Une arnaque. C'était bien une arnaque. Après plus de de six heures de route, des courbatures à l'arrière cuisse, un estomac affamé, une gorge assoiffée, Romy descend du véhicule sans éteindre le contact. Elle s'avance face à un champ de lin. Le tapis bleuté n'apaise en rien sa vexation.Pourquoi avoir nié l'évidence ? Elle a senti que c'était louche... et pourtant !
D'un autre côté, ça n'a pas plus de sens : quel bénéfice pour ce Jim, si c'était bel et bien un arnaqueur ? Romy ne lui a transmis aucune données bancaires.
Un groupe se fait entendre. Et si c'était un guet-apens ? Elle regagne sa voiture, la peur au ventre et le chignon farceur. Mais le son d'une clochette la fait se retourner.
Plusieurs moutons apparaissent de derrière les ajoncs, suivis par un jeune homme. Au lieu de la traditionnelle combinaison agricole, il est habillé d'un short et d'un débardeur de marque assortis au bleu des fleurs de lin. Alors qu'il s'approche, intrigué, elle remarque qu'il fait plus jeune, malgré une barbe rousse bien fournie et des mensurations imposantes. En réalité, il doit avoir son âge.
‒ Bonjour, miss. Vous cherchez quelque chose, peut-être ?
‒ Bonjour, monsieur.
‒ Holà, pas de monsieur avec moi. Moi, c'est Morgan.
Elle acquiesce d'un sourire puis poursuit :
‒ Je suis bien dans l'allée de l'Arvor ?
‒ Exact ! Vous n'êtes, donc, pas perdue !
‒ Perdue, non. Mais je suis venue pour du travail sauf qu'il n'existe pas, manifestement...
‒ Quel travail ? Mon père a décidé de prendre une aide ? Ce ne serait pas de refus ! J'ai déjà à faire avec la boutique. Si c'est bien à la ferme, vous êtes au bon endroit, l'entrée était un peu plus haut, à la barrière noire.
La pieuvre sur son biceps s'anime alors que Morgan indique les terres derrière elle. Machinalement, Romy resserre son chignon, dégageant des mèches de ses épaules.
‒ Non, non, je devais rejoindre la maison numéro 22.
Morgan se frotte le menton, dans une courte réflexion alors qu'un agneau se met à lui lécher le mollet.
‒ Ah, mais oui! Vous parlez du gîte de l'Arvor ! Quelle adresse vous-a-t-on donné ?
Romy prend son smartphone et lit :
‒ 22 allée de l'Arvor, lieu-dit Traou Mad au...
‒ Oui, non mais c'est sûr que c'est ça ! Je remets mes bêtes dans l'enclos et je vous y emmène ?
‒ Oh, je ne veux pas vous déranger, non. Dites-moi simplement...
‒ Les GPS ne trouvent pas les adresses exactes par ici. Si on n'est pas du coin, ce n'est pas évident. Tu peux m'accompagner, ça ne prendra que dix minutes.
Romy regarde sa voiture.
‒ Ne t'inquiète pas, personne ne viendra piquer tes affaires.
‒ Bien, d'accord.
Romy prend le volant et se gare sur le bas-côté. Laissant ses fenêtres à peine fermées, elle verrouille les portières et suit Morgan.
‒ Tu restes tout l'été ?
‒ Non, trois semaines.
‒ Et tu vas bosser les dimanches ? constate-t-il.
‒ Non, enfin... oui. En fait, c'est pour du gardiennage d'animaux. Je m'installe à domicile pendant l'absence du maître.
‒ Ah d'accord, c'est marrant comme principe. Les gens sont fous de leur bête, ça ne m'étonne pas. Écoute, je connais pas trop l'habitant du 22, mais nous serons voisins alors si tu as besoin de quoi que ce soit, n'hésite pas, hein !
‒ C'est très gentil, merci.
Morgan s'approche de la clôture et saisit un poteau pour libérer le passage. Bêlant, moutons et agneaux se faufilent dans le champ, se précipitant à l'ombre des arbres en bordure.
‒ Parfait, je vais pouvoir t'amener à destination.
‒ C'est vraiment gentil, répète Romy. T'es sûr que ça ne te pose pas de problème ?
‒ Non, t'inquiète ! D'ailleurs, tu viens d'où ?
‒ D'une petite ville, à quelques minutes de la région parisienne.
‒ Ma pauvre, ça doit être l'enfer. Tu devais étouffer là-bas ?
‒ Non, ça va. C'est moins terrible qu'on ne le pense.
‒ Crois-moi, tu ne voudras plus partir d'ici.
‒ Je connais déjà la Bretagne.
‒ Alors tu sais qu'elle est magique.
‒ Bien sûr, c'est une des raisons pour lesquelles j'ai accepté ce job.
‒ J'ai tout de suite senti que tu étais une personne de goût.
Romy ne peut s'empêcher de sourire.
Revenus à la Clio, Romy prête ses clefs à Morgan qui devient son chauffeur.
‒ Et donc, tu disais que tu ne connaissais pas le proprio ? demande-t-elle en rattachant sa ceinture.
‒ Non. On s'est croisé en bagnole à la sortie du hameau trois fois à tout casser. Il n'est là que depuis un an... ou deux, peut-être. Le temps passe si vite, tu me diras !
Au dernier embranchement, Morgan tourne sur la droite puis arrête la voiture sur la route.
‒ Voilà, maintenant c'est tout droit pour arriver au numéro 22.
Il se détache et rend sa place à Romy. Elle n'ose pas lui dire qu'il aurait vraiment pu se contenter de lui décrire la fin du parcours. Mais il faut croire qu'il cherchait à prolonger sa présence...
‒ Bon, et bien, nous ne serons pas sans nous recroiser, j'espère. Je peux enregistrer ton numéro ?
‒ Bien sûr, merci encore. Je ne sais pas ce que j'aurais fait sans toi.
‒ J'imagine que tu aurais appelé le proprio, non ?
‒ Euh... bah, oui... je suis bête !
Elle rentre son numéro de téléphone sur le smartphone que Morgan lui a tendu.
‒ Et donc, toi tu t'appelles ?
‒ Oh, pardon ! Romy, moi c'est Romy ! Je suis confuse, je n'ai pas songé à me présenter.
‒ Ohlà, t'en fais pas, hein, relax ! C'est très joli. Alors, bonne installation et à bientôt, ROMY.
Sur ce, Morgan repart à pied, laissant la jeune femme redémarrer en direction du gîte de l'Arvor.
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Ragdoll Lovers
ChickLitJuste avant sa dernière rentrée scolaire, Romy est embauchée en tant que pet sitter. Le propriétaire du chat à garder, Jim, qu'elle n'a jamais vu, lui a donné toutes les indications nécessaires avant de partir pour une conférence à l'étranger. Ell...