Alors qu'elle remonte l'allée de la maison en première vitesse, Romy remarque Morgan, assis sur les marches du perron.‒ Faudrait passer la seconde, si tu ne veux pas que ta bagnole tombe en rade ! conseille-t-il alors qu'elle descend de sa voiture après un stationnement à l'arrache.
‒ Salut ! Tu m'attendais ? demande-t-elle en ouvrant le coffre.
Pour réponse, il se lève et vient l'aider.
‒ Je te remercie, mais c'est bon, je n'ai que deux sacs.
Romy extirpe les cabas en toile, qui débordent, entre autres, de légumes, gâteaux, bouteilles et sachets de pâtes.
‒ Tu vas te casser le dos, laisse !
Mais elle lui passe devant en direction de la porte d'entrée.
‒ Je gère, je t'ai dit. Par contre, je veux bien que tu fermes le coffre, merci !
Alors qu'elle entre dans la maison, Sully accourt en miaulant, se frottant contre les sacs et les pieds de Romy, et ignorant le claquement à l'extérieur. Lorsque Morgan les rejoint, le chat lève ses moustaches, intrigué.
‒ Eh bien, la boule de poils, ça va ? Dis, Romy, on dirait que tu es comme chez toi ! C'est joli ici !
‒ Je m'y sens bien, c'est vrai.
Elle retire ses baskets d'un mouvement de pied puis ramène les sacs dans la cuisine.
‒ Tu peux venir, t'inquiète ! claironne-t-elle. Non, garde tes chaussures !
Le jeune homme s'exécute et la retrouve devant le plan de travail. Romy semble vérifier le contenant de son butin, tout en nouant une queue de cheval. La lumière du soleil, comme un projecteur dans la pièce, donne à son haut des allures de barbe-à-papa.
‒ Je suis en off aujourd'hui et je voulais savoir si ça te disait de sortir pour boire un pot. Mais d'abord, tout se passe bien, tu n'as besoin de rien ?
‒ C'est prévenant de ta part. Mon séjour se passe à merveille.
Romy fait mine d'être très concentrée dans le décompte de ses conserves, et tout en prenant un air nonchalant, ajoute :
‒ Eh bien, je devais ranger des choses, et brosser le chat...
Romy hésite. La demande de Morgan l'impressionne plus qu'elle ne l'aurait pensé. En déposant un paquet de yaourts dans le frigo, elle constate le calme de Morgan, en appui sur le lave-vaisselle, ses yeux aussi bien magnifiés par le soleil que par son sweat azur.
‒ Ça peut n'être que pour une petite heure, mais j'oblige à rien. Si ça te dit pas, ce n'est pas grave.
‒ Oh, non, c'est pas ça, ça me ferait plaisir, histoire de faire encore un peu plus connaissance mais...
Sully vient sauver du malaxage obstiné le berlingot de savon de Marseille qu'elle tient entre ses mains.
‒ Mais, c'est nouveau, ça ! Bébé Sully, qu'est-ce que tu fais sur le plan de travail ?
Elle a spontanément pris une voix plus enfantine, et rougit devant Morgan qui ne montre rien de ses pensées.
Romy pense à ce que Paco lui dirait. Puis, finalement, se demande ce que Jim en penserait. Dans tous les cas, il est temps d'agrandir les parois de sa coquille. Autant profiter de ses presque vacances, et prendre l'air.
Heureusement pour elle, Sully, sous ses yeux, peut-être un merveilleux rempart.
***
Sur le port, plusieurs touristes tournent la tête au passage de Romy et Morgan, accompagné par le beau chat en laisse. Ce drôle de nuage sur pattes slalome sans autre but que de marquer son territoire. Mais la jeune femme n'y fait plus vraiment attention, d'autant plus qu'elle se démène avec son cornet dont la glace vient lécher les bords comme une bougie fondue.
Le feu ou la glace, Romy se demande encore de quel bois elle est faite.
‒ T'as l'air en PLS, là... Laisse-moi prendre Sully.
Morgan lui ôte la poignée de la laisse de la main, permettant à Romy de récupérer sa serviette et de limiter les dégâts.
‒ Merci... On dirait quand j'étais petite. Mes parents m'exhortaient toujours à dévorer ma glace. Une fois sur deux, ça finissait sur la robe, ou sur la banquette arrière de la voiture. On pourrait croire qu'à la vingtaine ce serait mieux, mais non !
‒ Tu manques encore de pratique.
‒ Tu as littéralement englouti la tienne. Il n'y a rien d'humain dans ta bouche ! Enfin... je voulais pas sortir ça comme ça.
Morgan libère un rire franc.
‒ J'ai de l'expérience, tout est dans le coup de langue.
Pendant quelques secondes, Romy n'ose plus toucher à sa glace, ni réagir à son affirmation.
‒ Ce chat est une star, regarde-le comme il défile fièrement.
Sully, droit sur ses pattes, la queue bien dressée, gambade en suivant une ligne devant lui.
‒ On dirait un chien. C'est pour ça que les gens le regardent autant.
‒ Ça, et son pelage, ses yeux bleus, sa petite truffe rose trop mignonne.
‒ J'en connais une qui est tombée amoureuse.
‒ Oui, probablement.
VOUS LISEZ
Ragdoll Lovers
ChickLitJuste avant sa dernière rentrée scolaire, Romy est embauchée en tant que pet sitter. Le propriétaire du chat à garder, Jim, qu'elle n'a jamais vu, lui a donné toutes les indications nécessaires avant de partir pour une conférence à l'étranger. Ell...