16. Poison

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Jordan sentait une lourdeur peser sur sa poitrine, comme un poids qu'il ne parvenait plus à supporter.

- Marine, je ne peux plus faire ce que tu m'as demandé. Plus ça va, moins j'arrive à me regarder dans le miroir, dit-il d'une voix où perçait une note de culpabilité.

Chaque mot qu'il prononçait semblait plus difficile à sortir que le précédent, comme s'il se battait contre une force invisible qui le retenait.

La femme soupira longuement, tirant fébrilement sur sa cigarette. La fumée s'éleva en volutes fines vers le plafond, se dispersant dans l'air lourd de la pièce. Elle lui tournait le dos pour faire face à la fenêtre ouverte. Cette discussion l'agaçait déjà avant même d'avoir vraiment commencé.

- Jordan, on ne va pas revenir là-dessus, s'il te plaît. Je croyais avoir été suffisamment claire quand on s'est mis d'accord, répondit-elle, sa voix teintée d'une froide indifférence. Elle savait qu'il était loyal, mais elle commençait à percevoir des fissures dans l'armure qu'elle avait façonnée pour lui.

Jordan baissa la tête, une main glissant machinalement dans ses cheveux.

- Oui, mais ça remonte à deux ans désormais, murmura-t-il, sa voix presque inaudible, comme s'il se parlait plus à lui-même qu'à elle. Il se souvenait de l'homme qu'il était avant tout cela, avant que cette mission ne vienne tout bousculer. Peut-être qu'on pourrait imaginer autre chose plutôt que ça ? J'en ai perdu Nolwenn et Monsieur Attal commence à se poser des questions...

Elle se tourna vers lui, s'adossant à la fenêtre pour continuer de fumer. Ses yeux lançaient des éclairs, une attitude glaciale qui semblait trancher dans l'air épais entre eux.

- Écoute, tu es président du parti maintenant, et ce grâce à moi et mes stratégies. Celle qui consiste à te mettre Attal dans la poche est sur la durée. S'il commence à avoir des doutes, c'est peut-être que tu ne mets pas assez du tien ou qu'au contraire, le poison que tu as injecté commence à faire effet.

La mâchoire de Jordan se crispa quand il entendit le terme « poison », qui se répétait en écho au fond de son crâne, tel un chant du jugement dernier.

Le jeune homme serra les poings, ses ongles s'enfonçant dans sa paume. Sa mâchoire se crispa . Le mot "poison" résonnait dans sa tête, sourd et menaçant. Il ressentait ce poison en lui: le goût amer d'une trahison qui le rongeait de l'intérieur, car au fond de lui, il sentait que les choses changeaient, et que c'était peut être lui qui s'empoisonnait de Gabriel... 

Était-ce vraiment Gabriel qu'il manipulait, ou était-ce lui qui se faisait piéger par ses propres sentiments ?

- Quoi qu'il en soit, j'en ai marre de faire ça..., sa voix tremblait légèrement, même si physiquement, il restait droit. Chaque jour, il se sentait un peu plus déchiré entre le devoir et ses propres désirs, entre ce qu'il pensait ressentir, ce qu'on lui demandait de ressentir et ses vrais ressentis.

Marine referma la fenêtre avec un claquement sec et s'approcha de lui.
Il était debout devant la porte de son bureau, imposant toute sa stature. Elle devait admettre qu'il était bien plus impressionnant qu'il y a deux ans. Dans son for intérieur, elle était fière de l'image qu'il donnait à son parti. Elle l'avait façonné à son image.
Les gens se rattachaient de plus en plus à eux, et la beauté de Jordan en était une des raisons les plus grandes et évidentes. Mais elle savait que cette force apparente cachait un tourment qu'elle ne pouvait ni comprendre ni accepter.

Il devait être un leader.

Jordan, quant à lui, sentait le poids de son regard, un mélange de fierté froide et d'attente implacable. Le tiraillement en lui s'intensifiait, chaque jour un peu plus. Devait-il rester fidèle à la mission, ou écouter ce que son cœur, contre toute logique, commençait à lui murmurer ?

La France brûlera pour Nous, Le Monde brûlera pour ToiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant