Seizième chapitre. Reste encore (2)

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Jim est bien plus présentable. Après cette mise au point avec Romy, et une douche relaxante, ses traits sont plus détendus. Il a passé un sweat gris bleu et un doux parfum de bergamote et de poivre ponctue ses gestes.

Romy en a eu marre de tergiverser. Elle a accepté son invitation, manifestant son désir de ne pas prendre la route trop tard. Elle a proposé de conduire, au vu de la fatigue de Jim et se disant qu'elle n'aurait qu'à le redéposer chez lui avant de rentrer. Ça la rassure de savoir toutes ses affaires rangées dans son coffre, sans plus de lien matériel avec la maison de son professeur.

Jim a choisi une crêperie bretonne toute simple, dans une rue de village peu fréquentée. Pourtant, la salle est pleine. La décoration est surannée, les tables de bois ont vécu – Romy passe son index sur la forme ronde d'un verre fantôme – mais on sent battre le cœur de la Bretagne dans les assiettes, les yeux et les conversations.

Ni Jim, ni Romy, ne tentent de cacher leur gêne. Se retrouver face à face, pour la première fois, n'est pas d'une grande aide, ni la serveuse qui leur a lancé du :

‒ Qu'est-ce qu'ils veulent, ces mignons ?

Après avoir passé commande, leurs deux bolées de cidre s'entrechoquent.

‒ Santé ! Ça va ou tu préfères aller ailleurs ? Un resto, c'était peut-être trop tôt ? demande Jim.

‒ Non, ça va.

Romy fait signe de se détendre, soufflant un bon coup, et sortant un vibrant :

‒ On croirait une collégienne ! Ça va aller. On est entre adultes, on se connaît un peu, c'est bon, on peut passer un repas ensemble !

Il lui sourit et propose de trinquer. Pour la jeune femme, c'est toujours autant irréel. Moins de deux heures avant, elle voulait fuir, et la voilà, dînant avec lui.

‒ Alors, Jim, tu faisais les allers retours chaque fois entre l'université et la Bretagne ? demande-t-elle bien décidée à ne plus laisser de silence malaisant.

‒ Non, j'avais droit à un logement en colocation avec un autre prof, à quelques minutes du campus. Je ne revenais que le vendredi.

‒ Tu crois que ça a joué dans la vie de ton couple ?

‒ Comment ça ?

‒ J'ai compris que tu étais avec quelqu'un, puis que tu t'étais séparé.

‒ Oui, mais c'était compliqué avant ça. J'étais déjà célibataire quand je suis revenu ici.

‒ C'est une maison de famille, donc ?

‒ Oui, ma maison d'enfance. Elle a changé, mes parents ont fait beaucoup de travaux, quand ils l'ont racheté au fermier. Ça faisait partie de la parcelle du voisin, à l'époque de mes grands-parents.

‒ Ils sont encore en vie ?

‒ Mes grands-parents ? Non. Et mes parents se sont séparés après leur retraite. Mon père a voulu vivre en ville, toujours en Bretagne. Et ma mère est en Lorraine, là où elle a une sœur et des cousines.

‒ C'était un rêve, de revenir dans cette maison ? Elle a l'air si cosy, on sent que tu y a mis ton âme.

‒ C'est une opportunité, plutôt. Je rêvais de revenir en Bretagne, mais, plus jeune, j'aurais préféré aller en ville, comme mon père. Et finalement, ça a changé. Quand mes parents ont voulu la mettre en vente, ils m'ont demandé si j'étais intéressé, puis ça c'est fait, comme ça. Et je crois que tout le monde est heureux. Mon père et ma mère aiment revenir me voir dans leur ancienne maison.

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