Douzième chapitre. Nuit enchantée (1)

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Le jour tombant donne au ciel des allures de champs de lavande. Romy gare sa Clio sur le bas-côté, en bordure d'un jardin de plusieurs hectares. Une dizaine de voitures y sont déjà rangées, en file indienne. La maison de Léa est en vue, éclairée par les lanternes disposées sur la terrasse en bois. 

Romy reste dans la voiture. Elle ne se sent pas capable d'en descendre si vite. Entrer chez Léa, découvrir de nouvelles têtes et faire la discussion, c'est tant d'efforts. Quelle idée de vouloir sortir de sa zone de confort ! Elle consulte son téléphone, gagnant quelques minutes de répit. 

Jim : Bonsoir, Romy, et merci pour la photo de Sully.

Insomnie quand tu nous tiens...

Que fais-tu de beau de ta soirée ?

Romy : Je vais à une fête d'anniversaire.

Jim : Ah oui ? De qui ? Désolé, je fais encore mon curieux. Je ne savais pas que tu connaissais quelqu'un du coin.

Romy : Non, c'est Léa, une fille que j'ai croisée plusieurs fois.

Jim : Ok.

Il y aura du monde ?

Romy : Des amis, à ce que j'ai compris.

Jim : Ok. C'est chouette, tu profites de ton séjour breton. Pour la timide que tu décris, c'est un grand pas !

Romy : Oui, eh bien, pour être franche, j'espère que je ne vais pas m'ennuyer.

Jim : T'as pas pris un livre ? ^^

Si tu t'ennuies, tu repars et puis c'est tout !

Romy : Oui... c'est sûr...

Elle le sait écrire un message de réponse, mais finalement c'est un tout petit texte qui en sort :

Jim : Sois sage, Romy;)

La jeune femme n'a pas vraiment menti, elle a simplement évité de préciser que Morgan s'y trouvait. 

Dans le rétroviseur, elle vérifie sa coiffure, plus pour repousser la sortie de voiture qu'autre chose. Ses mèches sont retenues par une barrette de perles à l'arrière de sa tête alors que le reste de ses cheveux dévalent son dos. 

‒ Toc, toc ! Il me semblait bien avoir reconnu ta voiture !

‒ Morgan, j'ai failli faire une crise cardiaque ! 

Le jeune homme, sous les traits d'un Van Gogh sexy, lui sert un sourire ravageur. 

‒ Tu me guettais, ou quoi ? demande-t-elle en ouvrant la portière.

Sous la soie légère d'une longue robe vert de jade, une combinaison couleur chair se devine. Des ailes transparentes aux contours argentés retombent avec souplesse sous ses cheveux. 

Morgan a été d'une aide précieuse pour ce costume digne des contes de fées. 

‒ Tu es magnifique, dit-il en offrant son bras. 

Elle accepte ce contact et ils entrent ensemble dans la maison de Léa. 

Les gens sont déjà déchaînés, à parler, rire, et jouer entre jardin, terrasse et intérieur. Une table de ping-pong trône dans le salon, accaparée par un groupe bruyant d'où s'extirpe Léa.

Son look est assez proche de celui de Romy : une longue robe, vaporeuse, également semi-transparente, et de longues mèches libres avec quelques fleurs blanches dans les cheveux. Elle serait de toute beauté, si quelque chose dans son expression n'était pas si mesquine.

‒ Salut, t'es en quoi ?

‒ Titania. La reine des fées dans le Songe d'une nuit d'été. Et toi ?

‒ Je suis la personnification du printemps de Mucha. Bon, amuse-toi bien, fais comme chez toi ! Je peux te parler, Morgan ?

‒ Euh, maintenant ?

‒ Oui, allez, viens !

Le jeune homme s'excuse auprès de Romy et rattrape Léa. La jeune femme se retient de consulter le téléphone qu'elle garde dans sa sacoche et décide de faire le tour du propriétaire.

‒ Ce ne sont que des jeunes comme toi... se murmure-t-elle pour se donner du courage. 

Elle se voit de l'extérieur et se doute que Paco se moquerait bien d'elle. Romy constate que certains des invités ont fait le minimum d'effort, ou alors sont déjà torse nu, subissant trop la chaleur de cette soirée de canicule. Certains des hommes auprès de qui elle passe la dévisagent. Elle leur fait un signe de tête et l'un d'eux lui sourit avec un peu trop d'insistance pour qu'elle ne s'attarde. A l'extérieur règne aussi une certaine exaltation, sur un fond de musique pop. Quel inconfort d'arriver dans un endroit où tout le monde se connaît !

‒ Bonsoir, moi c'est Mylène. Et toi ?

Une jeune femme déguisée en Joconde lui serre la main.

‒ Romy.

‒ Sympa, t'es la fée de quel conte ?

‒ D'une pièce de Shakespeare.

‒ Ah... Et alors, tu connais Léa comment ?

‒ Je ne la connais pas vraiment. Je garde le chat d'un propriétaire dans le hameau voisin. À côté de la ferme des parents de Morgan. On s'est rencontrée comme ça.

‒ Ah... c'est toi, la citadine ?

‒ Euh... je suppose. 

‒ C'est bizarre.

‒ De ?

‒ Non, rien. Bon, je vais me resservir un verre. Tu en veux un ?

‒ Je veux bien un verre d'eau.

‒ Ah... je vais essayer de te trouver ça.

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