6. Enième débat et désobligeance

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Encore et toujours un énième échange chronométré sur une chaîne de télévision française permettant l'affrontement entre plusieurs partis politiques en opposition.

Métro, boulot, (dodo) débat, c'était l'impression que Gabriel ressentait ces dernier mois. Sa vie ne semblait se résumer qu'à ça, le « dodo » se faisant trop rare à son goût. La grosse différence depuis la dernière fois, c'était son statut et rôle politiques qui avaient évolués. Il n'était désormais plus « Secrétaire d'Etat » mais « Ministre délégué chargé des Comptes Publics ». Ce changement de poste n'avait en rien réduit les attentes que le Président de la République et son parti avaient de lui.

Gabriel avait beau savoir gérer son stress et la pression, il aurait préféré boire cette dernière dans un bar plutôt que de la subir. Ce qui avait marqué le monde politique français, c'était son jeune âge, faisant de lui le plus jeune ministre jamais arrivé au gouvernement durant la Vème République.

Cela n'empêchait pas sa virulence en joute verbale, le faisant parfois paraître impulsif ou fébrile voire impoli. Mais ce n'était que sa passion débordante pour la politique et sa détermination qui ressortaient, mettant à mal tous ses adversaires qu'il arrivait à mettre au pied du mur et faire taire.

Il se sentait mieux désormais. Sa peine s'était largement dissipée avec la quantité de travail importante et les élections présidentielles qui lui permettaient d'occuper son esprit. Gabriel était réellement un acharné du travail, quitte à mettre sa santé en jeu. Cependant, sa dépendance à la nicotine ne s'était pas calmée, qui apparaissait comme son seul plaisir existant et libératoire. Pertinemment, il savait que ce n'était pas bon de se flinguer la santé avec des produits médiocres, mais c'était malgré lui. Cela lui donnait l'impression de garder pied.

Son parti, celui du Président, était inscrit comme favori dans la campagne, leurs opposants d'Extrême-Droite directement juste après, en seconde place, ce qui ne faisait qu'accentuer son inquiétude. Gabriel représentait tout ce pour quoi ce parti se battait : il était un jeune homme, non hétérosexuel, d'une classe sociale plutôt favorable – il fallait l'admettre -, petit-fils d'immigrés et nobles, de Gauche initialement avant de prendre une position plus centrale en rejoignant le Parti Présidentiel...Il était clairement une cible à abattre, ses opposants le comparant généralement à son mentor.

A chaque débat ou presque, le jeune ministre devait faire face au porte-parole du parti d'Extrême-Droite : Jordan Bardella, un jeune homme particulièrement charismatique, positionné comme étant son alter-égo politique. Certains journalistes les avaient même qualifiés de « lieutenants » de leurs bords politiques respectifs.

Un sentiment étrange flottait lors de ces discussions véhémentes : d'extérieur, il était difficile de croire que quelques échanges avaient eu lieu entre eux, loin des caméras, notamment lors d'un vol en avion, au détour d'un couloir déserté, dans le calme feutré d'une loge après une émission, ou encore autour d'un repas dans un restaurant discret. Ces instants volés, presque anodins, semblaient pourtant avoir forgé une certaine connexion entre eux, invisible aux yeux du monde.

La phrase qu'avait lâchée le jeune homme à Gabriel après une des émissions à laquelle ils participaient, faisait régulièrement écho dans sa tête. Contre sa volonté, il devait admettre qu'elle avait été le premier pansement à sa peine, marquant un tournant dans son deuil amoureux avec son ancien compagnon.

« « Je ne sais pas qui vous fait pleurer ni pour quelle raison depuis des semaines, mais cela n'en vaut certainement pas la peine. » » la voix de Jordan résonnait fréquemment, entonnant cette même et unique parole, en boucle, quand le moral n'était pas au beau jour.

La France brûlera pour Nous, Le Monde brûlera pour ToiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant