𝐋'𝐡𝐞́𝐫𝐢𝐭𝐚𝐠𝐞 𝐝𝐞𝐬 𝐦𝐚𝐮𝐝𝐢𝐭𝐬 (𝐒𝐚𝐭𝐨𝐫𝐮 𝐆𝐨𝐣𝐨 𝐱 𝐎𝐜)

•• Chapitre 24 : Les Larmes du Roi Déchu

La nuit était d'une noirceur profonde, seulement troublée par la pluie battante qui s'abattait sans relâche sur le monde en contrebas. Les gouttes, épaisses et glacées, tombaient avec une violence presque cérémoniale, transformant la terre en boue et le ciel en un rideau d'eau impénétrable. Le son du déluge était assourdissant, remplissant l'air d'un fracas continu qui semblait effacer toute autre sensation, tout autre bruit.

Sous cette pluie, sur une terrasse détrempée, Yuji Itadori se tenait immobile, son corps engourdi par l'humidité qui s'infiltrait à travers ses vêtements déchirés, trempés de sang. Ses cheveux, habituellement si vivants, étaient collés à son front, l'eau ruisselant sur son visage comme des larmes silencieuses. Mais ses yeux, vides et livides, étaient fixés sur une seule chose : le corps frêle de Mei, enveloppé dans un drap blanc qui s'alourdissait sous le poids de l'eau, collant à sa silhouette désormais sans vie.

Le drap, autrefois immaculé, était maintenant tâché de rouge et de gris, se mêlant à la pluie, la transformant en une ombre délavée de ce qu'elle avait été. Chaque goutte qui tombait semblait appuyer un peu plus sur l'absence de chaleur, de vie. Mei, si forte et si pleine de détermination autrefois, n'était plus qu'un souvenir figé, un vestige de ce qui avait été.

Debout face à elle, une silhouette imposante et sinistre observait la scène avec une froideur inhumaine. Sukuna, le roi des fléaux, se tenait là, son regard perçant fixé sur le corps de Mei. Ses traits, marqués par la cruauté et la puissance, ne trahissaient aucune émotion, seulement une curiosité distante. La pluie ne semblait pas l'affecter, glissant sur sa peau comme si elle n'osait pas le toucher.

Yuji, les bras encore serrés autour du corps de Mei, leva lentement les yeux vers Sukuna. Ses pupilles dilatées et vides reflétaient un mélange d'incompréhension et d'effroi. Il savait que Sukuna avait pris le contrôle de son corps à plusieurs reprises, mais cette fois, c'était différent. Il était là, physiquement, distinct, dominant l'espace comme une force inébranlable.

"Qu'est-ce que tu fais ici...?" murmura Yuji, sa voix à peine audible sous le fracas de la pluie, chaque mot pesant comme une pierre.

Sukuna, un sourire sinistre et presque amusé sur les lèvres, observa le jeune homme avec une intensité calculée. "Tu as compris, n'est-ce pas ?" dit-il d'une voix calme mais imprégnée d'une gravité ancienne, presque prophétique. "La vérité que tu as cherchée sans le savoir... la vérité qui te lie à moi, et à elle."

Yuji resta figé, ses doigts se crispant involontairement sur le drap qui recouvrait Mei. Ses pensées étaient un tourbillon de confusion et de terreur. "De quoi... de quoi tu parles...?" balbutia-t-il, sa voix brisée par le désespoir.

Sukuna avança d'un pas, la pluie tambourinant contre le sol autour de lui, mais jamais sur lui. "Yuji Itadori... tu n'es pas simplement toi. Tu es la réincarnation d'une existence qui aurait dû naître il y a plus de mille ans. Un fils non désiré... un rejeton que j'ai pourtant marqué de mon essence."

Le regard de Yuji vacilla, ses pensées se heurtant à cette révélation insensée. "Qu'est-ce que tu dis...?" répéta-t-il, mais cette fois, une étincelle de compréhension, aussi infime soit-elle, commençait à naître dans ses yeux.

Sukuna s'arrêta, son regard se posant sur Mei, puis il s'accroupit doucement à côté d'elle, un geste presque incongru pour une entité aussi monstrueuse. "Et elle... ta précieuse Mei. Elle a été autrefois bien plus qu'une simple humaine. Elle a été un vaisseau, mon vaisseau, dans une autre vie. Une servante dévouée, une humaine insignifiante dans le grand ordre des choses, mais dont la loyauté n'avait d'égal que son désir de plaire."

Yuji, le souffle coupé par l'horreur de ces paroles, sentit son cœur se serrer douloureusement. "Non... ce n'est pas possible..." murmura-t-il, refusant d'accepter ce que cela signifiait.