6 - Retrouvailles

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Pendant le repas du soir, j'essaie autant que possible d'être cordiale avec mes parents. Ils me posent des questions sur Thomas. Ils veulent savoir comment notre relation va se poursuivre, maintenant qu'on ne sera plus dans le même lycée. Ils l'adorent. Je pense même qu'ils l'aiment plus que moi. Ils doivent s'inquiéter à l'idée que la distance nous sépare. Ils perdraient leur gendre idéal. D'autant plus que Thomas va faire une prépa commerce. Avec un peu de chance, il atterrira à HEC. Le mari en M&A et l'épouse consultante : mes parents ne pourraient rien rêver de plus beau. 

Je leur raconte ce qu'ils veulent entendre, qu'on va rester ensemble et tout faire pour que notre couple survivre. La vérité, c'est que passer le reste de ma vie avec Thomas me déprimerait. Et en même temps, Ophélie a raison : je ne suis pas sûr qu'il existe un autre garçon qui puisse me plaire plus que lui. Il est intelligent, drôle, gentil, moins moche que la plupart de ses congénères. Qu'est-ce que je pourrais attendre de plus d'un mari ? Est-ce que j'ai trop regardé de comédies romantiques sur la passion amoureuse pour me satisfaire d'une relation correcte mais sans folie ? 

En rentrant dans la chambre d'hôtel, j'ai l'impression que mes parents sont contents. On a passé une soirée telle qu'ils l'espéraient : on parle d'avenir, de vie de famille, de carrière. J'ai joué la petite fille sérieuse qui construit consciencieusement son futur. Je profite de cette situation positive pour leur demander si je peux sortir, ce soir. 

-Pour aller où ? me demande mon père. 
-Euh... nulle part. Juste me balader. 
-Toute seule ? 
-Oui. Enfin non. 

J'hésite. Qu'est-ce que je dois leur dire ? La vérité sera toujours l'option la plus crédible. 

-J'ai rencontré une fille, hier soir. Et elle m'a proposé qu'on se revoie ce soir. 
-Une fille ? 
-Oui, une fille. 
-Tu es sûre ? 

Ils doivent être terrorisés à l'idée que je couche avec un garçon et que je brise mon couple avec Thomas. Leur petite fille adultère détruisant tous leurs rêves de perfection. 

-Oui... enfin j'ai pas vérifié dans sa culotte, si c'est ça ta question. 
-Et pourquoi vous ne vous retrouvez pas dans la journée, plutôt ? 
-J'en sais rien. Elle est là le soir. Papa, j'ai presque dix-huit ans, je sais ce que je fais. 
-Et qu'est-ce que tu fais, alors ? 
-Je vais retrouver la seule personne de mon âge qui m'a adressé la parole depuis que je suis arrivée, et on va discuter un peu parce que j'ai envie de fréquenter d'autres gens que mes parents. 

Il fronce les sourcils. 

-Non mais sérieusement, papa !! Je fais tout bien, je mange avec vous, on passe un bon moment. Et maintenant je dois supplier comme si j'avais douze ans et que je voulais aller à une soirée ??? Tu sais quoi, dans tous les cas, j'y vais. À plus tard. 

Sans lui laisser le temps de réagir, je quitte la chambre. Même dans un climat de paix, il est impossible d'obtenir le moindre accord en ma faveur. Dans ce cas, autant arrêter de négocier. Je descend quatre à quatre les marches de l'escalier de l'hôtel en priant pour que Lou soit dans la piscine. 

Et oui. Elle est là. Elle porte le même maillot de bain blanc et fait des longueurs. Elle s'interrompt en me voyant approcher. 

-Encore une dispute ? 
-Non, j'avais juste envie de discuter avec quelqu'un. 

Elle sourit. Elle rayonne dans la nuit. 

-Avec quelqu'un en général ou avec moi spécifiquement ? 
-Je me serai contentée de n'importe quoi, tu feras l'affaire. 
-Touchée. 

Cette fois-ci, j'ai prévu mon maillot de bain. J'enlève mon short et mon t-shirt sous les yeux de Lou. J'essaie d'oublier la honte de dévoiler mon corps pâlot devant sa perfection. 

Bain de minuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant