J'avais un drôle de souvenir de cette mission. Première fois que je la sabote (au moins en partie), et elle échoue lamentablement. Je n'ai pas eu de nouvelles du Supérieur ni de l'Ordre le lendemain. A la place, j'avais le chat, qui dormait sur mon lit ou écorchait mes draps en soi, et je tâchais de décider de ce que j'allais en faire.
Je lui ai donné un bain, à manger, quelques médicaments.
Mais vous vous doutez bien que j'ai hésité le premier jour, et pas le second. Le second je suis allé lui acheter un panier, un arbre à chat, je l'ai déclaré chez le vétérinaire et il est officiellement à moi. Je lui ai acheté des croquettes et des jouets.
Ce petit chat s'appelle "Fiat Lux", ou plutôt "Lulu" pour les intimes. C'est juste que l'idée de crier "Fiat Lux" par la fenêtre en agitant des croquettes me fait rire aux larmes. Je suis un gamin.
Bref.
Ce petit chat a diversifié mon quotidien, et occupe mon esprit. Il m'amuse, il est adorable, et c'est un joli détail dans mon quotidien.
Mais je me sens toujours aussi mal. Mal pour Vanessa, mal pour ma mère, mal en général. J'essaie de me distraire, mais je n'y arrive pas. Je déteste me distraire en réalité. Je n'aime pas fuir jusque dans ma propre tête. C'est un songe que j'ai déjà eu : je fuis dans tous les aspects de ma vie, alors je ne fuis pas mes névroses et mes problèmes moraux.
Bref : je vais mal et je ne vais pas faire semblant d'aller bien. Hors de question.
Le lundi soir, le quinze, le groupe a voulu sortir. On n'était pas sorti au bar depuis l'incident du métro, et ils semblaient s'en remettre doucement. Mais doucement.
J'étais en retard, Raphaël me parlait, je l'ignorais. Cet homme est ma tentation du diable. Mais pas de la même manière que ne l'est Vanessa. Mon admiration pour lui est violente, passionnelle. Voire délirante. Mais je ne pense pas à lui quand il n'est pas sous mon nez. Vanessa ne quitte jamais mon esprit (cf. le serre-tête).
Ce n'est pas dur de faire la différence entre l'amour et la passion.
L'amour n'implique pas qu'on y cède. Ce n'est pas une pression, c'est une maladie.
La passion est un poids, une pression ; une fois que la porte se brise, elle s'estompe.
Moi et mes grandes analyses.
Bref !
Je me suis installé à la table. On a passé une très bonne soirée. Hugo était de service mais il apparaissait et disparaissait comme d'habitude. Liam et Marie ne se parlent toujours pas, Kelya et Elliott ont l'air d'aller mieux. Vanessa lisait, et Angélique recommençait tout juste à sourire depuis le fiasco du métro.
Le gouvernement leur a prescrit des séances de psychothérapie, et ça va de mieux en mieux. Moi, je suis atterré par la facilité avec laquelle je me "remet" de ce genre de moments. Ca ne veut pas dire que j'oublie, mais c'est un incident de plus qui s'ajoute à pile ; la seule chose que je ne peux pas maitriser, c'est quand arrivera l'incident de trop. J'ai l'impression d'être un jarre qui se remplit et qui n'a pas la moindre idée de sa propre contenance.
Bref, bref, BREF !
Les filles ont fini par danser. Moi je m'enfonçais dans ma fatigue, et Liam et Eliott parlaient de l'incident de la bombe. La rue est en miettes, les gens sont traumatisés, etc, etc. Mais cet incident m'a rappelé à une nouvelle angoisse : imaginez qu'un jour je doive voler chez Liam ? Chez Hugo ? Chez une des filles ? Imaginez qu'ils soient une cible un jour ? Je fais comment moi ? Je fais quoi ?
Mes angoisses se sont mises à tourner dans ma tête au rythme de la musique du bar, au rythme de la valse endiablée des filles qui allaient et venaient de la salle en nous confiant leurs verres.
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Papillon de nuit
Narrativa generaleJe l'aie longtemps aimée, Séléné. Longtemps. C'est elle qui m'a découvert, qui m'a montré ce monde, qui m'a tendu ce pacte du diable. C'est elle qui m'a en même temps sauvé de ma misère. Enfin... disons qu'elle m'a permis de troquer une misère matér...