Chapitre 1 : Adagio

12 1 0
                                    

Assis sur mon haut tabouret noir derrière mon poste de travail, j'observe ma deuxième maison, la petite librairie où je travaille depuis quatre ans.

Un jeune couple se tenant par le bras se trouve devant un des rayons en train de lire les résumés de certains livres qu'ils n'achèteront probablement jamais. Les cheveux de la jeune fille virevoltent autour de son visage quand la porte s'ouvre pour laisser entrer d'autres clients potentiels. L'homme qui l'accompagne la regarde avec tant d'amour que j'ai l'impression de les déranger même si je me trouve loin d'eux. Ils semblent si heureux qu'une pointe vient s'immiscer dans mon cœur.

Je détourne les yeux de cette scène pour me concentrer sur les grandes baies vitrées qui longent la devanture de la boutique. Il a l'air de faire bon aujourd'hui, à en juger par les short et les t-shirt que je vois passer.

Plus je regarde la boutique et plus je me rends compte du travail que Silvan le propriétaire à fournit pour rendre cette endroit agréable. D'un simple hangar presque en ruine il a réussi à construire une librairie d'un chic sans nom. L'espace est remplit par de grande table au multiple couleur, les murs sont couvert de bibliothèques bien remplie, et cette endroit ne serait pas le même sans le salon installé pile devant les grandes fenêtres.

Depuis quelque mois, nous ne sommes plus que trois à travailler ici. Silvan pensait qu'il ne saurait possible de faire tourner les choses avec un effectif réduit, mais force est de constater que nous sommes épuisés par la charge de travail que représente le fait d'occuper deux postes en même temps. Silvan s'est donc donné comme mission d'enfin trouvé une nouvelle personne pour renforcer l'équipe.

Mon regard est d'ailleurs attiré par la jeune fille qui sort enfin de son bureau, Silvan a fait plus de dix entretiens ces derniers jours et il n'a toujours pas trouvé chaussure à son pied. Cette fille à déjà tenue plus longtemps que les autres à l'intérieur de son bureau. Elle a l'air jeune, plus jeune que moi, c'est sûr. Ce serait nier de dire qu'elle n'est pas belle. La tête haute, les épaules dégagées, elle a confiance en elle ou alors elle joue extrêmement bien la comédie.

Elle sourit à tout le monde comme si c'était la plus belle journée de sa vie, ou alors elle est simplement une personne joviale. Pourtant, tout semble faux dans son sourire. Le coin de ses lèvres tremble légèrement et la façon qu'elle a de tripoter ses doigts.

Serait-elle anxieuse ?

Elle continue de parler et de rire avec Silvan en traversant la boutique. Ils s'arrêtent devant Nérissa qui travaille aussi aujourd'hui ; elles se serrent la main en souriant. Je n'entends pas ce qu'elles se disent, mais elles doivent sûrement se présenter. Je pense que Silvan a trouvé la personne qu'il voulait pour le poste, finalement. Espérons seulement qu'elle tienne le coup, vu de son état de stress actuel...

Silvan se retourne vers moi en indiquant le chemin à la jeune fille de la main. Plus elle se rapproche de moi, plus je peux distinguer qu'elle genre de fille elle est. Une fille qui se cache derrière de faux-semblant. Tout chez elle semble faux, de son sourire à sa façon de se tenir. Elle doit venir d'une famille aisée, vu de ses manières, mais je suis persuadé qu'elle préférerait être n'importe qui qu'elle-même à cette instant.

J'attrape la main qu'elle me tend sans la lâcher du regard. Elle m'intrigue bien plus que je ne le voudrais. J'aimerais pouvoir lire tous ses secrets dans son regard mais je ne vois rien d'autre qu'une énorme tristesse.

— Bonjour, je m'appelle Alvia et je vais travailler à la section romance à partir de demain. se présente-t-elle avec une voix bien plus douce que je ne le pensais.

— Enchanté, je m'appelle Adagio.

Nos mains toujours l'une dans l'autre nous nous regardons pendant plusieurs secondes avant qu'elle ne retire sa main et me sourit. Sans un regard, elle se retourne vers Silvan pour reprendre sa conversation avec lui. Ce court échange avec elle m'a laissé un goût amer, un goût de trop peu. Elle est le genre de femme qui ne vous laisse pas insensible. Bien que je n'aie aucune envie d'avoir une femme dans ma vie, elle ne me laisse pas pour autant indifférent.


19 heures, devant la librairie.

La journée vient de se finir. Je ferme la boutique avec Silvan qui n'a pas arrêté de me parler d'Alvia. J'ai appris qu'elle est diplômée en littérature moderne, qu'elle a 23 ans et, d'après lui, elle est extrêmement douce comme femme. Je doute de cette information, mais avant de pouvoir me faire un avis, je ne peux que le croire. Je ne partage pas forcément l'engouement de Silvan à l'idée de travailler avec elle. Je sens que quelque cloche chez cette fille, ou plutôt femme, vu de son âge. Cette interrogation ne partira pas tant que je ne saurais pas ce qu'il a derrière cette façade et cette tristesse que j'ai ressentie en la regardant.

Une fois installé dans ma voiture, je m'empresse de composer le numéro de ma mère. Il est 19 heures pile, l'heure exact où je suis sensé lui sonner. Je parie qu'elle tient déjà le téléphone dans ses petites mains attendant impatiemment mon appel.

— Allô ? entendis-je la voix de ma mère raisonné dans l'habitacle de la voiture.

— Maman, comment tu vas ?

— Je vais très bien et toi mon fils ? Tu veux parler à Evana ?

— Oui et oui maman. ris-je.

J'attends quelques secondes avant d'entendre la voix d'Evana à travers le téléphone. Mon corps se détend instantanément en l'entendant. Je démarre la voiture et m'insère dans la circulation, en profitant du peu de temps que je partage avec ma fille pendant la semaine.

— Papa, tu me manques. C'est bientôt vendredi ? bredouille-t-elle.

— Ma fille, tu me manques aussi et oui, c'est dans trois dodo.

— C'est loin vendredi. Vendredi peut pas arriver plutôt ?

Je ris aux paroles de ma fille, si seulement je pouvais faire venir vendredi plutôt. J'aimerais que tous les jours soit vendredi si c'est pour être avec elle. Entendre sa voix tous les soirs après le travail, ce n'est pas assez, autant pour elle que pour moi. Cette situation nous pèse à tous les deux, à mes parents aussi, mais je ne peux rien faire pour la changer dans l'immédiat. Je n'ai pas les moyens de payer une crèche et surtout, je préféré cent fois la savoir chez mes parents que dans les bras d'inconnus pendant des heures.

— Désole Evana mais je ne peux pas avancer vendredi... Il faudra attendre.

— D'accord papa... J'attendrais vendredi. murmure-t-elle, visiblement déçue.

J'entends des grésillements et la voix de ma mère résonne à nouveau dans ma voiture.

— Elle est un peu déçue, mais ne t'inquiète pas ça ne durera pas.

— C'est la même chose toutes les semaines. Ne t'inquiète pas, j'ai l'habitude de ne pas l'avoir avec moi et de la décevoir.

— Tu fais de ton mieux ! Je vais aller la mettre au lit. me rassure-t-elle.

— D'accord à demain maman. Dis-lui bonne nuit pour moi.

Je l'entends rire avant de raccrocher. Les cinq minutes d'appel m'ont suffi pour rentrer chez moi. Mon appartement me semble particulièrement vide la semaine, sans les cris et la présence de ma fille. Je m'assoie dans mon fauteuil en espérant que la semaine passe vite.

Libère moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant