Chapitre 3 : Adagio

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Assis sur mon canapé, je sens régulièrement de gouttes d'eau tomber de mes cheveux encore mouillés à mes épaules nues. Je n'ose même pas imaginer la tâche d'humidité qui a dû lentement se former sur le tissu gris clair du fauteuil.

Mes pensées tournent à mille à l'heure depuis que j'ai déposé Alvia chez elle. Le calme plat qui règne dans mon appartement ne m'aide pas à me distraire de toutes ses pensées parasites que j'aimerais pourtant mettre dans une boite fermée à double tour.

Alvia...

Je n'aurais jamais imaginé voir un tel désespoir dans ses yeux. Cette lueur qui est apparue quand elle a regardé la voiture dans l'allée de sa maison. J'aurais aimé lui demander pourquoi elle semblait si triste, si abattue, mais je n'ai rien dit. J'ai essayé de détourner son attention en lui accordant deux stupides questions, j'ai vu que cette distraction était la bienvenue quand un sourire est venue étirer ses lèvres alors qu'elle se touchait la joue de son doigts pendant qu'elle réfléchissait à quelle question me poser.

Elle n'est pas aussi forte qu'elle veut le montrer, mais elle joue assez bien la comédie pour tromper tout son entourage. Je ne sais même pas comment j'ai réussi à voir au-delà de ses faux-semblant, comme si elle ne pouvait pas se cacher devant moi.

Elle n'a eu aucune réaction quand elle a appris que j'étais un père célibataire, si ce n'est un large sourire et cette façon qu'elle a eu de parler avec ma fille comme si c'était la chose la plus naturelle pour elle...

Evana n'a pas hésité une seconde avant de lui a demander si elle était sa nouvelle maman, jamais en cinq ans elle n'avait dit ça. Je ne lui ai jamais présenté de près ou de loin une autre femme, c'est vrai. Evana dit toujours qu'elle n'a pas besoin de maman parce qu'elle a un super papa. Alors pourquoi cette question ?

Je ne lui suffis plus ? 

Est-ce que je dois me rendre à l'évidence ? Mes traumatismes font-ils du mal à ma fille ?

Je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour la protéger, mais est ce que je fais les choses correctement ?

Être parents s'apprend sur le tas, en faisant des erreurs, pourtant je ne me laisse pas la possibilité d'en faire. Evana a déjà vécu l'abandon de sa mère, elle vit presque constamment loin de moi. Je ne peux pas me permettre de lui faire vivre le prix de mes erreurs en plus, il en est hors de question.

Le départ de Lyane, la mère d'Evana, m'a beaucoup trop touché. Après m'avoir fait croire tout est n'importe quoi, elle est partie sans se retournée avec un simple mot sur l'oreiller « Je n'y arrive plus. Je vous aime toi et Evana ». Je ne l'ai plus jamais revue, elle n'a jamais pris de nouvelles de sa fille et surtout je n'ai jamais vraiment su ce qu'il s'est passé. J'en ai juste conclu qu'elle ne supportait pas son rôle de mère et qu'elle a fini par nous abandonner.

C'est pourquoi jamais je ne prendrais le risque de laisser une femme rentrer à nouveau dans ma vie. Je ne suis pas prêt à revivre le traumatisme que Lyane m'a fait vivre et surtout, maintenant Evana est en âge de comprendre qu'on est entrain de l'abandonné. Je ne peux pas faire ça...

En partant elle a bien été égoïste, c'est à mon tour de l'être. Elle nous a abandonné parce qu'elle ne se sentait pas à sa place dans son rôle de mère, elle n'a jamais pensée au fait que je ne me sentais pas à ma place non plus.

J'aime ma fille plus que tout au monde, mais je n'étais pas prêt à être père, pas plus que je ne lui suis maintenant. Je lui ai demandé si elle avait envisagé d'avorter parce que je ne me sentais pas d'élever un enfant alors que je venais seulement de finir mes études d'histoire de l'art. Lyane a réussi par je ne sais quel moyen à me faire changer d'avis. Nous allions formé une magnifique famille ensemble, nous allions partir de chez mes parents et venir habiter en centre-ville. Mais tout ça est tombé à l'eau quand elle a laissé son côté du lit refroidir pour toujours.

Je ne laisserais personne nous approcher, ma fille et moi.

Malgré mes résolutions, le visage d'Alvia vient se glisser dans mon esprit. Son sourire quand elle parlait à ma fille, son corps légèrement penché vers l'avant pour être plus proche de l'autoradio, comme si le micro était là. Le ton doux que ça voix à pris quand elle a comprit qu'elle parlait avec une petite fille de 5 ans. L'éclat de joie dans ses yeux quand elle a compris que je lui accordais un peu de place dans ma vie personnelle en la laissant en savoir plus sur moi.

J'ai bien vu qu'elle était frustré de ne pas avoir pu apprendre à me connaitre durant la journée et si je veux pouvoir travailler correctement avec elle, il faut que j'apprenne à faire des concessions et peut-être à me laisser aller un peu plus. Surtout en présence du sexe opposée.

J'ai rapidement compris que si je l'avais laissée faire, j'aurais passé ma journée à répondre à tout un tas de questions plus absurdes les unes que les autres, mais ce n'est pas vraiment pour cette raison que je me suis montré froid et distant avec elle. C'est parce que je sais, je le sens au plus profond de mes entrailles... Si je laisse cette femme m'approcher... Je ne pourrais jamais la laisser partir...


8 heures 50. Près de la librairie

A force de ruminer dans mon canapé, j'ai fini par y passer nuit, sans mettre de réveille. Je me retrouve donc bloqué dans des bouchons qui ne semble pas près d'avancer, à la limite de me mettre en retard. Essayant par tous les moyens de me détendre, je me mets à observer les passants qui marchent sur le trottoir quand une chevelure attire mon attention.

Alvia...

Elle court pour ne pas être en retard et je me surprends à craindre qu'elle ne tombe avec les hauts talons qu'elle porte. Il suffirait qu'elle marche sur une bouche d'égout pour se tordre la cheville, mais je sais que ça n'arrivera pas. Rien qu'a la façon dont elle court avec aisance, je peux dire qu'elle a l'habitude de porter ce genre de chaussures et qu'elle doit même être plus à l'aise là-dedans que dans de simples baskets.

Libère moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant