Bonus — L'Expérience Inavouée
La lumière dorée du crépuscule se déversait à travers les fenêtres du 221B Baker Street, teintant la pièce d'une lueur douce et tamisée. Sherlock, assis dans son fauteuil, les yeux perdus dans le vide, se remémorait les événements récents. Sa rencontre avec John, le retour à une vie qui ne l'était plus vraiment, et, surtout, un souvenir particulièrement persistant : le moment où Émilie lui avait pris la main.
Ce contact, bien que bref et apparemment anodin, avait laissé une empreinte étrange en lui. C'était comme une secousse imperceptible, un frisson qui avait traversé son corps de manière inattendue. Sherlock n'était pas homme à se laisser distraire par des sensations aussi triviales. Mais cette fois-ci, c'était différent. Il y avait quelque chose dans la douceur de ce geste, dans la chaleur de cette main contre la sienne, qui l'avait troublé.
— Irrationnel, murmura-t-il pour lui-même, en tentant de disséquer l'expérience. Mais les mots semblaient vides de sens face à la réalité de ce qu'il avait ressenti.
***
Quelques jours plus tard, Sherlock avait élaboré une théorie. Il devait vérifier si cette sensation était un simple incident, ou si elle avait une signification plus profonde. Pour un esprit aussi analytique que le sien, il n'y avait qu'une solution : expérimenter.
Émilie, quant à elle, avait remarqué un changement subtil dans l'attitude de Sherlock. Il semblait... différent. Moins distant, peut-être, ou simplement plus présent. Mais elle ne pouvait deviner ce qui se tramait dans l'esprit du détective. Elle-même avait toujours eu du mal à comprendre l'importance du contact physique. Ayant perdu ses parents très jeune, elle avait grandi dans une solitude émotionnelle où les étreintes, les caresses, les gestes d'affection étaient rares, presque inexistants. Toucher quelqu'un, ou être touchée, n'était jamais naturel pour elle.
C'était donc avec une certaine surprise qu'elle sentit la main de Sherlock frôler légèrement son bras lorsqu'il passa près d'elle dans la cuisine. Ce geste fut si subtil qu'elle pensa d'abord que c'était un accident. Mais lorsque, quelques instants plus tard, il lui tendit un dossier en s'assurant que leurs doigts se touchent, elle ne put s'empêcher de se raidir légèrement.
— Tout va bien, Émilie ? demanda Sherlock, son ton calme masquant habilement son véritable objectif.
Elle acquiesça, troublée par l'attention soudaine de Sherlock.
— Oui, oui, tout va bien. Juste un peu fatiguée, je suppose.Sherlock se contenta de hocher la tête, prenant note de sa réaction. Il ne s'était jamais vraiment penché sur les émotions humaines avec autant d'intensité. Pour lui, les sentiments, les contacts physiques, étaient des éléments qu'il utilisait pour manipuler, persuader ou tromper. Mais avec Émilie, c'était différent. Il ne cherchait pas à la manipuler. Il voulait comprendre ce qui se passait en lui, ce que ce contact éveillait.
Au fil des jours, Sherlock multiplia les occasions de tester sa théorie. Un contact fugace sur son épaule lorsqu'il passait derrière elle, un frôlement intentionnel en lui remettant un livre... Chaque fois, il observait attentivement les réactions d'Émilie, mais aussi les siennes. Et chaque fois, il ressentait cette même sensation étrange, un mélange d'apaisement et d'inconfort qu'il ne pouvait expliquer.
Émilie, de son côté, ne savait plus quoi penser. Elle n'avait jamais imaginé Sherlock aussi tactile. C'était à la fois déroutant et... agréable. Mais cette proximité nouvelle éveillait en elle des souvenirs d'enfance, de cette époque où le simple fait de tenir la main de quelqu'un était un luxe. À chaque contact, une part d'elle se sentait réconfortée, tandis qu'une autre part restait méfiante, comme si elle craignait que ce réconfort ne soit qu'illusion.
Un soir, alors qu'ils étaient tous deux assis en silence, plongés dans leurs réflexions respectives, Sherlock fit quelque chose d'inattendu. Il posa sa main sur celle d'Émilie, la recouvrant entièrement. Ce n'était pas un geste accidentel, ni un test comme les précédents. C'était une affirmation. Leurs regards se croisèrent, et pendant un instant qui sembla durer une éternité, ils restèrent ainsi, à se sonder mutuellement.
Sherlock rompit finalement le silence, sa voix basse et posée.
— Émilie, je dois admettre que je mène une expérience.Elle haussa un sourcil, incertaine de la direction que prendrait cette conversation.
— Une expérience ?— Sur nous deux, précisa-t-il. Sur ce que je ressens quand je vous touche, et sur ce que cela signifie.
Elle resta silencieuse, essayant de comprendre où il voulait en venir. Sherlock, quant à lui, attendait une réaction, un signe qu'elle comprenait ce qu'il ne parvenait pas à formuler clairement.
— Et alors ? demanda-t-elle finalement, la voix légèrement tremblante.
— Je ne sais pas encore, avoua Sherlock, retirant doucement sa main. Mais ce que je ressens est réel, et cela me trouble plus que je ne veux l'admettre.
Émilie baissa les yeux, laissant ces mots s'infiltrer dans son esprit. Elle n'était pas prête pour cela, mais elle ne pouvait nier l'évidence. Ce qu'elle avait toujours cru être une simple relation de travail avait évolué, devenant quelque chose de plus profond, de plus complexe.
— Sherlock, murmura-t-elle, je ne suis pas habituée à tout ça... à ce genre de proximité.
— Je sais, répondit-il doucement. Et je ne veux pas cous mettre mal à l'aise. Je voulais simplement comprendre ce que cela signifiait pour moi, pour nous. Je n'ai jamais été doué pour ce genre de choses, Émilie. Les émotions, les relations humaines, tout cela m'a toujours semblé superflu, presque inutile. Mais avec vous, c'est différent. Il y a quelque chose que je ne peux ignorer.
Émilie sentit son cœur se serrer. Les mots de Sherlock, bien qu'hésitants et maladroits, la touchaient profondément. Elle ne s'attendait pas à une telle confession de sa part, et cela la déstabilisait. Elle réalisa qu'au fond, elle aussi ressentait quelque chose d'étrange, une sorte d'attirance qu'elle n'avait jamais connue auparavant.
— Sherlock, dit-elle doucement, relevant les yeux pour croiser son regard. Je ne suis pas sûre de comprendre ce qui se passe entre nous. Mais je sais que je me sens différente quand vous êtes là. Peut-être que ce n'est pas si mauvais, après tout, de ressentir quelque chose...
Le silence retomba, lourd de significations non dites. Sherlock observa Émilie avec une intensité qui la fit frissonner. Il s'approcha légèrement, brisant encore une fois la barrière invisible qu'il avait toujours maintenue entre lui et les autres. Lentement, il leva la main et effleura la joue d'Émilie, un geste simple, mais chargé d'une émotion qu'il ne pouvait exprimer par des mots.
Émilie ferma les yeux un instant, savourant la chaleur du contact. C'était étrange, inattendu, mais terriblement humain. Pour la première fois depuis longtemps, elle se sentait vue, comprise, même si cela n'avait aucun sens logique.
Sherlock retira sa main avec une douceur inhabituelle, comme s'il craignait de la briser en allant plus loin.
— Peut-être que nous devrions continuer cette expérience, dit-il finalement, sa voix teintée d'une vulnérabilité qu'il ne montrait jamais.Émilie ouvrit les yeux et le regarda, un léger sourire se dessinant sur ses lèvres.
— Oui, peut-être. Mais... prenez votre temps, Sherlock. On ne doit pas se précipiter.Il hocha la tête, reconnaissant la sagesse de ses paroles. Pour la première fois, Sherlock Holmes, l'homme de logique et de déduction, acceptait de laisser un peu de place à l'inconnu, à l'émotion, et à tout ce que cela impliquait. Ce soir-là, quelque chose de fragile, de précieux, venait de naître entre eux. Ils ne savaient pas encore ce que cela signifiait, mais ils étaient prêts à l'explorer, ensemble.
Et c'était tout ce qui comptait, pour l'instant.
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Une colocataire improbable
أدب الهواةDans les ruelles sombres de Londres, où chaque ombre cache un secret, Sherlock Holmes se trouve face à un ennemi à la hauteur de son intellect : le redoutable Moriarty. Alors que les complots se multiplient et que les preuves se retournent contre lu...