Chapitre 20

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Orlando

Le jour de mon épreuve préférée est enfin arrivé : l'épreuve des bombes lacrymogènes.

Excité comme un enfant le jour de Noël, je saute de mon lit pour me préparer, afin de mettre en place le matériel le plus vite possible. Je sors de la douche et couvre mes cheveux de mon bandana fétiche, mon bandana vert. Un ensemble de survêtement noir, et je suis prêt. Prêt à revivre l'épreuve qui m'a traumatisé lors de mon intégration, il y a neuf ans.

Car oui, cette épreuve, je l'ai vécue comme un véritable enfer. Et c'est pour ça que je l'aime autant.

Parce qu'on est toujours attiré par le mal.

À l'époque, Retty était notre entraîneur, c'est lui qui nous a tous formés pour devenir les soldats que nous sommes. Et cette épreuve était la pire, parce qu'il n'a pas eu de pitié ni d'empathie pour nous, il a agi sans se soucier de notre souffrance. Et c'est ce que je vais devoir faire aujourd'hui.

J'espère avoir les épaules pour.

Je les ai.

Le but de cette épreuve est simple : tester leur résistance face à la douleur.

Je lace mes chaussures et ne prends pas la peine de faire un saut à la cuisine pour déjeuner, il est six heures du matin, et mon estomac est beaucoup trop crispé pour avaler quoi que ce soit. Avec tous les événements de ces derniers temps, je n'arrive plus à manger correctement. Si je me pose pour manger un bout, mon cerveau va se mettre à tourner, je vais ressasser les conversations que j'ai eues avec Lou, le baiser qu'elle a eu avec Gabriel, mais également la manière dont je compte casser le nez de son mec lorsqu'il débarquera au camp dimanche prochain. Quand elle m'a expliqué hier soir qu'elle allait se marier avec lui, et qu'en plus de ça, elle n'en avait pas envie, j'ai eu l'impression qu'on m'arrachait le cœur en deux.

Comment une femme qui se montre aussi forte, intelligente et sûre d'elle, peut-elle se retrouver coincée dans les griffes d'un homme qu'elle n'aime pas ?

Je vais devoir l'aider à quitter l'emprise dont elle est dépendante, non pas parce que ça m'arrange qu'elle se retrouve célibataire, mais parce que je veux son bonheur avant tout. Et une chose est sûre, son bonheur n'est pas avec lui.

Parce qu'il est avec moi.

Non, je plaisante.

Ou pas...

Je commence à entendre quelques voix et des bruits de pas, signe que les recrues se réveillent petit à petit, et qu'il est temps pour moi de tout mettre en place.

Discrètement, je me faufile jusqu'à la porte d'entrée pour rejoindre l'extérieur. Le temps est gris, limite pluvieux. Un petit vent frais accompagne ce lundi et me force à cacher mes mains dans mes poches pour ne pas avoir trop froid. Le tissu molletonné réchauffe instantanément mes doigts, et tout en marchant vers le lieu où se déroulera l'épreuve, je m'amuse avec le froid en soufflant de la fumée par la bouche, comme lorsque j'étais petit.

Après deux ou trois minutes de marche, j'arrive sur une surface plate du terrain entouré d'arbres, et une boîte en carton est positionnée sur le côté, avec mon prénom noté dessus. C'est sûrement Retty qui l'a déposé en rentrant tôt ce matin de son week-end en famille. J'ouvre le carton et découvre le contenant : les bombes lacrymogènes.

Elles sont au nombre de six, et j'espère que ça suffira. C'est à moi de doser et de ne pas trop en envoyer lorsque j'actionne le bouton.

Je regarde ces petites bombes noires et je me souviens alors de la douleur que j'avais pu ressentir lorsque Retty m'avait envoyé le jet dans les yeux. Ça brûlait, je hurlais, j'avais envie de m'arracher les yeux, mais j'ai résisté. Et c'est pour cette raison que je suis aujourd'hui le chef d'équipe, ainsi que le bras droit du grand capitaine, parce que j'ai été le seul à ne pas avoir fermé les yeux.

Une vie à t'attendreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant