Chapitre 1

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   Il faut seulement quelques minutes pour qu'Alaska fasse sa valise : elle ne veut pas rester longtemps dans l'appartement de sa mère. Les photos d'elles accrochées au mur semblent lui hanter et lui donnent des frissons. Elle traverse le petit couloir et ouvre l'une des portes au bout de celle-ci : l'appartement est, en effet, très petit. Il n'y a que deux chambres, une salle de bains, un salon et une cuisine qui eux sont presque dans la même pièce. Toutes ces salles sont reliées par un petit couloir, et au bout de celui-ci, la chambre d'Alaska et celle de sa mère.


Elle passe rapidement à côté de celle à sa mère et entre directement dans la sienne : celle-ci n'a pas changé depuis presque huit ans. Les murs sont peints d'un bleu très clair, semblable à la couleur de ses yeux. Un lit simple se trouve au fond de la pièce. Au pied du lit, une bouteille d'eau et un livre sont posés par terre. Alaska se dirige vers son armoire, qui est cachée derrière la porte. Elle l'ouvre brusquement, des larmes piquent le derrière de ses yeux. « Ne pleure pas, ne pleures pas, ne pleures pas », répète-t-elle sans cesse dans sa tête.Elle place le grand sac noir que le docteur lui a donné par terre, l'ouvre, et lance plusieurs vêtements à l'intérieur. Elle ne voit pas ce qu'elle met dedans, mais cela est loin d'être son plus grand problème : le fait que sa mère, qui a toujours été là pour elle, sa mère qui a pris soin d'elle toute sa vie, sa mère qui travaillait toute la semaine juste pour pouvoir la nourrir tout les jours- va bientôt mourir, lui brise littéralement le cœur.


Elle ferme brusquement le sac noir et le lance sur le lit. Il n'est pas lourd, puisqu'elle n'a pas beaucoup de vêtements : sa mère travaillait comme femme de ménage dans un magasin. Elle avait choisi de travailler là car, même si les horaires n'étaient pas les meilleurs,  le magasin était juste à côté de l'appartement. Cela voulait dire que si elle travaillait tard, Alaska n'était jamais très loin d'elle.


La jeune fille prend un sac à dos bleu et le place à côté du noir : cette fois, elle ne le remplit non pas de vêtements, mais d'objets : des livres, palettes de maquillage, plusieurs photos... Elle ferme le sac, le mets sur son dos et prend le noir dans ses mains, avant de repartir en direction du couloir. Elle ne se retourne pas, elle garde son regard droit sur la sortie.


-Merde !  s'exclame-t-elle.


Elle se retourne et court en direction de sa chambre. Elle pousse la porte avec son sac et se déplace vers le fond de la pièce : là, dans le coin, se trouve un longboard. C'était l'un des objets les plus précieux à ses yeux, un des seuls cadeaux qu'elle a reçu. Il est magnifique : le haut est peint en bordeaux, avec de fines traces noirs. Sur le dessous, il y a des fleurs, comme celles associées à Hawaï, eux aussi en bordeaux. Les roues sont transparentes. C'est l'une des meilleures marques de skateboard. Alaska avait dix ans quand elle l'avait recu : elle avait vu une émission sur le skateboard passer à la télévision. C'était le mois de décembre et bientôt son anniversaire, donc elle demanda à sa mère si elle pouvait en avoir un comme cadeau. Marion lui promit qu'un jour, elle en aura un, mais quand Noël arriva, aucun cadeaux se trouvaient sous l'arbre. L'année-là a été l'une des plus dures pour la famille. Alaska était triste, certes, mais comprenait totalement sa mère et ne l'en voulait pas du tout. Quelques mois après, quand elle revint de l'école, sa mère l'ordonna d'aller dans sa chambre : Alaska était furieuse, elle n'avait rien fait pour que sa mère la punisse comme ça. Elle courut dans sa chambre et claqua la porte derrière elle, mais quand elle se retourna, elle vit une grande boîte au pied de son lit. Elle l'ouvrit avec curiosité et cria en voyant l'objet devant elle : un magnifique longboard. Depuis ce jour, cet objet à une grande importance pour elle. Alaska a pu s'améliorer au sport, et allait souvent chercher les courses en longboard pour sa mère.


Elle prend le bout et le roule derrière elle le long du couloir. Arrivée à la porte d'entrée, elle se retourne, regarde l'appartement qui a été sa maison depuis tant d'années, ouvre la porte et la referme immédiatement derrière elle.

 Il était temps de partir.


*** 


 -T'étais rapide dis donc ! s'exclame une femme en regardant Alaska entrer dans la voiture.


-Je n'avais pas grand-chose à prendre, répond Alaska en mettant sa ceinture.


La femme fronce ses sourcils et démarre la voiture. Elle subit ça tous les jours, mais l'histoire d'Alaska lui a particulièrement touché : son travail est d'emmener et de ramener les enfants ou la famille d'un patient chez eux. Aujourd'hui, c'est au tour d'une jeune fille qui visite sa mère à l'hôpital. 


-Je suis désolée... Mélanie,  dit Alaska lisant son sur son badge. 

Elle ne l'avait pas écouté se présenter pendant l'allée. 

-Je ne voulais pas te répondre méchamment, ajoute-elle. 


-Oh ce n'est rien, ne t'inquiètes pas ! répondit Mélanie en mettant les essuies glaces.


C'est le milieu du mois de janvier, et la pluie tombe sauvagement sur Mullingar presque tous les jours. Les hivers peuvent être affreux en Ireland, et c'était le cas cette année. 

Alaska regarde la femme de plus près : elle a des cheveux bruns qui lui arrivent juste au-dessus de l'épaule, ses yeux sont marron foncés, voir presque noir. Elle est jolie, se dit Alaska, elle ne doit avoir que 25 ans au maximum.


-On est arrivé ! dit Mélanie.


Alaska regarde par la fenêtre : la voiture est garée devant un énorme bâtiment en pierres. Une dizaine de marches mènent à une grande porte, qui  s'ouvre soudainement : un homme sort du bâtiment, tenant dans sa main un parapluie. Il le met au-dessus de lui et descend les marches en direction de  la voiture.


-Merci Mélanie, dit Alaska en ouvrant la porte de la voiture.


La pluie tome sur Alaska avec rage : les gouttes froides trempent ses vêtements presque instantanément. Elle ne porte qu'une veste en jean et un tee-shirt, avec un jean noir.


-Tu dois être Alaska Woods, cria l'homme sous le bruit de la pluie, je suis le Monsieur Williams le directeur du lycée ! 


Il ouvre la porte arrière de la voiture et sort le sac noir, avant de donner le bleu à Alaska. Elle le met sur son dos et prend son longbaord dans ses bras. Monsieur Williams ferme la porte de la voiture et fait un signe de main à Mélanie. Alaska suit son nouveau directeur jusqu'à l'intérieur du bâtiment. Elle entend la voiture de Mélanie s'en aller au loin. Monsieur Williams ouvre la porte et ils entrent à l'intérieur. Alaska est déjà trempée.


-Quel temps affreux ! s'exclama Monsieur Williams en posant son parapluie dans une boîte à côté de la porte.


Il est de petite taille pour un homme. Il porte de grandes lunettes carrées qui cachent la moitié de son visage. Il ressemble légèrement à son père. Alaska a vu qu'une photo de lui. Sa mère lui avait toujours dit qu'il était un homme honorable, patient, aimable... Elle a tellement envie de le connaître, de lui parler. Mais il leur a quitté sans un mot, sans aucune sorte d'avertissement. Il a laissé sa femme seule.


Mais maintenant, c'est elle qui est seule.  



Alaska | nhOù les histoires vivent. Découvrez maintenant