Chapitre 9

98 10 84
                                    


Orlando

Il est maintenant dix-huit heures et je viens de finir l'entraînement avec mes élèves. Après le cours de théorie de fin de matinée, j'ai décidé de leur rajouter un peu d'exercice physique pour les mettre dans le bain. Quelques tours de terrain avec des montées de genoux, des séries de burpees, et des sessions de gainage. Ils doivent s'entraîner le plus possible s'ils veulent réussir.

Le cours de ce matin a été interrompu par l'arrivée tardive de Louie, mais je savais qu'elle était retenue par Retty, alors pour cette fois, il n'y aura pas de sanction pour elle.

Je me demande ce qu'il a bien pu lui dire et surtout pourquoi est-ce qu'il voulait la voir seul. J'ai pourtant demandé à rester dans le bureau pour assister à la confrontation mais il a refusé. Et je dois avouer que ça m'agace.

— On se retrouve dehors après manger, comme au bon vieux temps ?

Les paroles d'Eden me ramènent au temps où Xavier et Alejandro étaient encore de ce monde. 

Tous les soirs, après le dîner, nous nous retrouvions dehors, autour d'un feu de camp. Nous passions le reste de la soirée à nous raconter des anecdotes sur nos vies, à parler de nos relations amoureuses. Nous étions liés comme les doigts de la main. Nous n'étions pas seulement un groupe de SWAT, nous étions un groupe de frères.

Et quand, en deux-mille-vingt-deux, Xavier et Alejandro sont décédés, nous ne trouvions plus le goût de faire nos petites réunions nocturnes.

L'année passée n'a été que conflits entre nous. Les frères Vittorio et Giovanni qui sont habituellement des aimants, n'ont pas arrêté de se disputer et de se mépriser. Eden et Owen aussi, ils en sont même venus aux mains, alors que ça, c'est notre limite à ne pas franchir. Les conflits ont également touché Gabriel et moi.

 La mort de nos amis nous a tous impactés de manières différentes.

Seul Ethan a réussi à garder la tête froide et les pieds sur terre. Étant papa de deux petites filles, il a réalisé que la vie était trop courte pour se prendre la tête. Il faut en profiter à chaque instant, et il a raison.

La mort ne prévient malheureusement jamais, donc la vie se doit d'être vécue sans regrets. Si l'on souhaite faire ou dire quelque chose, il faut le faire sans hésiter. Ce n'est pas sur notre lit de mort que l'on devra se dire "j'aurais dû faire ça", parce qu'il sera trop tard.

 Alors vivions. C'est ainsi que je pense désormais.


Trois heures plus tard, nous voilà dehors, Ethan, Owen, Eden, Gabriel, les frères italiens et moi. Vittorio prépare un feu de camp et nous nous installons en ronde autour. L'air frais du mois d'octobre se niche au creux de nos cous et nous frissonnons légèrement. Les flammes commencent à s'élever et Owen nous donne à tous un bâtonnets avec un paquet de chamallow, comme le faisait toujours Alejandro, il pensait à apporter ces sucreries.

Avec un pincement au cœur je fais fondre la douceur au bord des flammes, et je regarde le feu la consumer. Je ne suis pas encore apte à faire ça sans eux, sans mes frères.

— C'est dommage de ne pas avoir fait venir les nouvelles recrues, dit alors Gabriel.

Faire venir les nouvelles recrues serait faire venir vingt personnes de plus autour de notre feu de camp, or, c'est quelque chose qui nous appartient à nous. Je ne pense pas être encore prêt à accueillir des personnes susceptibles de remplacer nos deux amis.

— Non, je pense que pour le moment c'est mieux que l'on se retrouve seuls, le noyau solide, c'est nous.

Mes paroles font sourire mes coéquipiers, sauf Gabriel qui tire un tête de six pieds de long.

Une vie à t'attendreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant