Chapitre 5 : Adagio

4 0 0
                                    

Comme toutes les semaines, je ne me rend compte du temps qui passe que lorsque vendredi arrive. J'ai l'occasion de ne pas travailler aujourd'hui pour pouvoir aller chercher ma fille à la sortie de l'école.

Le trajet jusqu'au parking de l'école me semble particulièrement calme. Sans le vouloir, je regarde le siège passager désespérément vide. Depuis qu'Alvia travaille avec nous, j'ai pris l'habitude de la ramener chez elle pour ne pas la laisser prendre les transports alors qu'il fait nuit noire. Elle arrive à tellement remplir l'habitacle de sa voix que j'ai l'impression d'encore l'entendre résonner, alors que je suis seule dans ma voiture. Même Evana ne parle pas autant. Et pourtant, je ne pensais pas que c'était possible de parler plus que ma fille.

Debout devant la grille de l'école, j'observe chaque chevelure qui court vers la sortie avec attention, mais comme d'habitude, Evana est la dernière à sortir de sa classe. Une fois qu'elle croise mon regard, je m'accroupis au sol pour qu'elle puisse venir s'y réfugier.

— Papa, tu es là ! crie Evana en me sautant dans les bras.

Je la soulève pour la porter dans mes bras jusqu'à la voiture. Un large sourire est collé sur son visage alors qu'elle me raconte tout ce qu'elle a fait cette semaine avec ses « supers méga copines », comme elle aime les appeler.

Je l'installe dans le siège auto avant d'aller moi-même m'installer derrière le volant. Je laisse un rapide message à ma mère pour lui dire que j'ai bien récupéré Evana et je me retourne vers elle pour lui demander ce qu'elle veut faire aujourd'hui.

— On peut passer dire bonjour ? demande-t-elle innocentemente.

J'avale difficilement ma salive... Pourquoi veut-elle aller à la librairie aujourd'hui ? Le seul jour où je ne suis pas obligé de cohabiter avec Alvia et toutes les questions que je me pose sur elle... Je me retrouve quand même a devoir l'affronter. Je me retiens du mieux que je peux pour ne pas m'approcher d'elle, mais plus les jours passent et plus j'ai du mal à me contenir, surtout vu le nombre d'informations et de questions qu'elle arrive à me poser en à peine dix minutes de trajet.

Je regarde ma fille pour essayer de comprendre à quel point il sera difficile de lui faire changer d'avis. Sa lèvres inférieur à moitié ressortie, ses yeux de chien battu me regardent fixement. Je capitule, inutile de négocier avec elle pendant des heures alors que je sais déjà l'issue du combat. Elle est exactement comme sa mère sur ce point-là. Quand elle veut quelque chose, elle n'abandonne pas avant de l'avoir.

Près d'une demi-heure plus tard, nous pénétrons dans la librairie. Enfin, Evana est déjà partie comme un boulet de canon vers le bureau de Silvan, d'où elle ressortira les poches pleines de bonbons et les bras enroulés autour du cou de mon patron. Silvan connaît toute mon histoire plus que compliquée et il fait tout pour que je puisse profiter un maximum de ma fille. De toute façon, il ne pourra pas se résoudre à lui arracher le sourire qui illumine son visage quand je vais la chercher pour notre week-end.

— Cette petite boule d'énergie, c'est Evana ?

Je me retourne vers Alvia qui vient de me poser la question, je lui souris en hochant la tête. Evana ne va pas tarder à sortir du bureau dans les bras de Silvan. Elle va directement remarquer le nouveau visage à côté de moi et savoir qu'il s'agit d'Alvia. Elles se sont parlées plusieurs fois cette semaine, donc impossible que ma fille ne comprenne pas de qui il s'agit.

— Elle est très belle, Adagio.

— Je sais.

J'ai déjà du mal à lui parler de moi, mais alors quand elle essaie de parler de ma fille, c'est une catastrophe. Je n'arrive plus à rien dire, comme si mon cerveau comprenait que c'était un terrain miné sur lequel il vaut mieux ne pas s'engager.

Libère moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant