Romy a lu et relu le dernier message de Jim. Son VRAIMENT de lettres majuscules est là pour insister, mais pourquoi ?Au réveil, elle lui a répondu un smiley souriant et un : « J'apprécie aussi nos discussions », un peu sage, ne sachant pas bien comment se positionner. Lui avouer qu'elle attend impatiemment ses messages est, bien sûr, impensable. Lui demander une photo encore moins, elle se demande comment il le prendrait. Elle a également relu le passage du « Vous êtes mignons tous les deux » lorsqu'elle s'est montrée en selfie avec Sully, pendant sa randonnée au chaos du Gouët.
Elle a enchaîné avec une photo de Sully, baillant la gueule grande ouverte, pour dire qu'il avait sûrement passé une sale nuit comme son maître à l'autre bout du globe.
Pour une raison qui lui échappe, Romy sent que son moral n'est pas aussi joyeux que les autres jours. Après quelques échanges avec Paco, ce dernier se décide à l'appeler en FaceTime.
‒ Romy, tu vas quand même pas nous faire une déprime d'été ? Qu'est-ce qu'il se passe ?
‒ J'en sais rien... Je me suis réveillée comme ça ! Sympa, ton blond californien ?
‒ Merci. Bon, aux grands maux, les grands remèdes : apéro tiiiime !
Les deux amis se préparent donc, chacun à distance, le même plateau avec chips, olives et boisson.
‒ On est assorti !
‒ Je ne bois pas du soft, moi !
‒ Étonnant...
‒ Santé !
Sully s'est approché de la table basse, d'abord intrigué par le téléphone posé contre le vase et duquel sort l'image et le son d'un Paco très animé. Puis il s'en détourne, attiré par l'odeur des olives.
‒ Non, bébé, Sully, viens sur moi. Tu vas mettre des poils partout...
Elle le porte délicatement, mais Sully a une idée fixe : il continue de humer en direction des fruits verts.
‒ Ah oui non mais ça, ça les rend dingues !
‒ Je vois ça... Surtout que d'habitude, il se fout de ce que je mange.
‒ Qu'est-ce qu'il est beau ! Mais le sait-il ?
‒ Probablement. Il se poste tous les soirs devant la baie vitrée. On pense qu'il observe son jardin, mais en fait il mate son reflet.
‒ Miroir magique au mur...
Romy repose Sully, non sans avoir laissé un ou deux baisers sur son front.
‒ Quoi de neuf chez toi ? demande-t-elle en piochant dans les chips.
‒ Avec Idriss, c'est comme avant. Je pense qu'il était juste plus pudique chez ses parents.
‒ Oh, tant mieux !
‒ Ouais, j'avoue j'ai psychoté pour rien.
‒ Je serai hypocrite de t'en blâmer.
‒ Tu en sais plus sur Jim ?
‒ On parle pas mal, en fait. Il a l'air vraiment cool, j'avoue.
‒ Depuis quand tu dis « cool » ? Tu kiffes un fantôme ? Oh, là, là, je savais que toi et tes livres, ça allait te faire fantasmer des choses !
‒ Bah, quoi, et alors ? C'est bien aussi d'être charmé par l'esprit d'une personne.
‒ Tant qu'on n'a pas vu... Vas-y, faut que tu lui demandes une photo !
‒ Ouais, je sais pas... Je vais bientôt le voir.
‒ Ah, Roro... T'es sortie un peu, au moins...
Paco baragouine quelque chose qu'elle n'entend pas.
‒ Quoi ?
‒ Je te demande si tu es sortie de cette maison pour prendre l'air, voir des choses, ou j'oserai même espérer : des gens !
‒ C'est quoi cette bosse sur ta lèvre supérieure ?
‒ Un noyau d'olive. Je veux pas le mettre sur ma table, c'est crado. Flemme de me lever pour la poubelle.
‒ Alors c'est mieux de faire comme les hamsters ?
‒ Les hamsters, c'est dans les joues qu'ils stockent leurs graines.
Il coince un nouveau noyau entre sa lèvre et sa gencive.
‒ T'es un phénomène... pouffe Romy.
‒ C'est très technique. C'est tout un art de stocker des noyaux et de manger une olive en même temps. Mais ça ne m'étonne pas, je suis doué avec ma bouche, et c'est Idriss qui...
‒ J'ai compris, merci ! N'empêche, t'as une tête chelou, on dirait... un chameau.
‒ Rigole ! Essaie, pour voir !
‒ Je suis civilisée, j'ai un Sopalin pour poser mes noyaux.
‒ C'est la conversation la plus strange qu'on ait eu, Roro... Non, mais vas-y, chiche, celui qui se fout le plus de noyaux !
Romy croque une olive, libère la chair qu'elle avale et isole le noyau en le poussant avec sa langue derrière sa lèvre et contre sa gencive.
‒ Ouais, tu te fais chier pour rien !
‒ J'en ai cinq en même temps-là.
Romy l'observe en vidéo.
‒ Okay, j'essaie de te battre.
Elle enchaîne les olives et cale cinq noyaux.
‒ Ça fait mal... tente-t-elle de dire.
‒ Alors, comment s'est passée cette chirurgie, Melinda ? demande Paco dans un acting de télénovelas.
‒ Je crains que les points de suture ne sautent avec cette bouche de canard, répond-elle en jouant le jeu.
L'un des noyaux tombe de sa bouche alors qu'elle rit. Sully se précipite dessus et, se l'envoie, d'une patte à l'autre, en frétillant de la queue et en avançant vers l'entrée.
‒ Le chat joue avec !
Au téléphone, Paco s'esclaffe, crachant tout le contenu de sa bouche. Romy rattrape Sully. Il est prêt à bondir sur le tapis de l'entrée, ou sa proie reste immobile. Romy ramasse le noyau. Les yeux noirs de Sully suivent sa main, quand soudain, on frappe à la porte.
‒ Romy ? C'est Morgan !
Elle ouvre d'elle-même, oubliant le renflement de sa lèvre supérieure. Il la regarde, stupéfait, avant qu'elle ne crache dans le pot de bégonias.
‒ Qu'est-ce qui t'amènes ? demande-t-elle avec nonchalance, comme si de rien n'était.
Morgan se reprend :
‒ Euh, je prends mon quart à la boutique de ma mère, cet après-midi. Si tu veux voir pour changer ton chapeau, j'ai des modèles qui pourraient te plaire.
‒ Oh, eh bien... oui, c'est gentil, je passerai, alors. Vers 14 heures ?
‒ C'est noté. A tout' !
‒ Oui, à tout'...
Romy rentre et referme la porte, se demandant ce qu'il doit bien lui trouver. Sur son écran, Paco est tout sourire, les bras croisés, dans une position de conspirateur :
‒ C'est lui, Morgan ?
‒ Je te vois venir.
‒ Attends, meuf, le fermier BG vient te chercher, toi la touriste, pour un chapeau, et tu ne vois pas les signes ? Mais, fonce, bordel ! Je serais déjà dans son pieu, à ta place !
‒ T'es si prévisible, Paco !

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Ragdoll Lovers
ChickLitJuste avant sa dernière rentrée scolaire, Romy est embauchée en tant que pet sitter. Le propriétaire du chat à garder, Jim, qu'elle n'a jamais vu, lui a donné toutes les indications nécessaires avant de partir pour une conférence à l'étranger. Ell...