Une vie à t'attendre

Chapitre 2

Louie

C'est aujourd'hui le grand jour. Le moment que j'attends et pour lequel je vie depuis toutes ses années arrive enfin.

Après des mois d'entraînement et de travail acharné, je peux maintenant le dire, je vais toucher mon rêve du bout des doigts et faire partie des forces spéciales pour l'armée américaine.

Bon, ce n'est pas encore officiel, mais j'ai réussi l'examen d'entrée pour le camp d'entraînement. Sans vouloir me vanter, j'ai fini major de la promotion avec une note de 85/100 aux résultats écrits, et 97/100 aux tests physiques. Ce qui signifie que je suis sur la bonne voie d'intégration, si j'excelle là-bas, je ferai partie des leurs.

Être une femme de vingt-cinq ans dans ce milieu n'est pas facile tous les jours. Entre les remarques sexistes et les allusions perverses, j'en vois de toutes les couleurs. Mais la rage qui sommeille en moi ne demande qu'à sortir, et grâce à tout ce sport je l'utilise à bon escient, pour servir ma chère patrie, et calmer mon mal-être interne.

— Tu t'en sors ou tu as besoin d'aide ?

Tommy, mon fiancé, vient de passer le pas de la porte de la chambre et m'observe dans l'encadrement.

Il passe une main dans ses longs cheveux blonds et ses yeux verts se posent sur moi en me dévorant instantanément. Assez gênée je détourne le regard et continue de plier mes affaires pour les ranger dans ma valise.

— Non ça va aller, j'ai bientôt fini.

Il s'avance vers moi et capture mes mains en plein mouvement pour me serrer contre lui.

— Ça va être dur de passer deux mois sans toi, je ne sais pas si je vais y arriver bébé..

Tommy et moi sommes ensemble depuis plus de dix ans maintenant. Nous nous sommes rencontrés à l'orphelinat et avons grandi ensemble. Depuis mes douze ans, il mettait chaque soir en cachette sur mon lit une couverture rose toute douce, car il savait que j'avais froid la nuit. Et quand j'ai eu quinze ans, il m'a avoué ses sentiments et nous ne nous sommes plus jamais quittés. Nous sommes habitués à la présence l'un de l'autre, nous nous sommes pris comme repère dans cet orphelinat où nous avons grandi.

Il m'a demandée en fiançailles l'été dernier, lors d'une balade à vélo dans Central Park, j'ai paniqué et j'ai dit oui sans vraiment y réfléchir. J'ai eu peur de le vexer si je refusais..

Et ça fait maintenant un an que je suis trainée à droite à gauche, entre les rendez-vous avec la décoratrice, les rendez-vous pour réserver un lieu, les rendez-vous pour boucler une date à la mairie et à l'église..

Je n'en peux plus, j'ai besoin de souffler.

C'est pour cette raison que je suis si heureuse de quitter notre appartement pendant ces trois mois, je vais avoir l'impression d'être en vacances, de sortir de ma routine quotidienne, même si je sais que ce ne sera pas de tout repos et que je vais sûrement en baver.

Je me défais de ses bras et range les dernières affaires qui sont éparpillées sur notre lit.

Il me retire de la main le fond de teint que je m'apprêtais à emporter avec moi dans mon sac.

— Tu vas réellement partir en camp d'entraînement pour intégrer les forces spéciales et servir ton pays, avec un fond de teint dans tes affaires ? Sérieusement, Louie ?

Je n'apprécie pas quand il m'appelle par ce prénom que je déteste tant, j'en ai subi des moqueries durant mon enfance à cause de ce prénom typiquement masculin. Et il le sait, car il était présent.