Chapitre 20 : Alvia

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Il m'avait suffi de quelques minutes de sécurité pour dormir des heures. Le lit est froid et vide, Adagio doit être levé depuis longtemps. La lourdeur des semaines passées s'est abattue sur mes épaules à l'instant même où mes yeux se sont ouverts. Malgré la nuit réparatrice que j'ai passée, mon corps est toujours aussi épuisé.

Je n'ai pas la force, ni la volonté de sortir du lit. Pourtant, petit à petit, je sens une vague de chaleur, bien plus que nécessaire, envahir mon cœur. La voix d'Evana, qui résonne de l'autre côté de la porte, réchauffe mon cœur brisé. J'aimerais les rejoindre, profiter de ce début d'après-midi avec eux, mais mon corps ne m'écoute pas. Chaque tentative pour me redresser se termine dans un juron de ma part.

Allonger sur le dos, je fixe le plafond, essayant de trouver une solution pour sortir de ce foutu lit. Je pourrais appeler Adagio pour qu'il vienne m'aider, mais les paroles qu'il m'a dit hier me laisse de marbre « Tu devras assumer, même avec ce qui t'est arrivé ». Je ne peux pas compter sur les autres pour me battre, et encore moins sur lui. Je dois apprendre à vivre avec ce qu'il m'est arrivé, et ça, personne ne peut le faire à ma place.

Prise d'un élan de motivation, je me redresse sur le lit. Mon corps se couvre de frissons quand mes pieds touchent le sol froid de la chambre. Ma tête tourne tellement que je suis obligé de fermer les yeux.

J'ai à peine le temps d'entendre la porte s'ouvrir que déjà les bras d'Evana viennent encercler mes épaules. Je dois avoir une sale tête, pourtant ça n'a pas l'air de la déranger. Ses petits yeux brillants de larmes ne quitte pas mon visage tandis que je me mets debout. J'essaie du mieux que je peux de cacher la douleur que chaque mouvement m'inflige, alors que je suis la petite fille jusqu'à la cuisine.

Adagio y est installé, une tasse de café fumant devant lui. Les cernes sous ses yeux montrent la fatigue qu'il a accumulée ses dernières semaines. Je n'étais pas la seule à souffrir, et même s'il ne me le dira jamais, son visage ne ment pas.

Il ne lève pas les yeux de son téléphone, concentré à répondre à son interlocuteur.

- Il y a du café si tu en veux. m'indique-t-il, sans un regard dans ma direction.

- Je vais éviter pendant quelques jours.

Je m'installe à mon tour sur une chaise de la cuisine. Adagio m'ignore royalement, tandis qu'Evana joue avec ses Barbie sur le tapis du salon. Tout semble si normal, si naturel, comme si rien ne s'était passé. Comme si je n'avais jamais été retenue prisonnière des griffes de deux monstres pendant trois semaines. Comme si je n'avais jamais quitté cette appartement...

Je ne quitte pas Evana des yeux, attendant de voir si elle va venir me poser des questions, ou si elle va me regarder avec cette expression timide sur le visage, qui m'indiquerait qu'elle n'ose pas venir près de moi. Mais plus le temps passe, plus je réalise que rien de tous cela ne va se passer. Elle sait déjà tout ce qu'il y a à savoir. Elle a déjà fait passer un interrogatoire plus que musclé à son père.

- Tu lui as demandé de ne pas me poser de question ? demande-je, curieuse de savoir pourquoi Evana n'avait pas l'air perturbée par les ecchymoses qui couvrent ma peau.

- Elle n'a fait que ça de la matinée. Pourquoi elle a des bleus ? Pourquoi elle est fatiguée ? Et une centaine d'autres. râle-t-il, en levant enfin les yeux vers moi.

- Tu ne lui as rien dis ?

- Je lui ai dit que des personnes avaient été méchants avec toi. Elle a compris et n'a rien demandé de plus.

Je soupire de soulagement. Elle n'a pas besoin d'en savoir plus à son âge, ça doit déjà être assez difficile comme ça pour elle. Ses yeux remplis de larmes, quand elle est venue me chercher dans la chambre en témoignent. Elle ne montre peut-être rien, mais cette situation l'a plus touchée qu'on ne pourra jamais l'imaginer.

Libère moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant