14 - Après l'effort

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Je me réveille épuisée. Je crois que je n'ai pas eu une nuit de sommeil normale depuis que je suis arrivée ici. Mais la nuit dernière était sans commune mesure avec les autres. Et pour vivre ce genre de chose, je crois être tout à fait prête à m'arrêter de dormir. Cela dit, ma tête ne semble pas être du même avis. C'est comme si un gigantesque pressoir appuyait sur mon cerveau. Je me lève péniblement et découvre avec un léger amusement que j'ai des courbatures au bras droit. Les souvenirs du visage de Lou, crispé par le plaisir, me reviennent en tête. Pour de telles visions, je sacrifie mes bras et mes nuits sans hésiter. 

Je me traine jusqu'à la salle de bain. La chambre est encore vide. Mes parents ont définitivement abandonné l'idée de petit-déjeuner avec moi. Heureusement ! Il est onze heure et je suis quand même absolument crevée. Je n'ose pas imaginer ce qui se serait passé s'ils avaient décidé de me réveiller à huit heures tous les matins. Clairement, ces vacances n'auront pas servi à me reposer. 

Je reste une éternité sous la douche. À la fois parce que je suis trop fatiguée pour réunir la motivation nécessaire à l'abandon de ce jet tiède et réconfortant, et aussi parce que je me perds dans mes pensées, revivant en boucle chaque détail de la nuit dernière au point d'en oublier que je gaspille des hectolitres d'eau. Je rêve au goût des lèvres de Lou, à la moiteur de son intimité, à ses mains enlaçant les miens, à ses cuisses contre mes joues, à la texture de ses abdos sous ma langue. 

En sortant enfin de la salle de bain après avoir vidé en eau l'équivalent d'un terrain de foot, je décide d'appeler Ophélie. J'ai besoin de partager cette expérience avec quelqu'un. C'est comme si je venais de devenir une adulte. J'ai l'impression de revenir au lycée, quand j'ai eu ma première fois avec Thomas et que, soudainement, je découvrais un tout nouvel univers. Sauf que cette expérience avec Lou était sans commune mesure avec celle de mon petit-copain. Ni dans la durée, ni dans l'intensité, ni dans l'addiction qu'elle a provoquée. 

Ophélie met quelque secondes à me répondre, mais dès que son visage bronzé par le soleil d'Italie apparait et qu'elle découvre mon sourire rayonnant, elle comprend. À son arrière plan, je devine qu'elle est à la plage. 

-Attend, je me trouve un coin isolé. 

Elle se lève et je voie très rapidement Eva et Mélanie passer dans le champ, étendue sur des serviettes. Elle commence à marcher, en longeant probablement la mer. Une fois qu'elle s'est suffisamment éloignée de ses amies, elle me donne le feu vert :

-Alors ? 
-Je l'ai fait !

Elle ne peut pas s'empêcher de sourire. Des lunettes de soleil me cachent ses yeux et m'empêchent de pleinement déchiffrer son expression. 

-J'en étais sûre ! C'était bien ? 
-C'était incroyable !!
-À ce point ? Raconte !
-Elle était sortie hier soir, donc je l'ai attendue, et quand on s'est retrouvées elle m'a invitée dans une chambre d'hôtel. Et là, c'était... Je peux même pas le décrire mais ça a duré des heures, c'était un truc de malade, j'ai jamais vécu ça. 
-Non mais donne des détails, fais pas ta crevarde !
-Tu veux quoi comme détail ? On s'est déshabillées et puis ensuite, tu vois bien comment ça se passe, t'as de l'imagination, non ? 
-Si ma meilleure amie se tape une fille, c'est justement pour que je n'ai plus besoin d'imagination. Je veux confronter le réel à mes clichés !
-Bah son corps était tellement doux... Rien à voir avec Thomas ! Sa peau putain... Et puis les seins... C'est genre... Inexplicable... Et puis elle a un art pour utiliser sa langue c'est... Enfin avec Thomas on sent qu'il s'applique mais c'est toujours un peu chaotique. Là elle c'est... chirurgical ! Non mais rien que de la voir enlever ses bagues avant de... enfin rien que ça... j'aurais pu jouir rien qu'en la regardant... Par contre j'étais pas épilée d'en bas c'était un peu la honte... mais elle a fait comme si elle s'en foutait. 

Je sens qu'Ophélie se retient de rire. 

-Quoi, j'suis ridicule ? 
-Non, c'est moi qui suis un peu jalouse. J'aimerais parler d'un de mes dates comme ça putain. 
-Je te jure, c'était absolument fou. Si elle avait pas décidé d'arrêter, je crois que j'aurais pu continuer pendant une journée entière, voire plus. J'étais comme une folle. 
-T'as toujours l'air comme une folle un peu. Mais donc tu regrettes pas ? 
-Pas du tout. Honnêtement c'était peut-être la meilleure décision de toute ma vie. 
-Et vous allez vous revoir, c'est du sérieux genre ?
-Oui, je crois. Au moins jusqu'à la fin des vacances. Et après on verra. Mais j'ai pas envie d'être la meuf chiante qui lui demande si elle veut se marier et avoir des enfants alors qu'on se connait depuis quelques jours à peine. 
-Ouaip, bien-sûr, logique. Mais c'est juste que... t'as prévenu Thomas ? 
-Non... 

Son visage s'assombrit. 

-Le pire, c'est qu'il ma envoyé des messages hier soir. Et j'ai pas osé répondre parce que j'attendais Lou. Sauf que maintenant, ça fait bien dix heures que je lui ai pas répondu, et je sais pas quoi lui dire. Enfin évidemment, je vais rien lui dire sur Lou, c'est clair. Mais je sais pas si je peux arriver à lui parler normalement alors que je sors avec une fille en parallèle. 
-Si tu lui réponds pas, c'est pire que tout, il va deviner qu'il y a un truc louche. 
-Oui mais je sais pas mentir, il va le deviner dans tous les cas si on parle. 
-Il a aucune raison de le deviner. Il est intelligent mais il est pas médium. Et puis il t'aime tellement que si tu lui disais que la terre est plate, je suis sûre qu'il te croirait.
-Arrête de me rappeler qu'il me kiffe, ça me fait culpabiliser de ouf.
-Désolée... Mais c'est la vérité. Quoi que tu fasses meuf, je te soutiendrais. Et j'avoue que vu comment tu parles de ta meuf, je te comprends un peu. Mais à la fois, faut pas oublier que c'est quand même un gros move de connasse, ce que t'as fait. Et genre, je te juge pas (enfin juste un peu), mais bon, voila, normalement, ça se fait pas. 
-Je sais...

Ophélie continue de marcher au bord de la mer. Le cadre de sa caméra tangue légèrement au gré de ses pas, et le ciel bleu se balance dans son dos. 

-Bon écoute chérie, je vais rejoindre Eva et Mélanie. En tout cas, j'suis trop contente pour toi que ça se passe bien avec ta nouvelle meuf. Vraiment trop contente ! Mais j'espère que tu vas finir par la jouer sincère avec Thomas, parce que la prochaine fois que je le croise, j'ai peur de pas pouvoir le regarder dans les yeux.
-Ouaip... le pire c'est que t'as raison mais juste... je peux pas, quoi. C'est trop dur d'avouer un truc comme ça. Je me sentirais comme une merde.
-Je comprends. T'es pas obligée de lui dire maintenant. En vrai, profite bien de cette meuf pour l'instant, et on verra ensuite. Je t'aime ma fée !
-Pareil !

Elle raccroche et à nouveau, la mention de Thomas vient remettre en cause mon extase. Je re-regarde les messages qu'il m'a envoyés hier soir. Il me dit que ça fait longtemps qu'on ne s'est pas parlés et qu'il veut prendre de mes nouvelles. Bon. 

Quand faut y aller, faut y aller. 

Jade : salut
Jade : dsl de pas t'avoir répondu, j'étais occupée 
Jade : occupée à rien faire mais bon tu connais mon niveau de flemme
Jade : on peut s'appeler si t'es dispo 

Le temps qu'il me réponde, je commence à m'habiller, mais j'ai à peine le temps d'enfiler une jupe que la sonnerie retentit. Je me dépêche de mettre un t-shirt, histoire de ne pas trop l'aguicher (ce serait cruel de jouer avec lui comme ça, alors que je ne sais même pas si on va coucher ensemble à nouveau) et je décroche. 


Bain de minuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant