40. Acceptation

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La jambe de Gabriel tressautait nerveusement, un mouvement qu'il ne contrôlait pas. Sa cheville reposait sur son autre genou tandis que ses doigts, crispés autour de sa cigarette électronique, l'approchaient à intervalles réguliers de ses lèvres.

Chaque bouffée semblait le soulager momentanément, mais à peine la fumée recrachée, l'agitation revenait, plus vive. Son regard sombre, en contradiction avec sa posture habituellement stoïque, fixait un point invisible devant lui, l'air fermé et les sourcils froncés.

Il se trouvait dans son bureau à Matignon, mais il aurait donné n'importe quoi pour ne pas être là, il n'avait absolument aucune envie de travailler. Les dossiers s'empilaient sur son bureau, des courriers urgents l'attendaient, mais il n'avait aucun goût à les traiter. Son esprit était ailleurs. Toute cette responsabilité qui lui pesait, cette charge de Premier Ministre qu'il avait assumée avec dévouement, semblait aujourd'hui le broyer. Et il ne pouvait s'empêcher de penser à autre chose... ou plutôt à quelqu'un.

Le nom de Jordan lui traversa l'esprit, et il sentit son cœur se serrer. Cette journée passée ensemble, avant le départ du jeune homme pour le Sud, lui avait laissé un goût doux-amer. Ce lien entre eux était bien plus complexe que l'étiquette de "relation secrète" qu'ils lui donnaient.

Agacé, toutes ses bonnes résolutions s'étaient envolées en fumant plus que de raison. Ses doigts trituraient sa cigarette électronique alors qu'il tirait dessus à intervalle régulier, se laissant à peine le temps d'expirer la vapeur. La pièce baignait désormais dans une légère volute parfumée.

La journée était à peine entamée mais il avait déjà hâte qu'elle s'achève.

~ Retour en arrière : plus tôt dans la journée à l'Élysée ~

- Je t'en prie, Gabriel, installe-toi, dit Emmanuel en lui désignant un fauteuil en face de son bureau.

Il s'exécuta, tentant de détendre les muscles de son visage pour garder une expression au maximum sympathique. Il se tenait plus droit qu'il ne l'aurait voulu, sous les yeux bleus saphir de son mentor qui le transperçaient.

L'ambiance était étrange, posée mais avec une tension sous-jacente qui sonnait comme faux. Il régnait dans la pièce un calme trompeur, presque trop pesant, trop silencieux.

Gabriel ne pouvait s'empêcher de se méfier, tous ses sens étant en alerte. Son instinct lui hurlait de rester sur ses gardes. Le Président avait cette capacité à dissimuler ses intentions derrière un sourire amical, mais Gabriel sentait aujourd'hui une pression plus lourde qu'à l'accoutumée.

Il soutenait le regard bleu qui le scrutait, mais sentait son cœur battre plus fort dans sa poitrine.

- Merci d'avoir accepté cette rencontre, commença Emmanuel d'un ton cordial, même si le ministre devinait une formalité exacerbée. Je voulais te parler hier, mais visiblement, tu n'étais pas là.

Les joues de Gabriel prirent une légère teinte rosée. Il baissa le regard brièvement, repensant à la journée précédente, passée dans les bras de Jordan.

- Oui... Après le week-end que nous avons eu, j'avais besoin de me reposer un peu, je me suis permis de prendre ma journée, balbutia-t-il maladroitement. J'ai essayé de vous appelez hier pour vous prévenir, mais je n'ai pas réussi à vous joindre.

Il mentait à moitié, et il le savait, et même si c'était pour défendre sa vie privée, il culpabilisait un peu, sentant le stress monter en flèche.

Le silence qui suivit rendit l'atmosphère plus oppressante. Gabriel sentit une nouvelle vague de nervosité monter. Ses jambes commencèrent à se secouer, comme si son corps simulait la contenance apparente qu'il essayait de maintenir. Ses mains se frottèrent machinalement contre ses genoux, un geste presque compulsif pour essayer de dissiper sa gêne.

La France brûlera pour Nous, Le Monde brûlera pour ToiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant