Prologue

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-Tu peux aller la voir maintenant, dit le docteur en sortant de la salle.

Il examine la fille devant lui par-dessus ses lunettes rondes .

-Mais ne reste pas trop longtemps, continue-t-il, car elle a besoin de dormir.

La jeune fille aux cheveux blonds se lève doucement. Ça fait des heures qu'elle attend ici, dans le grand couloir de l'hôpital de Mullingar. Elle remercie timidement le docteur, qui s'en va le long du couloir. Une multitude d'émotions passent par la tête de la jeune fille, plus ou moins dominée par la peur. Elle a tellement envie de fuir, de se rouler en boule et de pleurer comme un enfant... Ces derniers jours ont été parmi les plus difficiles de sa vie, mais elle sait qu'il y a pire à venir.


Elle tend sa main vers la porte et la pose sur la poignée, la poussant vers le bas. Elle glisse son regard à l'intérieur de la salle de laquelle elle vient d'entrer : les murs sont blancs, il y a d'horribles rideaux jaunes, et un carrelage beige qui te pique les yeux. Et cette odeur, cette terrible odeur d'hôpitaux...

- Alaska, murmure une voix au fond de la pièce.

Celle-ci semble être à bout de souffle, faible. Le cœur de la jeune fille se remplit soudainement de peur : elle a attendu ce moment précis depuis plusieurs jours, mais quand il est enfin venu, l'envie se sépare d'elle.

-Alaska, répète la voix.

Cette fois, elle semble être plus triste qu'autre chose, comme si elle a besoin de cette certaine «Alaska». La jeune fille qui se trouve à l'autre bout de la pièce se tourne en direction de la voix.

-Maman, murmura-t-elle en pleures, je suis désolée.

-Viens là mon cœur, ordonna faiblement la voix.

La jeune fille va vers le grand lit au fond de la pièce, où une femme dans ses cinquante ans est allongée. Elle s'assoie sur le bord du lit, et prend dans sa main celle de la femme.

-Maman, je suis tellement désolée, dit-elle en pleures.

-Tu n'as rien fait de mal mon enfant, répond la plus âgée des deux, maintenant arrête de pleurer.

Elle lève sa main vers le visage de sa fille et essuie les larmes qui y coulent.

-A, alors, bégaye la jeune fille en reniflant, ils ont dit quoi les docteurs ?

La femme divertit son regard de celle de sa fille. Elles ont les mêmes yeux : un bleu tellement clair et transparent qu'il est presque blanc. Elles se ressemblent énormément, ce qui permet à tout le monde de deviner qu'elles sont mères et filles. Leurs visages sont identiques, ainsi que leurs gestes et leurs intonations.

-Maman? demande Alaska, la fille.

-Le cancer s'est répandu, répond tristement la mère, je ne vais pas te mentir Alaska, il ne me reste pas longtemps dans ce monde.

Le souffle de la jeune fille se coupe.

-Non, ne dis jamais ça! Je te l'interdis! Tu restes là, avec moi? D'accord? s'écrie-t-elle.

-Alaska, c'est la vérité, je veux que tu restes forte pour moi.

-Mais j'ai besoin de toi maman, j-

-Alaska Woods ! coupe la femme en essayant de hausser sa voix. Tu n'as pas besoin de moi ! Tu es grande et forte ! Alors écoutes moi, j'ai demandé si l'ont pouvait t'inscrire dans un lycée interne, pour que tu ne passes pas de nuits seule.

-Merci maman...

C'est tout ce qu'elle arrive à dire. Elle sait que sa mère déteste qu'elle lui contredit, alors elle se contente de la remercier. Elle pose sa tête sur l'oreiller à côté de celle de sa mère. Elle ne veut pas la laisser partir, elle n'a pas passé une journée sans elle depuis qu'elle est née. Ça a toujours été Alaska et Marion, et personne d'autre. On se moquait souvent d'elle à l'école puisqu'elle n'avait pas de père, mais elle répondait toujours qu'elle n'en avait pas besoin. Il a disparu quelques jours avant sa naissance et aucune trace n'a été retrouvé de lui. Personne ne sait s'il est mort ou encore vivant, mais Alaska préfère ne pas y penser.

La porte de la chambre s'ouvre soudainement, faisant sursauter la jeune fille. Elle se relève instantanément.

-Vous devez partir maintenant Alaska, votre mère a besoin de repos. Marion, nous avons eut une réponse du lycée ! annonce l'infirmière qui vient d'entrer dans la chambre.

Alaska ne l'a jamais vu à l'hôpital auparavant : elle a l'air presque trop jeune pour travailler ici, elle ne doit avoir que quelques ans de plus qu'Alaska, qui elle en a seize.

-Alors? demande faiblement Marion, la mère.

-Ils sont d'accord pour la prendre, et tu peux même commencer dès demain matin ! Je vais envoyer quelqu'un chez toi, pour que tu ailles prendre tes affaires, et on te déposera directement au lycée, répondit l'infirmière Anne.

Alaska vient de lire son prénom sur un badge, qui est accroché à sa tunique blanche.

- Merci, répond-t-elle en se levant.

Elle glisse sa main à l'intérieur de celle de sa mère, se baisse, et dépose un baiser sur son front.

-Je t'aime maman...

-Moi aussi, mon amour.

Alaska se lève et commence à marcher en direction de la sortie, là où l'infirmière l'attend. Elle se retourne en pleures, ne voulant pas quitter sa mère.

-Reste forte Alaska.

Et sur ces mots, la jeune fille sort de la chambre d'hôpital, laissant derrière elle sa mère qui éclate en sanglots.


Alaska | nhOù les histoires vivent. Découvrez maintenant