L'ouragan

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Les jours passent et comme prévu je reste alitée. 


Depuis la rencontre avec Sergio, ma culpabilité n'a pas désemplie mais si on peut au moins en extraire un avantage c'est que je ne morfonds plus dans ma chambre et que j'accepte une autre compagnie que celle d'Ezio. Je passe l'après-midi avec Andy, venue me sauver de l'ennui alors qu'Ezio parle affaire avec son père et Isabella dans son bureau. Depuis qu'ils ont appris que le bébé est un garçon, Raphaël s'est étonnamment adouci avec moi. Enfin quand je dis adoucis c'est juste qu'il me dit bonjour et au revoir sans me tuer des yeux. Nous ne nous parlons toujours pas et nous nous évitons au maximum. Certainement une faveur de sa part pour ne pas me stresser durant ma grossesse et lui donner un petit-fils en pleine forme. Je ne me fais pas d'illusions quant à son respect à mon égard et sais pertinemment qu'il me voit comme une poule pondeuse.

— Et encore gagné ! m'exclamé-je.

— Pfff t'as triché aussi ! Il est nul ton jeu. grogne Andy de frustration.

— Ce n'est pas nul, c'est de la stratégie.

Elle lève les yeux au ciel.

— Quand tu m'as proposé le jeu du moulin je pensais que c'était vachement plus fun. En tout cas de nom c'est plus drôle qu'à jouer.

— Rho la rabat joie tout ça parce que t'es nulle en stratégie. la taquiné-je

— Pas du tout je sais être stratège, je vais te montrer. Je veux rejouer.

— Prête à perdre une énième fois ?

— C'est ce qu'on verra la couveuse, je commence.

Je souris en essayant de contenir mon rire sachant qu'elle va très vite perdre patience. Ça ne loupe pas, au bout de quelques tours elle se rend compte qu'elle est en train de perdre. Je m'apprête à déplacer mon pion quand d'un coup elle envoie valser le plateau d'une main à travers la pièce.

— La partie est annulée, on est execo. annonce-t-elle de mauvaise foi.

— Pas du tout t'as tout renverser !

— C'est la stratégie de l'ouragan, tu peux pas comprendre c'est pour les vrais stratèges.

Je pouffe à son explication débile et m'enfonce dans le canapé. Je me tends en risquant une question.

— Comment te sens-tu depuis la mort de Salva ?

Andy se crispe et me regarde puis ses yeux se noient dans le vide.

— Honnêtement, mieux. Andrea a été super, il m'a réconforté et a été d'un grand soutien. Même si nous avions rompu, je tenais à lui. Nous n'étions pas fait l'un pour l'autre mais ça me tue de savoir qu'il avait le cœur brisé juste avant de mourir et qu'il n'aura plus jamais l'occasion de connaître un véritable amour. Et toi tu fais encore des cauchemars ? me demande-t-elle.

Je comprends alors que son changement de sujet trahit son malaise. Je respecte son choix et décide de ne pas lui poser plus de questions ne voulant pas la perturber davantage. Elle a toujours respecté mon silence quand j'ai perdu Nonna à moi d'en faire autant aujourd'hui.

— Oui toujours, le rythme s'estompe. Je n'en fais plus toutes les nuits comme avant mais il restent toujours intenses et douloureux.

— Et par rapport à Paola comment ça va ?

— La culpabilité ne me quittera pas je pense, je vais vivre avec. D'avoir parlé avec Sergio n'a rien arrangé car même s'il était en colère certains mots étaient justes. Malgré tout j'accepte petit à petit sa mort même si son absence me pèse. Nous nous étions bien rapprochées avant sa mort et qu'elle soit partie aussi tragiquement et aussi jeune sans avoir vécu vraiment comme elle le voulait ça me rend sincèrement triste. Personne ne mérite ça.

— Je comprends c'est juste ce que tu dis mais tu oublies qu'elle était fille de la mafia, que peu importe ce qui l'attendait, son espérance de vie était limitée. On le sait tous quand on naît ou qu'on flirte avec ce domaine. Nos jours sont comptés sans jamais vraiment savoir lequel sera le dernier. J'espère sincèrement que le temps apaisera ta peine et ta culpabilité parce que même si tu es survivante de ce qui s'est passée, une partie de toi est morte là-bas. Tu ne seras plus du tout la même et je trouve que ce prix est déjà bien assez lourd.

Je reste silencieuse après sa dernière phrase. Le bruit de la sonnette qui retentit me fait sortir de mes pensées.

— Tu attends quelqu'un ?

— Non pas que je sache. réponds-je en me levant.

— Non attends, reste là je vais ouvrir.

Andy s'exécute et j'entends une voix d'homme lui répondre. Je comprends qu'elle le fait entrer quand j'entends la porte se fermer et que sa voix résonne toujours. C'est quand ils passent la voûte du salon que je me redresse, étonnée de voir notre invité.

— Sergio ? Que faites-vous là ?

Il se gratte l'arrière de la tête visiblement gêné de notre dernière discussion.

— Je suis venu vous voir pour m'excuser de mes paroles de la dernière fois.

— Oh vous n'étiez pas obligé de vous donner ce mal, je ne vous en voulais pas, je comprends votre colère.

Il me regarde, attristé et démuni.

— Ezio avait raison, je n'avais pas à vous parler sur ce ton ni vous dire toutes ces horreurs que je ne pensais d'ailleurs pas. La colère a pris possession de mes pensées et de ma langue.

Je lui souris tendrement, touchée par ses excuses.

— Puis-je vous offrir à boire ?

— Non je ne veux pas vous déranger mais j'aimerais si possible vous parler en privé.

Je regarde Andy et elle hoche la tête puis nous laisse seuls.

Sergio s'approche et s'assoit dans le fauteuil en face de moi. Il me tend une lettre avec mon prénom écrit dessus.

— En rassemblant les affaires de Paola, j'ai trouvé cette lettre sur son bureau. Je ne l'ai évidemment pas ouverte.

Je la prends et l'ouvre. A l'intérieur se trouve une lettre et des clés. J'en sors les clés et les regarde étrangement.

— Ce sont les clés de son appartement.

Je regarde Sergio dubitative.

— Paola avait une vie secrète je le savais. Je l'ai su très tôt dans son adolescence qu'elle préférait les filles mais je n'ai jamais voulu lui dire ni l'accepter. Ezio avait raison c'était une honte pour moi et garder ça secret me permettait de croire qu'elle était normale.

— Mais elle était normale peu importe son orientation sexuelle vous en avez conscience ?

Il me regarde exaspéré par ma petite leçon puis continue.

— J'avais une taupe, son chauffeur. Je lui demandais un compte rendu de ses faits et gestes pour m'assurer que rien de mal ne lui arrivait. C'est comme ça que j'ai appris qu'elle avait acheté un appartement où elle vivait comme la vraie Paola qu'elle était. Je sais que je ne suis pas digne de ma fille et que si je pouvais, je retournerai en arrière pour faire les choses autrement mais s'il-vous-plaît quoi qu'elle vous dise dans cette lettre, respectez ses dernières volontés en sa mémoire et en la mémoire de notre famille. Elle vous a aidé de son vivant, pouvez-vous en faire de même pour elle durant sa mort ?

Nous sommes interrompus par un bruit venant du couloir. Je me lève et vais voir ce qu'il se passe et je me trouve face à Isabella tout sourire qui est en train de remettre le vase contre lequel elle a buté.

— Oh May, désolée je ne voulais pas vous interrompre j'allais aux toilettes. précise-t-elle en souriant sur un ton étonnamment cordial.

Je la regarde incrédule et lui pointe le chemin du doigt. Je retourne vers Sergio qui s'est relevé de son siège.

— En tout cas merci May pour votre temps. Prenez soin de vous et d'Ezio et félicitation pour votre heureux événement.

Je le remercie et lui souris puis le raccompagne jusqu'à la porte. Une fois sorti, je rappelle Andy et lui fait part de notre discussion en lui montrant la lettre et les clés.

— Et bien tu n'as plus qu'à lire cette lettre. me dit-elle. 

Le Phénix - Consumation [TOME 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant