Chapitre 15

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Orlando

J'ai tout fait foirer, et en beauté. Elle ne m'adresse plus la parole, ne m'adresse plus un regard, je suis devenu un fantôme à ses yeux. Quinze jours se sont écoulés depuis notre petite altercation qui a eu lieu après le cours de tir. Donc, quinze jours durant lesquels je me suis forcé à paraître normal alors que j'ai juste envie d'hurler.

Lors des entraînements, elle m'écoute sans pour autant m'observer, et lorsque je lui adresse la parole devant tout le monde, elle fait mine de ne pas m'entendre.

L'ignorance est la pire des punitions.

Je préfèrerais qu'elle me tape, me hurle dessus, qu'elle m'humilie publiquement, plutôt que de me retirer la parole. Mais elle a choisi cette option, et c'est tout à son honneur. J'ai été stupide de lui avouer ouvertement qu'elle me faisait penser à une autre personne. Pour une femme, être comparée, c'est l'une des pires choses qu'un homme puisse faire.

Puis, lui dire haut et fort qu'elle me plaît, je n'aurais jamais dû. Je ne la connais pas assez pour m'amuser à jouer les fleurs bleues.

Mais lorsqu'elle s'est accrochée autour de mon cou quand nous étions en train de tomber, j'ai ressenti une sensation étrange. Le parfum qui émanait de son cou et de ses cheveux a complètement envahi mes sens pour me faire perdre la tête, cette femme sent la framboise, le fruit rouge. Et son odeur sucrée m'a donné envie que d'une seule chose : la goûter.

Donc, je prends mon mal en patience, je suis condamné à rester seul, ça, je l'ai bien compris.

Nous sommes samedi soir, et Gabriel insiste pour faire un feu de camp dans notre coin aménagé de la forêt.

J'ai longuement hésité, mais après tout, Retty n'est pas là cette nuit, et demain c'est dimanche, donc notre jour de repos. Je peux bien nous autoriser une petite soirée entre potes autour d'un feu. Même si je ne suis pas sûr que boire des bières soit ce qui peut me réconforter, mais vaut mieux ça que de rester seul à me morfondre dans ma chambre.

— Orlando, on attend plus que toi là-bas, qu'est-ce que tu fabriques ? me dit Gabriel en entrant en trombe dans ma chambre.

Il m'observe, et je reste là, étendu comme une loque sur mon lit.

En s'avançant vers moi, il prend place au bout de mon lit, et je sais dès lors que je vais passer un interrogatoire. Il me connaît par cœur, et je sais qu'il a remarqué mon changement de comportement ces derniers jours.

— C'est à cause de Lou ?

Instantanément, je me redresse pour lui faire face.

— Pourquoi ? Elle t'a dit quelque chose ?

Je cherche à en savoir un peu plus, peut-être qu'elle aussi, elle pense à moi ?

— Oui, on est devenus plutôt proches, elle et moi...

Je le dévisage car ce que j'entends ne me plaît pas, qu'est-ce qu'il insinue par "proche" ?

— Vous êtes devenus proches ? C'est-à-dire ?

Il doit forcément entendre l'inquiétude dans ma voix, parce qu'il se met à glousser. Mais apprendre qu'il se passe quoi que ce soit entre eux, ne serait-ce qu'une accolade dans mon dos, je pense sincèrement que ça pourrait me tuer.

— On s'entend bien, et on se parle beaucoup, c'est tout.

— Et... elle t'a parlé de moi ?

Ses yeux verts clairs se remplissent de compassion, et je comprends alors que ce n'est pas pour dire du positif qu'elle a parlé de moi.

Une vie à t'attendreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant