois repas par jour.

            — Sauf que t'énerver et en informer le monde entier ne changera rien, tente de le calmer Jordan en constatant que cette discussion le touche plus que prévu.

            — Si, ça m'apaisera moi, conclut Matthew en quittant brusquement la table et en montant les marches de l'escalier deux à deux.

Et il nous laisse là, tous les deux, bouche-bée autour de cette table. Enfin surtout moi. Jordan semble comprendre ce qu'il vient de se passer, mais pas moi, je suis complètement perdu.

Qu'est-ce que j'ai pu dire de mal pour qu'il se mette dans tous ses états ?

Mon détestable ex-patron (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant