3. Un déjeuner ?

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De nouveau sur un plateau de télévision, un nouvel échange se préparait entre le Parti Présidentiel et le parti opposant direct d'Extrême-Droite. Cette fois-ci dans une émission que Gabriel jugeait beaucoup moins appropriée et sérieuse mais il le fallait, cette émission étant une des plus regardées par le peuple français, ce qui permet donc d'atteindre une plus grande audience et d'étendre son public.

Peu avant son entrée, le Secrétaire ressassait ses fiches et ses notes afin de limiter toute prise au dépourvu. Dans sa tête se jouaient les questions et les réponses, dans une joute verbale imaginaire aussi vindicative que dans la réalité, si ce n'est plus. Ce que Gabriel n'imaginait pas, c'est que le niveau de ce débat ne serait pas aussi haut que celui réalisé il y a un peu plus de un mois.

Un mois...cela faisait plus d'un mois maintenant qu'il avait le cœur brisé, et qu'il avait beau s'être plongé corps et âme dans le travail, il n'arrivait pas à oublier l'amour qu'il portait encore à son ex-compagnon, malgré toute la douleur qui le brûlait de l'intérieur. Il avait perdu du poids et s'était réfugié dans la cigarette électronique, qu'il vapotait plus que de raison avec un taux de nicotine bien trop élevé.

Le stress monta d'un coup au creux de son estomac vide, son esprit envahi une nouvelle fois de pensées anarchiques et sauvages. Pour calmer cette pression, Gabriel se mit à se mordre la lèvre inférieure plusieurs fois à la suite, sans arriver à se retenir, n'hésitant pas à se l'abimer jusqu'au sang. C'était un vieux réflexe que de se blesser pour se maintenir à la réalité. Il ne comprenait pas pourquoi l'anxiété était si forte à cet instant.

L'appel de la terrasse était le plus fort. Il se permit d'aller prendre rapidement l'air, s'isoler quelques minutes le temps de prendre cinq grosses bouffées de nicotine, avant de retourner à l'entrée du plateau TV. L'air froid de l'hiver lui glaça les poumons ce qui lui procura presque du bien, forçant sa respiration à se poser.

A l'intérieur, il sautilla sur place, fermant les yeux, secouant les épaules pour tenter de relâcher son corps, sentant les larmes commencer à lui monter. Cette douleur, il en avait plus qu'assez d'en être la proie. Malgré la cigarette, il n'avait pas réussi à garder pied :

« Pas maintenant Gabriel, pas maintenant ! » s'ordonna t-il, intérieurement.

Son cou émit un léger craquement quand il tourna la tête pour se détendre, le rappelant un peu à la raison. Ses paupières s'ouvrir une fois sa respiration un peu stabilisée, et en face de lui, il aperçut son concurrent direct qui le regardait d'un air interrogateur et moqueur. Le jeune homme haussa les sourcils puis décocha un sourire amusé avant de se tourner vers ses collaborateurs.

« Et merde ! » s'en voulut Gabriel, se rendant compte qu'il avait donné des billes à Jordan Bardella pour le déstabiliser.

Décidément, ce soir n'était pas un soir avec. Le jeune secrétaire se sentait assez mal, et il n'avait qu'une envie : retrouver son lit après avoir avalé un verre de vin d'une seule traite.

- Monsieur Gabriel Attal et monsieur Jordan Bardella sont attendus sur le plateau, sonna une voix faisant appel.

Les deux hommes ne tardèrent pas à se retrouver sous les caméras. Une poignée de main rapide, le regard fuyant de Gabriel, la stature écrasante de Jordan, son air narquois, les animateurs trop intrusifs...Tout semblait si peu sérieux au goût du secrétaire. Il avait vraiment hâte que cela se finisse.

Il n'arrivait pas à se concentrer aussi longtemps qu'il le souhaitait. Ses yeux trahissaient sa tristesse débordante qu'il ne pouvait plus à contenir depuis des semaines. Ses doigts frottaient frénétiquement la marque encore gravée sur son annulaire, là où trônait encore il y a quelques mois, une magnifique alliance en or blanc. Ses soupirs se faisaient sauvages, heureusement non captés par les microphones. Les lumières vives, le bruit, tout cela lui donnait le tournis.

La France brûlera pour Nous, Le Monde brûlera pour ToiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant