Troisième chapitre. [Des]astres (1)

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Romy se réveille, attirée par le plumeau qui émerge au bout du lit. Tel un périscope, la queue de Sully navigue jusqu'à elle. La truffe rose apparaît, puis les moustaches et le corps tout entier.

‒ Bonjour bébé chat ! Tu vas bien ?

Sully roucoule, se laisse tomber sur le côté puis commence à marquer le sommier avec ses griffes.

‒ Oh non ! Pas le lit !

Romy s'est contorsionnée jusqu'à lui, et constate que Sully n'en est certainement pas à sa première œuvre. Des filets de mousse s'échappent du tissu troué par les griffes aiguisées. Ça fait tâche dans cette chambre élégamment décorée.

Sully se remet sur ses pattes et quémande sa gamelle.

‒ J'arrive, j'arrive !

Baillant plusieurs fois, Romy ouvre les volets. C'est encore une belle journée d'été, elle est obligée de fermer les yeux. Claquettes aux pieds, elle se dirige vers la buanderie, repérant le meuble au post-It vert : le garde-manger de Sully.

Deux pots de croquettes plus tard, Sully se lèche les babines et Romy savoure son thé du matin. Elle se sent définitivement très bien dans cette maison. Si Sully n'était pas encore un peu méfiant, on pourrait croire qu'elle est chez elle. Elle profite de ce petit-déjeuner paisible pour consulter ses messages :

Bonjour Romy,

Ravi de vous savoir bien arrivée. Je suis rassuré que Sully trouve en vous une bonne compagnie. Comme je vous disais, il n'est pas compliqué et sera vite affectueux, c'est propre à la race. Je vous laisse découvrir ses autres qualités.

Pendant que j'y pense, peut-être pourrions-nous se tutoyer, si ça ne vous dérange pas ?

Merci pour la photo, Sully me manque à chacun de mes déplacements.

Pour ce qui est du paiement, j'ai vite senti que je pouvais vous/te faire confiance. Ça ne s'explique pas, c'est juste l'intuition.

Bonne journée à tous les deux,

Jim.

Romy apprécie la délicatesse qu'elle devine à travers ses mots. Elle se demande l'âge qu'il peut avoir. La décoration de sa maison est dans les tendances du moment : des couleurs claires, proches d'éléments naturels, des tapis, des lustres design. Probablement un quarantenaire. Sans enfant ni partenaire de vie à domicile. Elle n'a vu aucune affaire de femme parmi les étagères de la salle de bain. Ni d'un autre homme, puisque rien n'est en double. 

Tout en croquant dans une pomme, Romy rédige d'un doigt :

Tout en croquant dans une pomme, Romy rédige d'un doigt :

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La réponse de Jim ne se fait pas attendre. Elle la reçoit alors que son bol de céréales est encore plein :

Romy,

C'est vrai qu'il est souvent confondu avec un Sacré de B. Il est quand même d'un plus grand gabarit. Il fait partie des chats moyens.

Des photos et vidéos régulières me feront le plus grand bien.

Je retourne à ma conférence, la pause est terminée.

Jim.

Romy l'imagine, sûrement en train d'écraser une cigarette et revenir dans un amphithéâtre blindé de chercheurs et autres universitaires. Elle sent qu'elle parle avec un érudit. Savoir écrire est une chose, mais avoir été demandé en Chine pour donner une conférence sur la traduction de textes du Moyen-Âge, c'en est une autre. C'est preuve que c'est un ponte dans son domaine. Elle sent sa curiosité monter en flèche. A quoi peut-il bien ressembler ? 

Jim est un prénom doux. Jim a une belle maison, décorée avec soin, dans un petit coin paisible en bord de mer. Jim a un chat magnifique. Et Jim parcourt le monde pour transmettre ses enseignements. Et ça, les hommes de goût et de grande intelligence, Romy a toujours trouvé cela très sexy... 

***

A tout début de séjour, il y a ce passage obligé par le supermarché de proximité. Romy ne sait pas pourquoi, mais elle a mis un temps fou à décoller de la maison. Faut dire que le dilemme se posait : fallait-il ou non commencer à déballer sa valise à livres ? Fallait-il ou non faire l'inventaire de la bibliothèque de Jim en tout premier lieu ?

Le problème, et elle ne se connaît que trop bien, elle y aurait passé au moins une heure. Sauf que faire des courses sur l'heure du rush, non merci !

Romy a donc chaussé ses baskets et, après avoir bien vérifié que Sully dormait paisiblement sur le canapé, elle s'en est allée sur le chemin des douaniers. Jim lui avait conseillé ce bon plan, parmi les adresses utiles durant son séjour. Il lui conseillait de garer sa voiture sur le parking des mouettes. Il était quasi désert. 

La route vers le bourg n'est qu'à une vingtaine de minutes de marche, et les quelques emplettes dont elle a besoin tiendront dans son sac à dos sans problème. 

La Bretagne a décidément bien des trésors à offrir à ceux qui foulent ses sentiers. Un camaïeu de bleus et de verts s'entremêlent entre terre et mer.

Elle prend plusieurs photos qu'elle poste en story, puis remarque une nouvelle notification de message

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Elle prend plusieurs photos qu'elle poste en story, puis remarque une nouvelle notification de message. 

Jim :

C'est bon, tu as trouvé la supérette ?

Romy :

J'y vais de ce pas, je suis sur le bord de mer.

Elle remet son téléphone dans la poche arrière et poursuit sa route. En contrebas, serviettes, ballons, pelles, parasols et maillots de bain colorent la plage. Elle ne s'attarde pas plus longtemps. Elle veut atteindre le supermarché pour s'acquitter au plus vite de sa tâche. Rejoignant la ruelle bétonnée qui la fait sortir des dunes, elle repère l'église, et à sa gauche, un magasin flambant neuf. Elle ressort son smartphone pour vérifier sa courte liste de courses. Elle se retient d'aller lire la réponse de Jim. Pourquoi échanger avec lui attise autant sa curiosité ?

Dans les allées, peu de clients. Touristes et habitants se croisent, par-dessus les étales de légumes ou au-devant du rayon des Kouign-amanns. 

Romy est organisée. Dans cette petite surface proprette, elle a repéré les différents rayons et suis un circuit cohérent. En moins de quinze minutes, elle est déjà en caisse, le tapis plein de produits pour ses petits-déjeuners de la semaine, les céréales laissés chez Jim n'étaient pas terribles, et au moins trois repas.

S'il y avait eu une librairie, ça n'aurait pas été la même !

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