26. Les bips de la machine

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Jordan se tenait assis, la silhouette fatiguée, près de Gabriel toujours inconscient.

Cela faisait des jours que le jeune homme n'avait pas fermé l'œil, hanté par une inquiétude incessante, guettant chaque souffle, surveillant chaque mouvement imperceptible chez son ainé. Attendant le moindre signe qui indiquerait son réveil, un retour à la conscience.

Rongé par l'angoisse et la culpabilité, il ne lâchait pas le visage de l'homme de ses yeux noisette, tout comme il ne lâchait pas sa main, enserrée fermement mais délicatement par les siennes, la peur qu'il ne s'échappe de la réalité étant trop forte.

Ses pensées tournaient en boucle, accablées par les images de l'agression et par la fragilité apparente de Gabriel.

À chaque fois que ses yeux erraient sur les ecchymoses et les contusions qui marquaient le visage de Gabriel, son cœur se serrait davantage, et les larmes troublaient sa vue.

- Gabriel... je t'en supplie, réveille-toi, murmura-t-il d'une voix brisée, quémandant la moindre réponse, même inaudible.

Il attendait désespérément la moindre réaction, même la plus infime qui lui indiquerait que Gabriel était encore là, quelque part derrière ce silence troublant.

Mais Gabriel demeurait immobile, plongé dans un sommeil dont la profondeur semblait insondable. Etrangement, dans cet état, il paraissait serein, ses muscles étant totalement détendus, malgré le grand nombre de bandages et pansements qui couvraient son corps meurtri.

Avec une délicatesse empreinte d'une émotion profonde, Jordan porta la main de Gabriel à sa bouche pour y apposer ses lèvres. Il se pencha ensuite lentement vers lui, venant effleurer sa joue du bout de ses doigts, avant de venir déposer un baiser léger accablé, presque timide, à la commissure de ses lèvres. A cet instant, une larme s'échappa et roula le long de sa pommette avant de s'écraser et de se perdre sur le visage immobile et si beau de Gabriel.

- Je suis tellement désolé, Gabriel...

Un sanglot étouffé déchira la voix de Jordan qui, dans un geste désespéré, vint poser son front contre celui de son ainé, se laissant aller à quelques pleurs silencieux, lourds de signification. Il était noyé par une culpabilité écrasante, chaque seconde sans réponse lui paraissant une éternité.

Soudain, sous lui, Jordan sentit un frémissement, une vibration qui le fit sursauter. Il se redressa instantanément.

Ses yeux s'ouvrirent en grand et il fixa intensément l'homme allongé, une lueur d'espoir dans le regard :

- Gabriel... ?!

Ce dernier papillonna légèrement des paupières, aveuglé par les lumières froides de sa chambre d'hôpital.

La vue d'abord trouble, elle redevint rapidement plus nette quand elle reconnut peu à peu les contours familiers du visage de Jordan. Sa vision se précisa à mesure qu'il se concentrait sur la présence du jeune homme.

- Jor...dan... ?, susurra Gabriel, la voix à peine audible tant ses cordes vocales étaient enrouées et douloureuses.

Le ministre, reprenant lentement ses esprits, fut surpris de voir son rival si près de lui, leurs mains entrelacées dans un geste empreint de tendresse. Pour une fois, Jordan était simplement vêtu d'un jean, un t-shirt et un gilet, ce qui changeait de ses habituels costumes noirs ou bleu marines. Ses cheveux tombaient en de petites mèches sur son front.

Le cœur de Gabriel fit un bond douloureux, quand il constata les yeux rougis et le visage creusé de son cadet face au sien, signes évidents de longues heures de chagrin et d'angoisse, et de sommeil inexistant.

- Gabriel...

C'était le seul mot que le jeune homme semblait arriver à prononcer, ce prénom sonnant comme une bénédiction et une évidence à ses oreilles.

Sans attendre davantage, il se pencha pour embrasser Gabriel avec une douceur désespérée, tant le soulagement de voir son ainé éveillé était intense. Un geste à la fois doux et urgent, comme si ce baiser pouvait effacer toute la douleur accumulée. Des jours entiers qu'il n'attendait que ça.

Gabriel, d'abord surpris par l'ardeur et la fragilité de ce baiser, se laissa aller, peut-être en partie à cause de sa faiblesse, mais aussi parce que ce contact semblait être le remède le plus efficace pour son corps meurtri et son cœur brisé.

Leurs regards se rencontrèrent alors, plongeant dans une profondeur émotionnelle poignante, avant que leurs lèvres ne se rejoignent de nouveau dans un baiser plus passionné plus...amoureux. Leur étreinte se fit plus ferme, leur corps se pressant l'un contre l'autre comme s'ils cherchaient à combler un abîme entre eux, qu'il n'y ait plus aucun espace les séparant, leur chaleur s'unissant.

Jamais le ministre n'aurait cru que ressentir ce contact lui ferait cet effet d'apaisement et de sérénité si fort.

À cet instant précis, Gabriel comprit combien il avait besoin de Jordan, combien il désirait être près de lui. Malgré toutes leurs discordes politiques et personnelles, c'était dans ces bras – dans SES bras – qu'il se sentait véritablement à sa place et le mieux.

La machine connectée à Gabriel se mit à biper.

D'abord lentement.

Doucement, comme un murmure inquiet.

Puis, le rythme s'accéléra, prenant une cadence frénétique.

Le son devint presque assourdissant, résonnant dans la chambre telle une alarme désespérée.

Et les lèvres de Jordan s'éteignirent sur celles de Gabriel, dans un flou de couleur basculant dans le noir...

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La France brûlera pour Nous, Le Monde brûlera pour ToiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant