Chapitre 19: Murthak

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Nous entrons dans l'auberge, et tous les regards se posent sur nous. Je ne peux vraiment les blâmer. Un mage et une jeune femme toute de guenilles vêtues, rien de commun. Je nous prends une table, et un homme d'âge mur s'approche de nous. Il lorgne Amila avec un étrange regard, et je le dissuade de toute tentatives avec le miens.

— Vous faut-il quelque chose Monseigneur ? me demande-t-il.

— Amila, que désirez-vous ? je demande alors à la jeune femme assise en face de moi. Je sais qu'elle est affamée, j'entends son ventre grogner depuis des heures.

— Du ragout de lapin et des lentilles... dit-elle timidement. Je ne peux m'empêcher de souffler du nez dans un petit rire narquois. Elle n'était pas aussi farouche quand elle me jetait son morceau de bois dans le dos.

— Mettez moi une tourte au légumes, et une pinte de bière, je demande à mon tour, et réservez-nous une chambre avec deux lits séparés pour ce soir, nous avons grands besoin de nous reposer.

— Séparés Monseigneur ? Je distingue dans ses pupilles comme une malice qui me déplait.

— Vous avez très bien entendus, ainsi qu'une grande bassine en bois remplie d'eau, j'énonce d'une voix ferme.

Amila me toise, la tête inclinée vers ses pieds. Elle est de nouveau cette pauvre chose effrayée. L'homme nous jette un dernier coup d'œil intrigué avant de retourner dans ses cuisines.

On nous apporte notre pitance, et Amila mange avec le soin et les bonnes manières d'une jeune femme de son rang. Quant à moi, je retire la croute de ma tourne avec mes doigts et la grignote. Elle est fumante et me brule un peu, mais peu m'importe. Je sens son regard sur moi. Elle a sa cuillère levée devant son visage mais observe ma manière de manger.

— Vous mangez toujours avec vos doigts ? me demande-t-elle, avec une légère répugnance qui la fait grimacer.

— Mangez, occupez-vous de votre plat, je lui lance, en prenant une carotte et me l'enfournant dans la bouche.

Je n'entends plus que le bruit des couverts qu'Amila fait tinter contre son assiette, et les pas allant et venant du tenancier. La salle se vide peu à peu, et je m'adosse, je suis repu. Amila est presque tentée d'en faire autant, mais elle se tient droite devant ses assiettes vides, comme une grande dame.

— Qu'allons-nous faire aujourd'hui ? me demande-t-elle.

— Je n'en ai pas la moindre idée. Peut-être faire quelques provisions pour la route.

Je dépose quelques pièces d'or sur la table, et nous sortons de l'auberge. Le village est animé, et des étals de marchandises habillent chacune des rues et allées qui serpentent devant nous. Amila regarde chaque article avec une curiosité enfantine, quant à moi, je surveille autour de nous. D'une créatrice de bijoux en cailloux vulgaires censés apporter chance et prospérité, à un vendeur de potion dont la composition douteuse fait plus penser à de la pisse de cheval qu'à de vrai remèdes, en passant par une femme qui propose des séances de divinations, je m'efforce d'empêcher Amila de tomber dans ces pièges attrape nigaud.

— Ça ressemblait pourtant bien à de l'améthyste ! me dit-elle en jetant un dernier regard déçu sur le collier en pierre violette que lui avait fait essayer la vendeuse.

— Vous n'êtes vraiment jamais sortie de votre Royaume, n'est-ce pas ? je lui demande, sans réellement attendre de réponse.

— Vous sous-entendez que je suis naïve ?

Je m'esclaffe.

— Naïve ? Vous aviez presque cru la voyante quand elle vous a dit que vous hériteriez d'un château !

La Saga des Trois Cités: T1 La Dévoreuse d'OmbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant