Ragdoll Lovers

Dixième chapitre. Dans le chaos (2)

Le smartphone sur la table basse fait vibrer le verre. Romy s'est endormie au pied du brasero, dans le fauteuil du jardin. Il fait nuit et la température a bien chuté. Elle consulte son portable, c'est un nouveau message de Jim. 

Jim : Pas trop épuisée par la marche ?

Romy : Je ne pensais pas, et finalement, j'ai piqué du nez sur mon chapitre. Et toi alors ? Il est super tôt chez toi !

Jim : Impossible de me rendormir après 5 heures. Je vais aller courir un peu.

Romy : L'horreur...

Attends, j'ai oublié d'arroser les hortensias. Je reviens dans 5 min.

Romy décroche l'arrosoir et le cale sous la pompe à eau entourée de chèvrefeuille. Pendant qu'elle actionne le bras mécanique, elle remarque Sully derrière la baie vitrée. Il miaule mais elle ne peut entendre aucun son à travers la fenêtre. 

‒ J'arrive, bébé !

Elle lui envoie des baisers invisibles, mais il ne voit qu'une drôle de jeune femme avec la bouche en cul de poule. 

Les lampes à LED sur la bordure du bosquet s'illuminent sur son passage, jusqu'à rendre les hortensias d'un bleu violet incandescent. Après un bon arrosage, elle revient dans la maison et ferme les volets. Sully tourne autour d'elle et réclame des caresses. Il est si excité qu'il se met sur le dos en grattant le tapis, en extension complète de la colonne vertébrale. Elle caresse ses pattes.

Romy : Jim, j'ai l'impression que les coussinets de Sully sont un peu abîmés. Ils sont moins lisses et moins rose.

Jim : J'ai de l'huile exprès pour ça. Tu peux lui en mettre au retour des promenades. Pas besoin d'en mettre beaucoup, sinon tu vas te retrouver avec des traces de gras dans la maison.

Romy se demandait bien à quoi pouvait servir l'échantillon d'huile dans son coffre en bois. Elle imaginait que c'était plutôt pour faire glisser les boules de poils...

Elle commence à lui masser les coussinets. Il semble habitué, il ronronne. Décidément, ce chat est un prince ! Il a une meilleure vie qu'elle !

A minuit trente, Romy cède et se couche avec plaisir dans le grand lit de Jim.

Romy : Extinction des feux ici. Et je ne pense pas qu'il y aura d'insomnie.

Et toi, là-bas, c'est comment l'ambiance ? Je ne connais pas du tout la Chine.

Jim : Repos mérité, soldat !

C'est assez urbanisé, moins calme que chez moi. Mais on s'est baladé plus loin dans les terres et c'était apaisant. Et j'ai trouvé un parc où courir qui est très beau, avec des arbres centenaires hauts comme des buildings.

Romy : C'est qui « on » ?

Jim : Jalouse ?

Romy : Euh, non. Désolée, je posais juste la question.

Jim : Je déconne.

C'est deux confrères qui intervenaient la première semaine.

Romy : D'accord.

Jim : En tout cas, chaque fois que je pars à l'étranger, ça me fait réfléchir. Je trouve que ça ouvre l'esprit et que ça donne de nouvelles perspectives. J'adore ça.

Romy : Je comprends. J'ai voyagé un peu et ça me met dans le même état. Je reviens toujours avec plein de projets et de résolutions.

Jim : D'ailleurs, en parlant projet. Tu veux être prof, c'est bien ça ?

Romy : Mes études m'y conduisent, oui.

Jim : C'est une belle vocation ! Je suis certain que tu seras excellente.

Romy : On verra...

Jim : Je ne te sens pas emballée.

Romy : Je ne sais pas... C'est un chemin un peu facile, que j'ai toujours suivi. Mais plus l'échéance approche, plus je m'étonne de ne pas être autant excitée que ça. Et, en même temps, qui est réellement emballé par son taf ? Tout le monde parle de sa routine et attend ses vacances impatiemment.

Jim : Pessimiste... T'as jamais eu de métiers ou d'idées de rêve ? Si t'avais tous les moyens, là tu ferais quoi ?

Romy : Réaliste, non ?

Dans un monde parfait, j'aimerais créer un endroit particulier pour tous les amateurs de romans, mais aussi pour attirer les jeunes et les moins jeunes à aimer la lecture.

Jim : Etonnant ! IJBOL.

Et plus précisément ?

Romy : T'es bien le premier à qui je le dis...

Jim : Je me sens honoré. Merci.

Romy : Ce serait de trouver un terrain ou une structure assez grande, qui serait démontable et donc possible à emmener sur les routes pour s'arrêter dans chaque région. Admettons... je ne sais pas... elle resterait un mois dans un endroit, comme une foire. Et ce serait de reprendre l'idée d'un parc à thème, avec différents univers en fonction des genres littéraires. Et le lieu serait un décor en lien avec ça. Mais pas cheap, un truc qui claque. Et dans tous ces univers, il y aurait des librairies, des bibliothèques, des restaurants, un mini-hôtel eco-friendly, en mode tiny houses. Et pour que ce soit encore plus vivants, en région, faire intervenir des locaux qui sont dans le domaine, des écrivains, des agents littéraires, des illustrateurs, pour faire des ateliers et donner des conférences.

Jim : Passionnant et ambitieux. Avec des fonds et des partenaires clés, ça pourrait être parfait. En plus, et je parle en tant que professionnel, ça pourrait faire reculer les problèmes de lectures chez les adolescents.

Romy : Ah oui, t'y crois ?

Jim : T'as jamais pensé à faire une communication ou un appel à financement ? Tu devrais !

Romy : Il y aurait tellement à travailler. Sans parler du business plan...

Jim : A cœur vaillant, rien d'impossible !

Romy : Je veux voler depuis que j'ai vu Hook avant mes dix ans, et je peux te dire que malgré toute volonté, je n'ai jamais réussi, sauf dans mes rêves.

Jim : ah ah. Bon allez, je te laisse.

Romy : Bonne nuit.

Euh, bon footing.

Jim : Bonne nuit.

Une heure plus tard...

Jim : Tu sais, j'aime VRAIMENT parler avec toi, Romy.

***

Eh bien, Romy prend l'air et voilà que Jim se fait un peu plus bavard ;)

J'espère que vous appréciez votre lecture.

Des amateurs de promenade par ici ? Vous connaissiez le chaos du Gouët ?