Chapitre 40: Ezia

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J'ai failli l'embrasser. Si elle ne m'avait pas repoussé, je l'aurais fait, et ça aurait été sans doute la pire erreur de ma vie.

Je fais les cent pas dans ma chambre. Je ne sais pas quoi faire. Si elle savait à quel point je suis en colère qu'elle soit sorti avec Jeremy. Au début, je pensais que j'étais furieux parce que mon meilleur pote était sorti avec ma rivale, mais maintenant... Je sais que je suis juste jaloux de lui. Je ne suis qu'une sous merde. On a franchi plusieurs limites ce soir, et ça ne doit plus jamais se reproduire. C'est de ma faute, je l'ai provoqué... J'avais besoin qu'elle soit en colère contre moi, mais j'ai échoué, et je nous ai laissé tous les deux dans un questionnement douloureux. Je suis une pauvre merde.

Je me laisse tomber en travers de mon lit, les mains sur mon visage. Si elle ne m'avait pas repoussé... Mes lèvres auraient rencontré les siennes. Il s'en ai fallu de peu... Pourtant une partie de moi éprouve du regret. Je sors mon téléphone. J'ai des messages de Mike.

Mike :

— Tu l'as tabassé le mec ?

— T'es toujours vivant ?

— Sérieux mec, réponds !

Il s'inquiète. Je vais lui répondre.

Moi :

— C'est bon. On a été enfermé dans la cave j'avais pas de réseau, mais on est sains et saufs. Je pense que l'autre a compris, auquel cas je lui referai le portrait.

Je repose mon téléphone à côté de moi dans le lit, mais il se met à vibrer. Mike m'appelle.

— Allô ?

— Ouais, comment ça enfermé dans la cave ? Le mec et toi ?

— Non, Jenny et moi, je lui répond froidement.

— Oula, ça va ? T'as pas l'air bien.

Je soupire et frotte mon visage. Je peux bien lui en parler, il a pas les antécédents, il a un regard neuf sur notre relation... De toute façon j'ai besoin de savoir si ce que je ressens est normal.

— On s'est battu, Jenny et moi.

— Dans la cave ?

— Mais non... Après, dans l'appartement.

— Ah... Et qui a gagné ? demande-t-il naïvement.

— Je crois qu'on a tous les deux perdu a vrai dire.

— Il va me falloir plus d'explication mon vieux, me dit-il sur un ton compatissant.

— J'avais pas envie de me battre avec elle, mais je l'ai quand même provoqué. Elle m'a giflé. Je l'ai laissé prendre le dessus, mais... Bref, j'ai failli l'embrasser.

Un blanc, puis je l'entends soupirer.

— Quoi ?

— C'était sûr ! s'exclame-t-il.

— Qu'est-ce qui était sur ?

— Une fille aussi belle, et un mec aussi stylé que toi, en cohabitation forcé, y a forcément une tension sexuelle qui se créé ! C'est normal !

— Oh t'es con... je souffle.

— Bah non, en plus vous vous connaissez depuis toujours, y a que toi qui connait aussi bien Jenny, et elle aussi, elle te connait, et même si vous prétendez vous détestez, je crois qu'en fait c'est plus complexe que ça, et que vous avez tous les deux choisi la facilité ! me dit-il avec un ton assuré.

— La facilité ? Comment ça ?

— C'est plus facile de détester que d'aimer, c'est moins engageant, moins douloureux.

Je reste muet, réalisant la portée de ses propos. Il m'épate par sa lucidité et sa sagesse.

— T'as lu ça où ? je lui demande, amusé.

— Sur un forum, mais je ne me plus souviens du topic.

J'éclate de rire. Je ne sais pas si c'est nerveux, mais ça me fait du bien.

Les jours se poursuivent, et Jenny et moi nous évitons comme la peste. Ce qui s'est passé, ce soir-là, n'aurait jamais dû se produire. J'ai joué au con avec elle, et maintenant, c'est encore plus bizarre qu'avant. Le fait qu'elle ne souhaite plus me détester, ce n'est pas anodin, et c'est surement de ma faute. Je ne lui ai plus donné aucune raison de le faire, car moi-même... Je ne pense plus pouvoir la détester.

Les cours se poursuivent, et même à la cafétéria, j'évite soigneusement de la regarder.

— Et pour l'équipe de ESport, vous avez trouvé un nom ? demande Jason.

— On a pensé à Rocket Killer... répond Chris, en soupirant.

Je les regarde parler, et essaye de m'intéresser à leur discussion. Une idée me vient alors.

— Je peux toujours m'inscrire ?

Ils se tournent vers moi, surpris. J'hausse les épaules, un peu nonchalant.

— Je croyais que ça t'intéressait pas ? s'étonne Mike.

— J'ai dit que j'y réfléchirai, et là j'y ai réfléchi.

— Il faut que tu ailles sur le site du campus, y a les formulaires dessus, m'indique Jason.

J'acquiesce, me promettant d'y aller plus tard. J'ai besoin d'une distraction, et de quelque chose d'engageant.

— Hé, Ezia !

Je me retourne, et la petite blonde s'assoie face à moi. Mike la regarde avec étonnement, perturbé par son culot.

— Qu'est-ce que tu me veux ?

— Je t'en envoyé des messages, tu ne me réponds pas, je t'ai invité au cinéma...

— Je vous ai toutes bloquées, c'était pour que foutiez la paix à Jenny, je lui dis, indifférent.

— T'es sérieux là ? elle se lève, et se penche vers moi, ses mains à plat sur la table.

Elle essaye vraiment de m'intimider là ? Je me redresse à mon tour, et je fais presque deux têtes de plus qu'elle.

— Je ne te dois rien... Je ne sais même pas comment tu t'appelles.

Je saisis mon plateau, et commence à contourner la table.

— Je m'appelle Jessica !

— Ca voulait pas dire que je voulais le savoir.

Je pose le plateau et quitte la cafétaria. Je sens des petits pas précipités derrière moi, puis une main qui attrape mon bras. Cette Jessica est bornée.

— Tu sais combien de mecs rêveraient que je m'intéresse à eux ? me demande-t-elle, en me forçant à lui faire face.

Je ne baisse même pas la tête pour le regarder. Je mets mes mains dans mes poches et courbe le dos, puis fait un rictus moqueur.

— T'as qu'à t'intéresser à eux dans ce cas.

— Ezia ! Sors avec moi !

Le fait qu'elle me l'ordonne rend la discussion encore plus grotesque. J'en ai tellement rien à faire d'elle que ça me désole pour elle. Je réalise alors que des étudiants sont dans le couloir et nous observent. Dans le tas, il y a Jenny. Elle a un visage impassible. Mon cœur se serre pourtant, et nos regards se croisent. Je soupire et masse ma nuque. Le fait qu'elle soit là me fait un peu perdre mes moyens. Je souffle, puis tourne les talons. Jessica insiste, mais je ne lui répond pas. C'est ainsi qu'elle se met à m'insulter. Et c'est ainsi que je continue à en avoir rien à foutre. 

Let's paint Apples (premier jet)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant