Chapitre 29

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Louie

Le vent replie la feuille sur elle-même, m'empêchant de la relire pour la dixième fois. Éclairée par la lueur jaunâtre du lampadaire de la rue, j'aperçois une goutte tomber sur le papier, et je ne sais pas si elle provient de la pluie ou de mes larmes, qui, elles, coulent à flot. 

Je suis toujours devant l'hôtel, sous la pluie et dans le froid, mais je ne peux pas bouger. Ce que je viens d'apprendre vient de chambouler mon cerveau et je ne sais plus quoi faire. C'est comme si j'avais depuis toujours un masque sur les yeux, qui m'empêchait de voir la vérité, et que là, on venait de me le retirer.

Tout semble plus clair, et surtout, j'ai l'impression de ne plus être seule. Les fourmillements que j'avais dans le ventre à son égard viennent de se transformer en des milliers de papillons qui ne font que tournoyer. Mon cœur bat lui aussi un peu plus vite, et je ne sais pas trop ce que tout ça veut dire, mais une chose est sûre, j'ai besoin de le voir, d'en savoir plus. 

À bout de souffle, je m'appuie dos au mur en tentant de calmer ma respiration qui ne faisait qu'augmenter.

Tout était devant mes yeux, depuis le début, et je n'ai rien vu. Comment est-ce possible que je ne me souvienne pas de lui ? Il m'a sauvé, il a grandi dans le même endroit que moi, et moi, je l'ai ignoré tout ce temps.

Ce jour-là, ce onze septembre deux mille un, j'aurais dû mourir, mais le destin en a décidé autrement. Le chemin d'Orlando et le mien se sont croisés, et depuis, sont liés. Il m'a sauvé, il m'a donné une chance de grandir, de vivre.

Orlando est un héros.

Mon héros.

Je me retrouve neuf ans après au même endroit que lui, et il est mon capitaine.

Visiblement, l'univers tente de nous rapprocher par tous les moyens, et je pense qu'il est temps d'aller dans son sens. Parce que je crois que rien n'arrive par hasard.

Alors que je m'apprête à revenir à l'intérieur de l'hôtel, un homme passe rapidement les portes d'entrée pour s'effondrer au sol.

Vêtu d'une salopette bleue et d'un tee-shirt rouge, la personne commence à vomir ses tripes sur la route, et je m'empresse d'aller à ses côtés pour l'épauler. Si personne n'intervient, il risque de se faire faucher par une voiture.

Et je n'ai pas envie d'avoir une mort sur la conscience.

Sa casquette rouge tombe au sol, et j'aperçois enfin le visage de l'individu.

C'est Vittorio.

— Putain ça va ??

C'est une question complètement débile que je viens de lui poser, évidemment qu'il va mal, il est en train de vomir toute l'eau de son corps, mais je n'ai pas su quoi dire d'autre.

Il balbutie quelque chose avant de s'asseoir en tailleur sur le trottoir, à l'abri de la pluie, pour reprendre ses esprits. Je fais de même et m'installe à ses côtés, je n'ai pas encore le courage d'affronter ma destinée qui m'attend à l'intérieur.

— Oh..pu..putain, j'suis m..mm..mort.

Je pose alors mes mains sur son menton pour relever son visage vers moi afin de vérifier ses yeux, car j'ai peur que ce ne soit pas que l'alcool qui le rende dans un tel état.

Ses yeux ne sont pas rouges, et je suis instinctivement soulagée.

Si je me retrouve dans une soirée où de la drogue circule, je peux dire adieu à ma carrière dans l'armée.

Une vie à t'attendreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant