32. La démission

262 9 12
                                    

Gabriel ouvrit péniblement les yeux, son esprit se réveillant à mesure que ses sens revenaient. Pendant quelques secondes, il ne savait pas où il était, ni ce qui s'était passé. Une lourdeur écrasante pesait sur ses membres, et une migraine lancinante martelait son crâne. Il avait l'impression qu'un train lui était passé dessus, chaque partie de son corps semblait épuisée. Sa tête tambourinait, des éclats lumineux traversaient sa vision encore floue.

Il réalisa qu'il était allongé sur une méridienne, un manteau sombre drapé sur lui, son tissu épais dégageant une odeur boisée familière. Instinctivement, il s'appuya sur ses coudes pour se redresser, le geste laborieux comme s'il cherchait à rassembler des forces à peine retrouvées. Malgré la fatigue et la confusion, il s'efforça de reprendre conscience de son environnement.

Sur sa main, il sentit une douce chaleur et pression qui le raccrocha plus rapidement à la réalité. Difficilement, ses yeux se posèrent dessus et aperçurent que des doigts tenaient les siens. Gabriel remonta instinctivement son regard et trouva deux prunelles marron qui le fixaient intensément, un éclat d'inquiétude en leur cœur.

- Sté...phane... ? murmura Gabriel d'une voix rauque, sans attendre réellement de confirmation.

C'était bien lui, son ex-conjoint, assis près de lui :

- Oui, je suis là, répondit Stéphane, la voix douce mais marquée par l'angoisse. Tu m'as fait tellement peur, Gabriel...Comment te sens-tu ?, demanda t-il, sincèrement inquiet pour lui, resserrant un peu plus ses doigts autour de ceux de son cadet.

- Ca v-..., commença-t-il, avant de s'interrompre brusquement en réalisant que Stéphane lui tenait la main.

Instinctivement, il retira rapidement la sienne d'un geste brusque et presque maladroit, et détourna le regard en se raclant la gorge. Son cœur battait beaucoup trop fort dans sa poitrine.

- Bois un peu Gabriel, ça te fera du bien, dit-il doucement en lui tendant un verre de jus d'orange, faisant mine de ne pas considérer la réaction un peu brutale de l'homme, que Gabriel saisit et engloutit sans aucune hésitation.

Il sentit la boisson fraîche et sucrée s'écouler jusque dans son estomac et la sensation était particulièrement satisfaisante. Il ne pouvait pas le nier, cela lui avait fait beaucoup de bien. Il sentit une partie de sa force physique revenir. Mais mentalement, il savait qu'il restait fragile.

Le sucre fit rapidement effet et Gabriel retrouva quelques couleurs. On lui apporta de nouveau du jus de fruits et quelques gâteaux.

Un pompier s'approcha de lui et s'assit à ses côtés pour commencer un ensemble d'examen routinier:

- Comment vous sentez-vous, Monsieur le Premier Ministre ?, demanda t-il calmement. Nous avons noté une glycémie très basse pendant votre perte de conscience. Il semblerait que vous ne mangez pas assez. Aucune trace de substance illicite. Avez-vous des problèmes d'alimentations ces temps-ci ?, ajouta le pompier en prenant la tension de Gabriel.

Ce dernier hésita un instant, sentant ses joues s'empourprer.

Les heures passées à négliger son corps, à repousser les repas, tout cela lui revenait en mémoire. La fatigue accumulée, la pression constante, son choc post-traumatique, son traitement contre l'anxiété, son incapacité à gérer ses propres besoins personnels face aux responsabilités de l'État. Tout.

Mais il se contenta de secouer légèrement la tête, refusant d'admettre l'entièreté de sa faiblesse, lorsqu'il répondit avec une sincérité peu courant depuis son hospitalisation :

- Généralement non, mais disons que ces derniers jours, je n'ai pas pris le temps pour cela...Le sommeil, disons que c'est devenu optionnel aussi, je dois l'admettre, répondit Gabriel en toute franchise. D'autre part, je suis un traitement médicamenteux contre les crises d'angoisse depuis plus de un mois..., avoua-t-il en passant une main nerveuse derrière sa tête.

La France brûlera pour Nous, Le Monde brûlera pour ToiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant