18. Affrontement

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Gabriel traversa le plateau d'un pas assuré, allant saluer la journaliste avec un sourire professionnel avant de rejoindre sa place à sa gauche.

Il sortit ses notes de son attaché-case et les parcourut une dernière fois, les mots dansant sous ses yeux. Il savait que pour convaincre, il devait montrer qu'il maîtrisait ses sujets sans l'aide de fiches. Après une profonde inspiration, laissant l'assurance monter en lui,  il rangea ses feuilles dans leur dossier.

Il vit du coin de l'œil Jordan s'approcher de lui. Instinctivement, il redressa la tête, et fit mine d'être assez surpris de le voir. A cet instant, tout le sérieux de sa raison ici revenait.

Ils échangèrent une poignée de main ferme, le contact de leurs doigts marquant le début de ce duel silencieux. Bien que la différence de taille entre eux soit notable, Gabriel ne se laissait que rarement impressionner par la stature de Jordan.

Aujourd'hui encore, il tenait tête, littéralement et métaphoriquement.

Le jeune chef du Parti d'Extrême-Droite exhala lentement, ses lèvres pincées trahissant un effort pour contenir ses émotions alors que leurs mains se séparaient. Il se dirigea vers sa place à droite de la présentatrice, s'installant pendant que l'équipe technique préparait le plateau pour le direct. Pourtant, malgré tous ses efforts pour se concentrer, ses yeux revenaient inlassablement vers Gabriel, assis en face de lui.

Le Premier Ministre, quant à lui, ressentait le poids du regard de Jordan sur lui. Chaque fois qu'il levait les yeux, il croisait celui du jeune homme, et un sourire gêné se formait sur ses lèvres avant qu'il ne détourne le regard. Ce jeu de regards devenait un terrain miné de non-dits, de sous-entendus, chaque échange visuel éveillant des souvenirs et des désirs réprimés.

Jordan se battait intérieurement pour chasser les pensées qui revenaient sans cesse. Des images de Gabriel, sa pomme d'Adam qu'il lui offrait, son attitude provocante et suggestive lors de cette fameuse nuit de décembre...

Il déglutit avec difficulté, la bouche sèche. Ces souvenirs étaient vivaces, brûlants, et chaque fois qu'ils refaisaient surface, Jordan ressentait une vague de chaleur dans ses reins et une pointe de regret : celle de ne pas avoir goûté à ce fruit défendu...

À cet instant précis, le regard fixé du jeune homme en disait long, peut-être trop, et Gabriel semblait l'avoir compris. Ce dernier lui adressa des sourires, mais ceux-ci étaient empreints d'une gêne indéniable, comme s'il devinait les pensées qui traversaient l'esprit de son rival. Pourtant, Gabriel s'efforçait de maintenir une façade imperturbable, d'agir comme si rien ne s'était passé entre eux. Mais la vérité était que le regard intense de Jordan le déstabilisait.

Cela faisait presque deux ans qu'ils ne s'étaient pas affrontés dans un débat de cette envergure, mais à ce moment là, chacun d'eux savait qu'ils n'avaient fait qu'attendre cette rencontre, ce face-à-face qui allait bien au-delà des simples mots échangés.

***

Le débat battait son plein. Les échanges étaient vifs, les piques acérées, et chaque mot semblait pesé pour frapper juste.

Gabriel et Jordan étaient dans leur élément, l'un cherchant constamment à prendre l'avantage sur l'autre, à déstabiliser. Malgré le professionnalisme apparent, il était difficile de croire que, quelques minutes plus tôt, ils avaient partagé un fou rire dans la loge.

Gabriel, les sourcils légèrement froncés, fixait son rival d'un regard perçant :

- Je vous laisse à chaque fois vous exprimer sans vous interrompre... , fit-il remarquer froidement, roulant les yeux au ciel alors que Jordan tentait de prendre la parole.

La France brûlera pour Nous, Le Monde brûlera pour ToiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant