Poésie 1 : Candeur du soleil d'avril

4 1 0
                                    

J'ai passé mon mercredi après-midi à l'hôpital avec ma mère. Bizarrement, ce jour-là tous les groupes instagram se sont fait silencieux comme si on ne se connaissait plus. J'ai dîné avec maman, je lui ai raconté ma vie encore une fois. Je lui ai fait les ongles aussi – enfin sauf celui coincé dans l'oxymètre de poul –, et je lui ai coupé les cheveux.

Je l'adore, et je veux qu'elle vive, mais ça fait un mois maintenant qu'elle est dans le coma et l'ambiance dans cette pièce est de plus en plus mortifère et anxiogène. J'ai l'impression d'attendre sa mort plutôt que d'attendre son réveil.

Alors je lui lis de la poésie, et des romans, toute la journée. Toute la sainte journée. Je lui passe des vidéos de l'époque où papa était vivant, des vidéos d'avant.

Les médecins me disent qu'il y a peu de chances qu'elle ne sorte vraiment du coma, ou qu'elle se ne remette pleinement. Elle a passé des IRM, des radios, et ils m'ont expliqué en des termes scientifiques assez condescendants, que l'état de son cerveau est gravement altéré par les drogues et l'alcool, ainsi que par les trois commotions qu'elle a subi ces dernières années.

Ils ne m'apprennent rien... Je veux dire que je l'ai vue venir de loin cette situation. Mais... c'est insupportable. Ils disent que son état se dégrade très lentement, mais qu'ils n'y peuvent pas grand-chose hélas.

La seule bonne chose c'est que je préfère le corps médical de cet hôpital. Ils sont bien plus dévoués, plus gentils et plus doux. La directrice prend le temps de rendre visite à chaque patient chaque matin, et elle m'a expliqué personnellement la situation de ma mère, en me disant que malgré tout, il restait des chances qu'elle se réveille. Des chances dont on ne pouvait pas calculer la probabilité, parce que ça dépendant entièrement de sa volonté à elle. Elle m'a assuré que tout ce que je faisais pour elle n'était pas en vain, parce qu'elle entend.

Alors je continue, inlassablement, à venir, à lui parler, à la voir comme si elle allait me répondre ; et je continue, inlassablement, à inspecter les petits secrets de ce nouvel hôpital qui n'en a pas tellement pour être honnête.

Mais j'ai l'impression que je vais finir par être à court de larmes.

Et que je ne me lasserai jamais de guetter un message de sa part, alors que son téléphone est chez moi.

Enfin, elle doit vivre.

Ma mère est ma raison de vivre. Ma raison de me battre.

Je fais quoi, moi, si elle meurt ?

Le soir du 18 avril, je suis sorti, je suis rentré chez moi et je suis revenu faire mon inspection. Nox fait ce qu'il veut.

Et en général, en revenant des mes inspections, je fais en sorte de passer devant chez Vanessa, pour m'assurer que le soliflore n'est pas sur le rebord de sa fenêtre. J'avais encore mal absolument partout, bouger m'était pénible. Et je passais sur le topit d'en face, sondant les environs toutes les 30 secondes pour m'assurer qu'aucun Marginal ne m'ai vu, quand j'ai regardé à sa fenêtre. Il devait être 20 heures environ, le soleil n'était pas encore couché, mais il faisait un peu sombre dans la rue parisienne.

Je sais que j'aurai dû résister, mais Vanessa était accoudée à sa fenêtre, et souffler des bulles de savon, bien face à la lumière du soleil doré de cette période de l'année. Elle écoutait "Achilles comes down", de Gang of Youth sur un enceinte dans sa chambre. Cette femme a bon goût.

Alors quand, au détour d'une cheminée, mon oeil a tiqué sur la joli vision qu'elle offrait, j'ai soupiré, et je me suis assis contre la brique pour la regarder de loin. J'étais dans l'ombre de la cheminée, assis sur la tôle froide, à écouter la paix macabre de cette drôle d'époque de ma vie. Cette chanson est particulièrement intense. Elle est très longue, parle de suicide. Mais elle est très entraînante.

Papillon de nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant