8. La Fresque des Tensions

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Gabriel entra dans la salle de réunion au sein de l'Elysée, son regard d'encre balayant les visages des participants déjà présents. Il les reconnaissait tous bien qu'il ne leur avait pas forcément parlés directement. A peine ses pas l'eurent mené à l'endroit, que l'anxiété pointait, même s'il essayait de l'étouffer au possible.

Les représentants des différents partis politiques étaient regroupés en petits cercles autour d'une grande table entourée de plus petites, échangeant des salutations et des paroles courtoises avant le début de l'exercice. L'atmosphère était déjà chargée d'une certaine tension, mais aussi d'une énergie palpable, celle qui précède toujours ce genre de rencontres. Tous semblaient motivés à prouver l'intérêt de leur présence.

À mesure qu'il avançait, Gabriel sentit les regards se tourner vers lui, reconnaissant sa silhouette parmi les autres, les saluant d'un signe de tête ou d'une poigne. Il se dirigea ensuite vers le groupe central, où se trouvaient les représentants de la Gauche Radicale et de l'Extrême-Droite afin de les saluer. Plus ou moins consciemment, il avait fait en sorte à leur dire bonjour en dernier, repoussant au maximum cette échéance.

David Guiraud, un homme plus jeune de trois ans que Gabriel et d'une stature à peu près équivalente, fut le premier à l'accueillir avec son sourire habituel. Son allure décontractée et nonchalante contrastait avec la fermeté de sa poigne lorsqu'il tendit la main à Gabriel.

- Gabriel, toujours aussi sérieux, à ce que je vois. Prêt à sauver le climat avec nous ? lança David, une pointe d'ironie dans la voix.

Gabriel força un sourire, tendant sa main en retour. Mais à peine ses doigts se refermèrent-ils autour de ceux de David que ce dernier serra un peu plus fort, et surtout, un peu plus longtemps que nécessaire. Leurs regards se croisèrent, et Gabriel sentit une légère chaleur grimper dans son cou. Il n'était pas sûr de ce que David cherchait à prouver, mais il savait qu'il n'appréciait guère ce jeu de pouvoir. Les yeux marrons de ce dernier brillaient dernières ses lunettes rondes.

- Toujours prêt à faire ce qu'il faut, répondit Gabriel, tentant de garder son ton neutre, bien que la légère pression sur sa main fût de plus en plus insistante. Ce n'était pas juste une poignée de main, c'était une démonstration, un jeu de domination, et Gabriel sentit que David prenait un malin plaisir à tester ses limites.

Le contact dura une seconde de trop, suffisamment pour que l'ainé sente un malaise s'installer. C'est à ce moment qu'il réalisa que Jordan Bardella était tout près, ses yeux noisette fixés sur la scène. Son expression était indéchiffrable, mais ses mâchoires serrées trahissaient une certaine irritation.

Lorsque ce fut au tour de Jordan de saluer Gabriel, la différence était frappante. Jordan tendit la main, mais l'étreinte fut brève, à peine un frôlement, et son regard évitait délibérément celui de Gabriel.

- Attal, dit-il simplement, presque froidement, avant de se détourner aussitôt pour échanger quelques mots avec une autre personne présente.

Gabriel sentit une pointe de frustration l'envahir. Son interlocuteur semblait déterminé à l'ignorer, ou pire, à maintenir une distance glaciale, tandis que David, de son côté, continuait à jouer de ses provocations.

- Ne faites pas attention à lui, Monsieur Attal, c'est bien les mecs de l'Extrête-Droite ça. Ils se sentent supérieurs face aux basses gens, même si ça préfère manger des pépitos plutôt que de venir voter les projets de loi, là où on les attend normalement et ce pourquoi ils sont payés, chuchota David à Gabriel, suffisamment fort pour que Jordan puisse l'entendre.

Contre son gré, Gabriel dut mettre tous ses efforts pour contenir un petit rire, à l'entente de la réflexion sarcastique. Pour une fois, ses cours de théâtre l'avaient sauvé puisque rien ne fût trahi par une expression non maîtrisée.

La France brûlera pour Nous, Le Monde brûlera pour ToiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant