Ragdoll Lovers

Dixième chapitre. Dans le chaos (1)

Agacement et sommeil ne font pas bon ménage. Romy s'est retournée plusieurs fois dans ses draps, cherchant le sommeil, sans y parvenir. Sully avait vite abandonné l'idée d'un roupillon calme et avait rejoint sa bannette au salon, loin de toute cette agitation. 

Romy avait chaud, mal à l'aise dans cette moiteur. De temps à autre, elle vérifiait son smartphone, mais son interrogation restait sans réponse.

Romy : Je croyais que tu ne le connaissais pas ?

La nuit a ce pouvoir étrange de vous dépouiller et d'exacerber vos pensées. Les doutes de Paco, ce silence de la part de Jim, et cette mise en garde contre Morgan alors que les deux hommes ne sont pas censés se connaître, Romy se trouve dépassée par la situation !

La matinée suffisamment avancée, les volets ne sont pas efficaces contre le jour, et Romy émerge enfin. Elle s'étire maladroitement et Sully débarque d'un coup, sautant sur le lit et réclamant son attention. Il lui donne des coups de tête sous le menton, et zigzague entre ses jambes.

‒ Je suis explosée, baille-t-elle.

Il n'en a que faire et poursuit ses miaulements et ses coups de tête. Romy se lève difficilement et verse un pot de croquette dans sa gamelle.

‒ Tiens, il ne faut pas que j'oublie d'aller récupérer ta nouvelle gamelle. J'espère qu'elle te plaira. 

Le beau ragdoll dévore quatre croquettes, pour finalement se remettre sur le dos et ronronner. Romy récupère son smartphone sur la table de chevet. Jim lui a répondu, quelques heures plus tôt, lorsqu'elle avait enfin réussi à s'endormir.

Jim : Je ne le connais pas à proprement parler, tu as raison.

A vrai dire, c'est même un peu stupide de ma part, puisque je ne m'appuie que sur les dires de Stacy, l'ancienne nounou de Sully.

La situation semblait déjà bien moins préoccupante à la lumière du jour, mais avec cette réponse, Romy se sent d'autant plus stupide. Elle s'était fait une montagne d'un rien.

‒ Ça m'apprendra à lire des livres ! 

Romy : Ah, d'accord.

Il a été serviable avec moi, en tout cas. Et s'il devait être mauvais, je saurais me défendre.

Jim : Tu es une adulte, c'est vrai. Une femme éclairée.

Désolé si je t'ai semblé bizarre. Je me suis dit qu'il n'y a pas de fumée sans feu, et Stacy m'avait raconté des choses, et elle n'est pas du genre à cancaner. Mais les gens sont parfois différents avec d'autres. Bref, je m'occupe de ce qui me regarde.

La jeune femme se demande s'il n'y aura pas là un soupçon de jalousie, avant de se rappeler que son goût pour les choses qui n'existent pas lui a déjà joué des mauvais tours.

***

Dans cette forêt, le soleil infuse ses rayons de menthe. Elle s'est fait violence pour sortir, d'autant plus que Sully n'avait pas été à l'extérieur la veille.

Lorsqu'elle était allée récupérer son œuvre à l'échopoterie, elle avait attendue que la gérante installe son groupe. Sur le comptoir, un des dépliants vantait les plus beaux sites du coin. 

Voilà qu'elle promenait donc Sully dans le Chaos du Gouët, pour une balade le long d'une rivière, où d'énormes roches granitiques étaient disséminés. La fraîcheur de l'eau et du couvert des arbres étaient grisants, il faisait exceptionnellement chaud en plein soleil. Dans la Clio, elle fondait. 

Romy se demande si elle n'est pas allée jusqu'en forêt de Brocéliande. Dans cette partie du parcours, elle est seule, avec Sully pour petit farfadet qui saute d'une pierre à l'autre, comme s'il était chez lui et qu'il lui montrait le chemin. Une aura magique se dégage de ce paysage de rochers gisant dans l'eau et sur les berges.