La Cerise du Diable

Chapitre 10

Toujours face à moi, elle se balance d'un pied sur l'autre, mal à l'aise.

— Qu'est ce que tu fais là?, finit elle par me demander.

— Très bonne question, je souffle en me frottant le visage.

— Tu .. tu veux boire quelque chose? marmonne t elle en tirant sur son t-shirt trop grand.

Je me lève et la suis alors qu'elle commence à grimper les escaliers. Son visage se tourne vers moi à plusieurs reprises, comme si elle tentait d'évaluer le danger que je représente dans un futur plus ou moins proche. 

— Je ne vais pas te faire de mal, je pense bon de préciser.

Elle se crispe au milieu des marches avant d'avancer d'un pas plus rapide, trahissant son malaise. Livia se dirige vers sa cuisine et sort deux bières de son frigo. Elle s'active dans la pièce et sort tout un tas d'ingrédients sans me prêter attention. Je n'arrive pas à savoir si elle veut vraiment préparer son repas parce qu'elle a faim ou si elle tente simplement de m'éviter.  

— Tu en veux? me demande t elle en désignant ses bagels.

— Ca va aller.

— Tu as de la bave, je vois bien qu'ils te font envie, se moque t elle.

— C'est pas les bagels qui me font envie...

Ses joues s'empourprent instantanément alors que ses yeux me jettent des éclairs.

— Ouais bah tu n'auras droit qu'aux bagels, grogne t elle.

Sa réaction me fait sourire et je bois ma bière en l'observant. Sa tenue m'intrigue. Je n'arrive pas à savoir si elle veut se mettre en valeur ou se cacher, peut être qu'elle tente de faire les deux à la fois ce qui expliquerait cette catastrophe vestimentaire. 

— Pourquoi tu portes un jeans aussi moulant avec un t-shirt aussi large? 

— Je te demande pourquoi tu tues des gens toute la journée, moi?, râle t elle.

— C'est mon travail, je réponds sur le ton de la conversation.

— Tu devrais postuler ailleurs, j'ai vu qu'il cherchait un éboueur en ville, raille t elle. 

— Belladone, je murmure en souriant.

— Pourquoi tu m'appelles comme ça? Tu n'aimes pas mon prénom? Tu te sens obligé de renommer tout ce que tu vois?

— J'aime beaucoup Livia. Tu es la Cerise du Diable, je n'y peux rien, je réponds en haussant les épaules.

Elle continue d'empiler une tonne d'ingrédients avant de finalement refermer son sandwich. Elle tends l'un de ses bagels vers moi tout en croquant dans l'autre. 

— Tu vas manger ce truc plus gros que toi?, je ricane.

— J'ai faim, sourit elle. C'est quoi une Cerise du Diable?

— Tu ne connais pas?

Elle secoue la tête tout en continuant à engloutir son repas avec appétit. Je croque à mon tour dans son sandwich délicieux. Ce repas est étrange, chacun s'observe curieux sans vraiment savoir pourquoi l'autre est là. C'est vrai, après tout elle aurait pu me mettre dehors, mais au lieu de ça elle m'a invité à boire une bière et me prépare à manger. J'ai du mal à comprendre et j'imagine bien qu'elle aussi puisque je n'ai aucune idée de ce que je fais là. Venir la voir pour me convaincre qu'elle est stupide et inintéressante était une très mauvaise idée...

— La Belladone est une plante. Ces fleurs magnifiques sont violettes et cachent des baies qui ressemblent à certaines variétés de cerises ou de myrtilles. Il suffit d'ingérer quelques unes de ses baies sucrées pour mourir. Cette plante est particulièrement dangereuse et trompeuse. 

— Et le rapport avec moi? 

— Ingérer ces baies provoque des tremblements, un assèchement de la bouche et une tachycardie. Elles finissent par engendrer une paralysie respiratoire qui conduit à la mort. 

— C'est marrant, on dirait les symptômes ridicules d'un crush d'adolescent, pouffe t elle.

 Voyant que je ne réponds pas, elle relève la tête vers moi et croise mon regard brûlant. Elle déglutit avec difficulté.

— Je ne suis ni jolie, ni dangereuse et surement pas sucrée. Tu te trompes de mauvaise herbe.

— Si ça te rassure d'y croire... Alors, tu m'expliques le t-shirt immonde?

— Il est très bien mon t-shirt! Tu as vu ta coupe de cheveux?! 

Je grimace en passant la main dans mes mèches trop longues.

— Si je les coupe, tu enlèves ce truc informe?, je tente avec un sourire en coin. 

— Pourquoi tu es là Drake? redemande t elle en plissant les yeux. 

— J'en sais rien, je lâche dans un soupir.  

On finit de manger en silence. Je sais qu'elle observe le moindre de mes faits et gestes et je la laisse faire, après tout si ça la rassure de savoir comment je mâche, grand bien lui fasse. Une fois terminé, j'essuie les assiettes qu'elle lave. Encore une fois, elle me dévisage avec intérêt. Mon portable ne cesse de vibrer. Je ne réponds pas, je sais pourquoi il m'appelle.

— Tu as du boulot on dirait, lance Livia en désignant mon téléphone qui s'allume pour le 10ème fois. 

— Non. C'est Jimmy qui veut sortir au Milano.

— Le Milano? C'est votre boîte de nuit c'est ça?

— Ouep! 

— Tu fais quoi au sein de la mafia? Quoi? C'est ça non la Cosa Nostra?, ajoute t elle en voyant que je me fige. J'avais compris en voyant ton tatouage, dit elle en frôlant les tentacules encrées sur mes bras.

Son contact m'électrise et mes muscles se crispent au passage de ses doigts. Elle retire sa main aussi vite que si je l'avais brûlé. Je ne sais pas quoi lui répondre. La vérité et la faire flipper ou mentir et la trahir...