Romy n'a pas vu passer les deux jours avec Paco. Faut dire qu'au lendemain de leur soirée, ils se sont levés après midi.
Sully, lui, attendait sagement au pied de sa gamelle.
La seconde journée n'a été que détente et plage, sans autres nouvelles confessions. Et une soirée et une nuit plus tard, c'en était déjà terminé.
Paco reparti, Romy réalise le vide que son ami peut laisser. Et ce ne sont pas ses rêves du fantôme qui pourront le combler.
Sully, en revanche, s'avère être une boule de présence magique. Elle interagit avec lui pour tout, et il semble réceptif à sa conversation et à ses gestes. Elle comprend les personnes qui vivent seules et qui prennent un animal de compagnie, même jusque dans leurs vieux âges. Ce mot « compagnie » est tout bien désigné dans le cas de Sully.
Après leur séance de jeu quotidienne, le ragdoll reste sur le dos, ses pattes avant malaxent le vide et Romy, assise en tailleur, reste à le contempler. Il est si dur de résister à la douceur de ce petit ventre blanc. Elle pose délicatement sa joue dessus et l'embrasse. Sully se remet sur ses pattes puis lui lèche la joue – baiser râpeux et chaud – avant de prendre la poudre d'escampette, pour se poster face à la fenêtre. La lumière rend ses yeux si clairs qu'ils semblent fluorescents.
Romy remarque à nouveau l'ébréchure sur le pot du Yucca.
‒ Mince, c'est vrai ! Il faut que j'en parle avec ton maître. Hein, Sully ?
‒ Miaou !
‒ Bah, oui, maintenant !
Les pouces de la jeune femme rédigent frénétiquement le message.
Romy : Bonjour, Jim. Je suis incapable de te dire si c'est de ma faute, mais pendant qu'on jouait avec Sully, j'ai vu que le pot en céramique du Yucca était abîmé. Je peux aller en racheter un, si tu as encore la référence.
Elle joint la photographie à son message, puis regagne la chambre pour piocher un nouveau roman dans sa pile de livres. Comme à chaque fois sur ces horaires-là, Jim ne tarde pas à répondre :
Jim : C'est possible que ça date de plusieurs semaines. A vrai dire, c'est le genre de détail que je ne remarque pas^^
Ne t'embête pas, Romy. Ce n'est pas grave.
Pour la petite histoire, c'est mon œuvre.
Commençant à connaître la diplomatie dont Jim sait faire preuve, elle se demande s'il ne fait pas dans la langue de bois. Vu la façon dont son intérieur est soigné, et bien que la partie ébréchée sur le pot ne soit pas très étendue, elle peine à croire qu'il ne l'ait pas notée. Néanmoins, elle n'en fait pas plus de cas et poursuit :
Romy : Ah oui ? T'as tout fait toi-même ? Il paraît que ce n'est pas si simple, la poterie.
Jim : Non, juste les motifs. C'était avec ma sœur, je l'ai accompagnée à un café qui proposait de la peinture sur céramique.
Romy : Trop bien ! Eh bah, tu vois, c'est quelque chose qui me plairait beaucoup. Je ne suis pas trop calée, mais j'aime gribouiller de temps en temps et ça me tenterait d'essayer. Sur Instagram, je suis une influenceuse littéraire qui va régulièrement peindre des pièces de céramique. Je trouve ça top !
Jim : Le café n'est qu'à trente minutes en voiture. C'est « L'échopoterie ».
Je t'envoie le lien.
Il y a un créneau chaque après-midi, et même si c'est victime de son succès, tu auras de la place. Il reste toujours une table d'une personne de libre.
Romy : Oh, c'est gentil, mais je ne pense pas pouvoir y aller toute seule.
Jim :Pourquoi ?
Romy : Je trouve que c'est un peu comme le restaurant. C'est le genre d'activités que je penserais faire en étant accompagnée.
Jim : Je t'encourage à le faire ! C'est chouette de faire des choses par soi-même, de temps en temps. Allez, tu me diras ce que tu as fait ! Je pourrais échanger avec toi en temps réel. Ce soir, je n'ai rien de prévu !
Les yeux de Romy parcourt la page de l'échopoterie.
Romy : Allez, pourquoi pas !
***
L'échopoterie est un lieu hybride, typique de ceux qui font les beaux jours des réseaux sociaux.
En plus d'être dans l'air du temps, il est agencé pour être photogénique dans ses moindres recoins.
Rien n'est laissé au hasard : de l'entrée habillée par un mur de pièces en céramiques blanches, des tables de bois de l'atelier décorée de fleurs, au comptoir à cakes et gâteaux bio colorés, en passant par les étals de bouteilles de peintures et des réalisations de tasses ou vases sur les étagères.
Au printemps, la façade et la vitrine, toutes aussi belles, sont entourées par les fleurs d'une glycine géante. C'est devenu l'échoppe phare de ce village breton. La jeune femme était à l'heure. Elle n'a pas osé parler avec ceux qui attendaient, d'autant plus qu'ils sont déjà entre amis ou en famille. Elle a trouvé une table d'une personne et laisse la conversation avec Jim ouverte.
Jim : Alors ? Tu t'es décidée sur la pièce à peindre ?
Romy : On doit choisir maintenant, mais j'hésite... Il y a tellement de choix. Je pensais faire une tasse, mais il y a un vase et une assiette qui me donnent des idées. Et aussi un coquetier.
Elle se lève et reprend des photos pour lui montrer.
Jim : Pas évident de faire un choix. J'avais galéré aussi.
La propriétaire des lieux, reconnaissable à son tablier, s'approche pour prendre une des pièces neutres exposées.
‒ Excusez-moi, je vous passe devant.
Puis elle se retourne en s'adressant à l'une des clientes :
‒ C'est bien celle-ci, madame Bellec ?
‒ Non, la plus grande.
‒ Vous êtes certaine ? Ça va vous faire une sacrée gamelle, non ?
‒ Je verrais, j'en ferais peut-être un pot pourri, répond-elle en lui intimant de la rejoindre.
‒ Très bien, madame Bellec ! claironne-t-elle.
La gérante passe devant Romy, tout en s'adressant à elle :
‒ Si tu as besoin d'aide, je peux te conseiller !
‒ C'est gentil, mais j'ai trouvé ce que j'allais faire.
Romy saisit la plus petite version de la gamelle, aux courbes plus modernes que le modèle standard. Puis retourne à sa table, bien décidée à dégainer ses pinceaux.
Romy : C'est bon, voici la céramique que j'ai choisie.
Jim : Un cendrier ? Tu fumes ?
Romy s'esclaffe. Les jeunes de la table voisine la dévisagent, et l'un d'eux lui sourit avant de s'en aller choisir ses tubes de peinture.
Romy : Ce n'est pas un cendrier. Tu verras !
Jim : D'accord. Si tu veux des idées, il y a un book, et tout un jeu de pochoirs, sur la commode de l'entrée.
Romy : Oui, je sais, la gérante nous a tout expliqué.
Jim : Alors, en avant l'artiste !
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Ragdoll Lovers
ChickLitJuste avant sa dernière rentrée scolaire, Romy est embauchée en tant que pet sitter. Le propriétaire du chat à garder, Jim, qu'elle n'a jamais vu, lui a donné toutes les indications nécessaires avant de partir pour une conférence à l'étranger. Ell...