La France brûlera pour Nous, Le Monde brûlera pour Toi

17. Retrouvailles

Mai 2024.

En pleine guerre des urnes pour les élections européennes, le climat politique était à son paroxysme. Le rythme incessant des réunions, des discussions stratégiques, et des débats médiatiques ne laissait aucun répit aux acteurs politiques, épuisant même les plus endurcis.

 Parmi eux, Gabriel, récemment nommé Premier Ministre après la démission surprise de sa prédécesseure. À trente-quatre ans, il était devenu le plus jeune Premier Ministre de l'histoire de la Vème République, une ascension fulgurante qui avait attiré autant l'admiration que l'attente implacable d'une performance irréprochable. Il avait d'ailleurs été invité à prendre ses quartiers à l'Hôtel Matignon comme le voulait la tradition.

Le poids de ses nouvelles responsabilités ne tarda pas à marquer son visage. Les cernes s'étaient installés sous ses yeux, profonds et tenaces, signe visible de nuits trop courtes et de journées interminables. Malgré une ambition dévorante, l'homme ne pouvait ignorer l'impact que son nouveau rôle avait sur sa santé mentale et physique. Ses collègues remarquaient parfois son teint pâle, son regard distant, comme si, malgré sa présence physique, une partie de lui se trouvait ailleurs, noyée dans un océan de stress et d'anxiété. 

Il avait l'impression avoir pris cinq ans en cinq mois. « Un bon ratio » ironisait-il, pour dédramatiser quand il observait son reflet dans le miroir.

Au détour d'une interview, le jeune Premier Ministre avait révélé que ses meilleures nuits ne duraient pas plus de quatre heures, et que les nuits blanches s'enchaînaient à un rythme effréné. Pour mieux tenir, il prenait même des stimulants quand il était attendu sur tous les fronts. Il était seul et pourtant on lui demandait de fournir le travail de trois personnes à temps plein. Les journées ne faisant que vingt-quatre heures, il n'avait pas d'autre choix que de considérer le sommeil comme facultatif. Gabriel savait qu'il poussait son corps et son esprit à leurs limites, mais il n'avait d'autre choix que de continuer à avancer, conscient que le moindre faux pas pourrait être exploité par ses adversaires.

Paradoxalement, depuis 2022, il avait réussi à réduire, voire à totalement arrêter, sa consommation de nicotine, un exploit qu'il devait en partie à une remarque inattendue de son principal opposant, Jordan Bardella. Quelques années auparavant, ce dernier, connu pour ses idées tranchées, lui avait adressé des mots étrangement bienveillants. Ses paroles avaient d'ailleurs eu un véritable effet de baume au cœur pour le ministre. 

Depuis, Gabriel n'allumait sa cigarette électronique que lors d'occasions festives ou en proie à une anxiété insoutenable, comme lors du récent Gala à l'Élysée en décembre dernier.

La relation entre lui et Stéphane appartenait désormais au passé, et Gabriel avait appris à avancer. Il avait dû sacrifier une partie de son humanité, se focalisant entièrement sur son rôle de Premier Ministre. Sa vie personnelle n'était plus qu'un lointain souvenir ; il n'y avait ni espace ni temps pour l'amour ou même pour une simple amitié. Le travail, ce monstre dévorant, avait tout englouti. Il avait déjà à peine le temps pour lui-même.

Comme à chaque fois, pour représenter le Parti Présidentiel, le choix se portait sur lui. Tout le monde connaissait ses capacités vindicatives et son intelligence en débat politique. 

Sa réputation n'était plus à faire et était solidement ancrée auprès de ses collègues, des médias et même de ses adversaires. Gabriel n'avait d'autre choix que d'accepter sa mission, même s'il se serait parfois contenté de déléguer ce travail à un de ses collaborateurs, il devait prouver sa légitimité et fidélité au Président de la République.

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Gabriel se trouvait dans sa loge avant le début de l'émission, se préparant attentivement en se focalisant sur ses fiches. Cela faisait un moment qu'il n'avait pas eu à faire l'exercice de débattre politiquement sur une chaîne de grande audience contre un représentant de l'opposition.