Quatorzième chapitre. Une vérité

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Le serveur s'agenouille pour ramasser la cuillère. Son chant de métal frissonne dans les airs.

‒ Tout va bien, mademoiselle ? 

‒ Oui, oui, ça va... répond-t-elle distraitement.

Il ne semble pas convaincu, mais retourne au comptoir. 

Son smartphone vibre. C'est Jim. Elle rejette l'appel et part régler sa note en vitesse.

‒ Vous n'avez pas aimé ? demande le serveur en constatant la part de cake restée sur la table.

‒ Désolée, je dois partir.

Alors qu'elle insiste pour payer et composer son code de carte bancaire sur le terminal, trop de pensées se bousculent dans sa tête. Elle quitte l'abbaye de Dormante-Mer dans un tourbillon de sel et de questions.

Revenue dans la maison, elle s'affale dans le canapé et caresse Sully, distraitement. 

Jim.

Elle connaît Jim depuis le début. 

Il n'est autre que monsieur Jaouen, son professeur de traduction. Son timbre est reconnaissable entre tous, elle, comme beaucoup d'autres étudiants, ont succombé à son charme.

Secrètement, s'il y a bien un professeur sur lequel Romy a fantasmé, c'est bien monsieur Jaouen.

Mais de là à ce qu'il soit son patron depuis près de trois semaines... 

Elle n'avait cours avec lui qu'une semaine sur deux, faisait-il déjà le trajet depuis la Bretagne ?

Pourquoi ne s'est-il pas manifesté depuis le début ?

Jim : Romy, laisse-moi t'expliquer, s'il te plaît.

Elle ne peut se résoudre à répondre. Ce n'était déjà pas simple avec Morgan, mais là c'est double espresso de pagaille !

Mentalement, en bonne maniaque, elle renoue le fil depuis le début et procède par étapes. Qui de l'œuf ou de la poule... 

1. Monsieur Jaouen a-t-il tout de suite capté que c'était elle quand Romy a postulé. Son prénom n'est pas commun, mais dans un cours d'amphithéâtre avec une centaine d'étudiants par jour, on est vite perdu.

2. Est-ce pour cela qu'il n'a jamais voulu se montrer ? Et pourquoi ? Elle aurait été rassurée de savoir que c'était quelqu'un de confiance...

3. A quoi s'attendait-il et qu'espère-t-il maintenant ?

Romy ne parvient toujours pas à réaliser que monsieur Jaouen est le Jim avec qui elle discute et chez qui elle vit. De plus, son silence, et ce mystère autour de lui, ont rendu une situation qui aurait pu être banale, extraordinaire... 

Elle rougit en repensant aux rêves du fantôme sexy, en repensant à certains échanges sur le fil du flirt, à cette proximité rendue possible par deux esprits romantiques, qui inconsciemment se dirigeaient vers quelque chose en plus...

Romy se sent comme une lionne en cage et décide de sortir. Tant pis si la pluie revient ! Devant son agitation, Sully semble préoccupé. Il gratte la porte.

‒ C'est vrai que ça fait longtemps que tu n'es pas sorti. Viens, on a besoin d'air, bébé Sully !

Calé dans le panier à vélo, et protégé par le sac-bulle, Sully est la figure de proue de ce duo à deux roues. Romy pédale à s'en déchirer les mollets. Le sentiment de liberté dans la descente et le vent dans ses cheveux semblent libérer le poids dans sa poitrine. Les quelques gouttes qui commencent à tomber ne l'embêtent aucunement. Elle pousse des cris de joie alors que la descente est plus abrupte et que le vélo prend de la vitesse.

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